Architecte Alejandro Christophersen 1866-1946
09 mai 2016Mise à jour : 08 mai 2016. Catégorie : Buenos Aires.
Alejandro Christophersen (1866-1946)
Christophersen est un des architectes les plus prolifiques à Buenos Aires lors des trois premières décades du XXème siècle. Toujours fortement marqué par le style académique français, il est un des bâtisseurs des constructions les plus emblématiques de la capitale argentine, comme le Palais Anchorena, la bourse du commerce ou l’hôpital de Niños. Il fut aussi à la fois le fondateur de l’Ecole d’Architecture de la UBA en 1901 (dépendant de la Universidad de Buenos Aires) sur le modèle de l’Ecole des Beaux Arts de Paris, et un des fondateurs du renouveau de la Société Centrale des Architectes Argentins (SCA) en 1901.
Si vous voulez plus de renseignements sur le sujet, ou si vous désirez une visite de certains de ces bâtiments, contactez moi sur : petitherge@hotmail.com |
Un rapide passage par Montevideo :
En 1887, son diplôme en poche, il voyage à Montevideo pour aller voir ses parents alors en poste à l’ambassade de Norvège. Il ne restera pas très longtemps à Montevideo. Ce fut en fait plutôt un séjour de « vacances » mais qui lui permettra tout d’abord de connaitre le milieu de la bourgeoise « Rio Platense » et de prendre des premiers contacts avec les architectes déjà en place. On sait de lui à Montevideo qu’il travailla tout de même sur un projet (qui n’arrivera jamais à se concretiser) d’un Casino et Hôtel sur la plage de Pocitos, commande de Thomas Howard. Mais déjà ce séjour lui aura donné envie de traverser l’estuaire « Cruzar el Charco » pour aller voir Buenos Aires. Sur place il est impressionné par l’explosion urbaine et architecturale de la ville. 1887, c’est le début du percement de l’avenida de Mayo et de la mise en place de très grands projets comme le début des travaux de Puerto Madero (1er avril 1887). On manque d’architectes et la rencontre avec Ernesto Bunge est capitale. Chritophersen reviendra bien plus tard en 1924 dans la capitale uruguayenne, pour un nouveau projet d’un particulier : la Casa Morato (toujours en place). C’est le seul projet qu’on lui connait en Uruguay. Photo : Vue de Buenos Aires en 1888, la ville ne compte pas encore d'immeubles. A droite la coupole de la Cathedrale, au fond la Plaza de Mayo. |
Photos : Quelques uns des premiers hotels particuliers constuits à Buenos Aires par Chritophersen entre 1892 à 1898. De gauche à droite : Residencia Vicente Peralta Alvear (Avenida Callao 1332) en 1898, Residencia Nicholas Bouwer Palacio Mihanovich (Juramento 1938) en 1892, Petit Hotel Alfredo Martinez de Hoz (Avenida Santa Fe 1026) en 1898. Ils ont tous été détruits. |
Un début chez Bunge et une rencontre avec Kihlberg :
Pendant presque 3 ans (jusqu’en 1890) il débute dans l’agence de Ernesto Bunge qui était à ce moment aussi président de la SCA (Société centrale des Architectes). Il travaille aussi dans l’agence du Suédois Carl August Kihlberg qui était installé à Buenos Aires depuis 1870 et qui avait déjà réalisé pour l‘Etat Argentin, des projets tel que le bâtiment en 1873 de la « Dirección de Correos y Telégrafos » en fait, la première partie de ce qui allait ensuite devenir la Casa Rosada. Kihlberg retourne en Norvège en 1877 mais n’abandonne jamais ni son « agence filiale argentine » dans laquelle il associera Christophersen, ni ses contacts au niveau de monde politique argentin. Kihlberg mourra à Buenos Aires en 1908. |
Photos : D'autres hotels particuliers constuits à Buenos Aires par Chritophersen entre 1900 à 1903. De gauche à droite : Residencia Alberto Leloir (Avenida Cordoba 624) en 1900, Residencia Antonio Dellepiane (Viamonte 1465) en 1903, Residencia Domingo Acuña (Arenales 1107) en 1903. Ils ont tous été détruits. |
Deux ans dans la province de Santa Fe :
Juste avant la crise de 1890, Alejandro Cristophersen veut voler de ses propres ailes et se met à son compte. De plus au niveau personnel, entre de suite à la SCA (Société Centrale des Architectes Argentins) où il en devient très rapidement trésorier. Il rencontre aussi Mercedes Ramona Felisa Florencia de Lezica y Muñiz (1869-1948) avec laquelle il se mariera plus tard (Le 10 aout 1893). Ils auront deux filles, Mercedes et Maria-Rosa. La crise économique de 1890 est telle (on la surnomme en Argentine : « El Panico de 1890 », c’est tout dire !), que bon nombre d’architectes européens repartent en Europe. Quant à lui, il préfère partir de Buenos Aires pour s’installer dans la province de Santa Fe où il collabore à l’établissement de nombreuses colonies agricoles. Il faut dire que son cousin, Pedro Christóphersen (1845-1930) était établi en Argentine depuis 1871, homme d’affaire mais aussi heureux gagnant de la loterie nationale. Il avit debuté avec cette petite fortune petite fortune pour rapidement acheter des terres dans la province de Mendoza et de Santa Fe. Il embaucha de nombreux ingénieurs norvégiens pour irriguer ses terres, les a souvent parceller pour ensuite constituer des colonies de peuplement ou il installa les nouveaux colons suisses, français, italiens ou scandinaves. C’est ainsi qu’il embaucha aussi son cousin Alejandro Christophersen durant ses deux années de vaches maigres (1890-1891) en lui donnant la responsabilité de mettre au point le système d’irriguation ses terres. A ce sujet, une toute petite localité au sud de la province de Santa Fe se nomme « Christophersen », elle date de cette époque (fondée en 1893) sur les terres de Pedro Christóphersen et est peuplé aujourd’hui de 1000 habitants. |
Photos : D'autres hotels particuliers constuits à Buenos Aires par Chritophersen entre 1906 à 1912. De gauche à droite : Petit Hotel Gomez (Avenida Quintana 76) en 1906, Residencia Maximo Castro (Ayacucho 1456) en 1912. Ils ont tous été détruits. |
1892 : Ses débuts à Buenos Aires :
Il revient à Buenos aires en 1892, retrouve Kihlberg et s’associe un temps avec lui. De plus grâce à son talent mais aussi à ses relations entretenues depuis son passage chez Bunge et chez ce même Kihlberg, il peut se présenter sur de nombreux projets publics et privés. Il en emporte quelques uns comme celui de la Chapelle de l’hôpital Espagnol (1897-1901) ou le Panthéon de la Société Espagnole de secours mutuels situé au cimetière de Chacarita (1895). Il en perd d’autres comme le concours ouvert pour le nouveau Palacio de Congreso en 1895. Plus tard (en 1905) il se présentera aussi pour un concours pour la « Facultad de Ciencias Exactas, Físicas y Naturales » qui devait se situer sur la manzana de las Luces, et qui ne verra jamais le jour. C’est un « touche à tout », il construit des bâtiments officiels, des immeubles de rapport, des hôtels particuliers, des sièges de banques, des églises et des chapelles. En parallèle il ne laissera jamais non plus ses pinceaux, c'est-à-dire qu’il aura professionnellement une double vie, l’architecture mais aussi la peinture. A ce sujet il participera de nombreuses fois à des salons de peintures en Europe (Salon d’automne de Paris en 1909 et 1910) et en Argentine. Grand admirateur de Sorolla, Monet ou Pizarro, c’est aussi un adepte de la technique « alla prima ». Photo : Le Pantheon Espagnol du Cimetiere de Chacarita datant de 1895 encore debout ! Photo octobre 2011. |
Photos : 3 des oeuvres les plus importantes de Alejandro Chritophersen. De gauche à droite, l'Hospital de Niños de Buenso Aires (1893-1896), la Basilique Santa Rosa de Lima (1926-1934). L'immeuble du café Tortoni (1893-1896). |
Photo : Au desssus, une des réalisations de Christophersen totalement inconnue du grand public, le sige de la Cia. Nueva de Gas Buenos Aires Ltda (1904). Photo : Février 2016. Adolfo Alsina 1169. Quartier Montserrat.
Une Œuvre prolifique :
Difficile de donner une liste exacte de toutes ses réalisations, 3 décennies (les années 1890, 1900 et 1910) de travail intense avec des dizaines de projets souvent privés. Un nombre incalculable d’hôtels particuliers, qui ont pratiquement tous aujourd’hui disparus car placés dans les quartiers chics de la capital (Retiro, Recoleta ou San Nicolas) où les promoteurs à partir des années 1940 se sont donnés un mal fou à les faire disparaitre pour les remplacer par des immeubles de rentes de 10 a 15 niveaux au gout souvent du plus déplorable. Ensuite pendant les années 20 et 30, Christophersen continue à dessiner des projets et à les faire bâtir, moins de commandes privées pour des hôtels particuliers mais des bâtiments plus imposants tels que des immeubles de bureaux ou des églises.
S’il fallait retenir 6 grands projets encore en place et les plus représentatifs de Chrisotphersen, on citerait :
- Hospital de Niños (Gallo 1330. Quartier Recoleta). Construction: 1893. Inauguration: 1896. Sa première époque, sobriété, simplicité, façades dépouillées, plan symétrique, toitures à double pans. - Immeuble hébergeant le Cafe Tortoni (Avenida de Mayo 825. Quartier Montserrat) Construction 1893. Inauguration : 1898. Une incursion dans le style « Hausmann », académisme à la française. - Palacio Anchorena. Aujourd’hui Palacio San Martin sur la Plaza San Martin (Arenales 761. Quartier Retiro). Construction : 1905. Inauguration : 1916. Une adaptation moderne des hôtels particuliers français de la fin du XVIIIème et début du XIXème siècle. - La Bourse du Commerce (San Martin 299. Quartier San Nicolas). Construction : 1913. Inauguration : 1916. Un style académique très sobre, à la limite de l’austérité. Il marque la fin de son époque « Beaux Arts ». - Basílica Santuario de Santa Rosa de Lima, (Avenida Belgrano 2216. Quartier Balvanera) Construction: 1926. Inauguration: 1934. Une recherche personnelle du « beau » a travers un style Eclectique, de l’influence Romano-Byzantine et surtout une volonté de décalage avec ses 30 dernières années de projets. Une inspiration de la Cathédrale de Périgueux et du Sacre Cœur de Paris. - Edificio Transradio. Aujourd’hui HSBC (Avenida Corrientes 480. Quartier San Nicolas). Inauguration: 1940. Sa période « fonctionnaliste », de l’art déco épuré, et une influence du style newyorkais dans la façade. |
Photos : Les 3 autres oeuvres les plus importantes de Alejandro Chritophersen. De gauche à droite, l'Edificio Transradio (1940), le Palacio Anchorena (1905-1916). La bourse de Buenos Aires (1913-1916). |
Photo : Au dessus, l'intérieur du Palacio Leloir.
Liste des projets de Christophersen :
Bâtiments toujours existants à Buenos Aires, par ordre chronologique. Pour le moment 23 répertoriés, mais il y en a d’autres...
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Photos : La Residencia Bernardo Etchegoyen (Casa Angel Bracera), sur Avenida Belgrano 2852, date de 1902. |
Un grand architecte qui a su, tout en restant toujours dans la pure ligne de l’architecture académique, traverser 5 décennies et toujours rester dans son époque. Passant d’un style purement « Beaux-arts » des années 1890 à une certaine modernité en se permettant quelques ajouts italianisants dans les années 1900, ou même quelques touches art nouveau dans les années 1910. Présentant toujours une architecture rigoureuse (à la limite de l’austérité comme celle de la bourse du commerce), il a su tout de même la nuancer au fil des modes. Ces derniers projets comme celui des laboratoires Dupont (1930) sur Balcarce 548 montre déjà l’arrivée de l’ère du fonctionnalisme tout en gardant quelques détails art déco, quant à l’Edificio Transradio (1940) de avenida Corrientes 480, nous sommes là de plein pied dans le rationalisme. Comme quoi en architecture « l’utile devient beau », pour un architecte ayant fait ses classes et débuté dans l’époque des stucs et staffs en mal d’imitation néo classique, un monde le sépare de ses projets de fin de carrière. A travers lui, vous pourrez découvrir toute la complexité porteña de 1880-1930 qui s’évertue à courir derrière les démons du passé européen, dans une soif d’imitation à outrance mais qui aboutit tout de même à donner des réussites architecturales. Encore une bonne vingtaine de bâtiments debout à Buenos Aires qui pourront vous surprendre plus une petite dizaine dans les provinces. Vous pourrez entrer dans la plupart des bâtiments sans aucun problème. Si vous avez des questions ou si vous désirez une visite de certains de ces bâtiments, contactez-moi sur mon mail : petitherge@hotmail.com Photo : Le Palacio Dassen sur Adolfo Alsina 1762 date de 1914. |
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