Dernière mise à jour : 18 septembre 2021. #Buenos Aires.

 

Le Cabildo, un des premiers édifices de Buenos Aires en 1610.

 

La ville de Buenos Aires est fondée en 1580, et 28 ans plus tard (1608) on décide d’édifier le premier Cabildo au même emplacement qu’il occupe aujourd’hui, à savoir sur le coté Ouest de la Plaza Mayor (Plaza de Mayo).

En cette année 1608, Buenos Aires est un gros village, on peut estimer la population de la ville autour de 800 habitants. Quelques écrits datant de 1602 donne une population proche de 700 âmes ; et en 1620, la barre des 1.000 habitants est dépassée pour la première fois

Le Cabildo est l’instance civile locale de l’administration coloniale. Ce bâtiment abritera avant et après l’indépendance de 1810, les services de la justice,  de l’administration civile, d’archives, de réglementations de la ville, et même pendant un certain temps la prison. Le bâtiment du Cabildo cessera toutes activités administratives en 1894. Abandonné un certain temps, racheté par le gouvernement National, il est depuis 1940 transformé en musée.

 

Peintures ci dessous : Le Cabildo en 1750 (à gauche) et en 1780 (à droite). Entre les deux, la tour achevée en 1764 apparaît.

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Le Capitulum :

 

Le terme de Cabildo vient du latin « capitulum » (signifiant : « à la tête de », mais aussi « réunion de l’autorité supérieure »). Capitulum  provenant lui-même de « capite » (la tête).

Le mot Cabildo désignait donc l’institution qui prenait en charge toute l’administration d’une cité, le concept existait en Espagne, et fut apporté par les premiers "conquistadores" dès le début de la colonisation de l’Amérique.

Chaque cité possédait son Cabildo, et durant l’époque coloniale, il représentait le pouvoir des citoyens, ou du moins de ses représentants par rapport à celui de la couronne d’Espagne (représentée par le gouverneur de la place forte).

Les habitants désignaient des représentants qui ensuite siégeaient dans le bâtiment portant le même nom de « Cabildo » pour discuter des problèmes économiques, administratifs et politiques de la cité pour ensuite les résoudre entre eux. Les ecclésiastiques n’avaient pas le droit d’y participer ni même d’en faire partie.

nullEntre le début de la colonisation au XVIème siècle et la fin de la période coloniale au début du XIXème, le Cabildo perdit peu à peu de son autonomie, les droits et les décisions passant du pouvoir local au pouvoir central de la couronne espagnole.

On peut rapprocher le rôle du Cabildo à ce qu’est aujourd’hui une mairie. Les représentants du Cabildo changeaient chaque année. Ses membres étaient souvent des notables ou des commerçants les plus puissants de la ville. Ils appliquaient les décisions qu’après discussions et votes de l’ensemble des membres de ce même Cabildo. L’alcalde avait un rôle très important puisqu’il pouvait même refuser d’appliquer un ordre venant du roi d’Espagne s’il considérait qu’il n’était pas approprié à la situation locale.

Le Cabildo avait aussi la charge d’assurer le maintien de l’ordre et de toutes les décisions incombant au gouverneur en absence ou décès de celui-ci. Le gouverneur n’ayant qu’un rôle militaire et politique puisque nommé directement par la couronne espagnole.

Juste après l’indépendance du pays en 1812, la nouvelle république fusionna les rôles de gouverneur et d’alcalde en nommant un « Gobernador Intendente » de 1812 à 1820. Puis entre 1820 et 1854, le gouverneur eut aussi la tache de devoir assurer le pouvoir exécutif du Rio de la Plata. Puis à partir de 1854, le rôle du gouverneur de Buenos Aires se limite uniquement à la province de Buenos Aires. La cité de Buenos Aires, elle, est gouvernée alors par un Intendente (maire).

 

Photo ci-dessous : Buenos Aires, la Plaza Mayor et le Cabildo (dans le cercle rouge) vers 1650.  

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Le premier Cabildo colonial (1610) :

 

Difficile d’imaginer Buenos Aires en 1608, un tout petit village. Des rues se coupant déjà à angles droit articulées autour d’une place centrale, la Plaza Mayor.

Toutes les constructions sont faites de torchis et de bois, aux toits de paille. Il n’y a alors que deux bâtiments construits en « dur », maçonnerie et briques, la Cathédrale, dite alors Iglesia Mayor, et le fort (depuis 1595).

L’Alcalde (maire) de Buenos Aires, alors Manuel de Frias demande à disposer d’un bâtiment propre pour discuter des affaires de la cité.  Pour le financer on créé un impôt sur tous les bateaux qui mouillent au large du fort (il n’y a pas encore de port) et qui chargent et déchargent leurs marchandises au sud de la Plaza Mayor.

La construction débute en 1608 sous la responsabilité des « alarifes » (ingénieurs) Juan Mendez, Hernando Alvarez et Domingo Herrera. Le Cabildo se termine en 1610. On suppose que les murs étaient d’adobe (brique pleine) mais que la toiture était de chaume à deux pans et surmontée de deux petites tours à ses extrémités.

Le Cabildo en plus de se charger des taches administratives doit aussi régler les problèmes d’ordre de la cité et dispose donc d’une prison. Le bâtiment à peine terminé est remodelé en permanence en l’agrandissant à mesure que le rôle de la ville s’accroît. En 1612, on lui incorpore à l’arrière un "solar" ainsi que de nouvelles cellules pour étendre la prison. Des boutiques aussi viennent s’y installer et permettent au Cabildo de recueillir un peu plus de fonds. Le manque de place déloge les réunions du Cabildo dans la maison du gouverneur puis dans le fort. Le Cabildo devient presque exclusivement une prison et se délabre très vite.

Un bon siècle passera ainsi pendant lequel le bâtiment du Cabildo n’aura plus que la fonction de prison, alors que le conseil du Cabildo siègera dans le fort. Plusieurs projets d’édification d’un nouveau bâtiment sont dessinés pour le Cabildo,  et tous repoussés en raison de problèmes politiques ou économiques et ceci jusqu’en 1719.

 

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La construction du nouveau Cabildo (1719 – 1764) :

 

En 1719, on rase le veux Cabildo, que l’on avait l’habitude de nommer les « Casas de Cabildo », et la nouvelle œuvre est confiée tout d’abord à l’architecte jésuite Primoldi qui commence le bâtiment avec une élévation à 13 arcades en façade, puis le projet passe entre les mains d’un autre jésuite en 1724 l’italien Andres Blanqui, qui restreint la façade à 11 arcades sur la Plaza Mayor.

Lui non plus ne verra pas la fin des travaux, puisqu’en 1728, c’est au tour d’un ingénieur militaire espagnol Cardoso de prendre les choses en main. La construction est plusieurs fois stoppée par manque de budget. (Stoppés en 1728, puis en 1731).

En 1734, on inaugure déjà une première partie pour y placer les services administratifs de la ville et la prison, mais il faut attendre 1751 pour le complexe soit entièrement terminé, on a donc le droit à une seconde inauguration. Il ne lui manquera que la tour centrale qui sera achevée en 1764 par l'architecte espagnol Jose Antonio Ibáñez.

 

Photo ci-dessous : une des premières photos de la Plaza de Mayo vers 1850.

Le Cabildo n'a pas encore été touché par Pedro Benoit. Pendant un siècle de 1764 à 1879, il ressemblera à celui qui est sur cette photo. 

 

Photo ci-dessous : Le Cabildo en 1876.

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Les transformations des XIXème et XXème siècle :

 

Le 24 décembre 1821, par une loi provinciale, l’entité et les services du Cabildo sont supprimés de peur d’avoir, dans cette toute jeune fédération du Rio de la Plata, un contre pouvoir. Par contre le bâtiment est toujours occupé, puisqu’on y installe les services des écritures notariales et judiciaires. On y laisse aussi la prison pour hommes qui était déjà installée dans le deuxième patio. Le Cabildo devient donc en 1821, la « Casa de Justicia », on l’écrit même sur sa façade en lettres dorées.

 17 septembre 1861, inauguration de la nouvelle tour. Plus haute que la précédente sur laquelle on installe une horloge provenant de Londres de chez Thwaites & Reed.

 En 1879, la législature de Buenos Aires dispose de 2 millions de pesos pour entreprendre des travaux de « modernisation » du bâtiment du « Tribunal supérieur (de justice) de Buenos Aires », comme on nomme à l’époque le Cabildo. C'est à l’architecte argentin d’origine française Pedro Benoît (1836-1890) qu'est confiée cette tache de modernisation. Son père aussi architecte s’appelait Pierre Benoît et était venu s’installer de France en Argentine. (Donc ne pas confondre Pierre avec Pedro !)

Pedro élève ainsi en 1880 la tour de 10 m de plus et il accroche à la façade des ornements pour donner un style italianisant. Il en profite pour changer la couverture et faire disparaître les tuiles originales. Pour la petite histoire Pedro Benoît c’est l’urbaniste et l’architecte créateur de la ville de la Plata. Pedro a peut être modernisé le bâtiment, mais du coup tout le style coloniale espagnol disparaît derrière un mélange de style français italianisant.

 

Photo ci-dessous : les démolitions successives. 

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Photo ci-dessous :  Vers 1890, le Cabildo sectionné au nord. C'est le nouvel angle avec l'Avenida de Mayo.

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Le premier tronçonnage (1884 – 1888) :

 

En 1884, le Congreso, sous l’autorité de Don Torcuato de Alvear, autorise le tracé de la nouvelle Avenida de Mayo projetée qui reliera les plazas de Mayo et de Congreso.

Ce n’est pas une bonne nouvelle pour le bâtiment du Cabildo, car cette nouvelle avenue débutera sur la Plaza de Mayo juste au niveau des trois dernières arches du bâtiment.

En 1884, aucune conscience de ce qu’est le patrimoine historique, au nom du « modernisme » et dans le but de faire « aussi bien que Paris ou même mieux », tout est permis.

La fin du XIXème siècle, c’est l’époque d’or de l’Argentine, il faut changé l’image d’un pays et d’une ville sous-développée, en ville européenne moderne.

Adieu le Cabildo ! On te sacrifie ! Le passé n’a pas de place dans une politique urbaine de grands travaux à la Haussmann.

1888, début des travaux, ou plutôt démolition des trois dernières arches coté nord, mise à mort du clocher (qui n’aura vécu que 9 petites années), et démolition totale des bâtiments des deux patios intérieurs. On trace la première cadra de l’Avenida de Mayo ! C’est le début pour le Cabildo d’une traversée de désert qui va durer cinquante ans.  

Reste alors un Cabildo déséquilibré avec 2 arcades coté nord, l’arcade centrale et 5 arcades coté sud.

 

Photo aérienne ci-dessous : Toutes les arcades de gauche y sont, mais la Diagonal Sur existe déjà sur une cuadra, nous sommes en 1925. En 1933 les 3 arcades sud (de notre coté) sur cette vue seront démolies. Une très belle vue aérienne. En haut la Cathédrale, sur l'Avenida de Mayo à l'angle, déjà la "Intendencia" et ensuite le bâtiment de la Prensa.

Le Cabildo compte encore de nombreux patios intérieurs. Ils seront tous démolies entre 1933 et 1940. Ainsi que deux immeubles d'habitation sur la Calle Yrigoyen.

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Photo ci-dessous : Vers 1935, ce qui reste du Cabildo, très mal entretenu.

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Le second tronçonnage (1931 – 1940) :

 

1931, Cette fois ci la Municipalité décide d’ouvrir la Diagonal Sur (Pendant identique de la Diagonal Norte toute récente).

Cette nouvelle avenue aussi nommée Presidente Julio A Roca, doit relier la Plaza de Mayo à l’avenida 9 de Julio (qui n’existe pas encore).

Pas de chance, la nouvelle avenue va débuter au pied du vieux Cabildo, la Municipalité décide donc de démolir les 3 arcades coté sud.

Le 31 mai 1933, le Cabildo est déclaré “monumento histórico”  par la loi N° 11688, justement pour sauver ce qu’il en reste ! Drôle de compensation !

En 1938, on confie les travaux de restauration de l’ensemble à l’architecte italien Mario J. Buschiazzo (1920-1970) qui essaie de rendre l’aspect qu’il pouvait avoir du temps de la colonie espagnole. C’est ce qu’on appellera pompeusement et politiquement correct la « restauracion nacional », un semblant d’authenticité en la débarrassant de tous ces apports successifs, en lui remettant sa toiture en tuile, et la débarrassant de tous les ajouts se trouvant dans l’actuel patio arrière. Il réinstalle aussi la cloche provenant de Cadiz qui avait été retirée par Pedro Benoit en 1889. Le 12 octobre 1940, les travaux sont terminés et le nouveau Cabildo réinauguré.

Mario Buschiazzo deviendra maître en la matière puisque on lui demandera en 1945 de faire de même avec le Cabildo de Salta.

 

Photos ci-dessous : Avec presque le même angle. A gauche en 1930, à droite en 2010. Cliquez sur les photos pour agrandir.

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Photo ci-dessous : Le Cabildo de Buenos Aires, le 26 juin 2010. Photo Petit Hergé.

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Le musée du Cabildo :

 

Aujourd’hui le Cabildo n’est plus qu’un petit musée, et rien de plus.

Petit aperçu à travers quelques pièces présentées d’avoir une idée de ce que pouvait être le Buenos Aires colonial. Bon point de vue sur la Plaza de Mayo à partir du balcon de l’étage. Derrière le bâtiment, ils ont aménagé une sorte de patio intérieur, il ne s’agit pas de l’original mais d’une adaptation de 1940. Le sol était encore en terre battue dans les années 1990, depuis 2002 il est en brique.

Un bar ouvert dans le patio en 2003 a fermé en 2018, histoire d'en profiter pour faire quelques fouilles archéologiques dessous. Certains jours quelques vendeurs de babioles s’y aventurent.

Le cadre est agréable, le bâtiment vaut la peine d’être visité. On peut le visiter tous les jours sauf le dimanche. Pendant des années l'entrée était aux alentours de 0,50 euros, puis peu à peu l'entrée est devenue gratuite.

Même avant la pandémie, les jours d'ouverture étaient assez aléatoires, en fonction des manifestations de la Plaza de Mayo, des jours fériés nationaux et municipaux.

De toutes façons, lors de vos visites vous passerez sur la Plaza de Mayo, je vous invite donc à entrer dans le Cabildo, ne serait ce que pour avoir une belle vue de la place du premier étage. 

 

Photos ci-dessous : A gauche : la rénovation du Cabildo, début 2006. A droite : vue arrière du Cabildo, le 18 septembre 2006. Photo Petit Hergé.

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