Dernière mise à jour : 29 septembre 2021. #Buenos Aires.

 

Le quartier de Recoleta de Buenos Aires :

 

Recoleta, le quartier le plus au nord du secteur macro centre de Buenos Aires, la campagne  pendant l’époque coloniale espagnole, puis un faubourg où quelques maisons se regroupent autour de la propriété des Récollets.

Ils ont donné le nom au quartier et puis leur cimetière est devenu municipal en 1822, se peuplant de plus en plus de cadavres exquis et raffinés de l’aristocratie et de la bourgeoisie "portègne" à partir de 1870.

Quand on pense Recoleta, on pense avant tout au cimetière et à la tombe d’Eva Peron, mais Recoleta c’est tout de même plus que ces simples clichés un peu trop faciles.

Recoleta c’est 5,9 Km2 et 158.000 habitants. La partie nord, tout comme le quartier de Retiro est occupé par les voies ferrées et une partie de la Villa Miseria 31 Bis.

Le plus chic autour du cimetière et allant vers Retiro. La partie la plus animée, le long de l’Avenida Santa Fe. La partie la plus estudiantine, le secteur de Facultad de Medecina touchant Balvanera et sa Fac de Sciences économiques. La partie la plus intello, autour de l’Ateneo Splendid. La partie la plus verte, entre Plaza Francia et la Floralis Generica. Tout un programme ! 

Un deuxième volet à cet article à lire ensuite : A visiter dans le quartier de Recoleta.

 

 

 

 

Recoleta un quartier qui vieillit :

 

Recoleta fait rêver les étrangers, voilà plus d’un siècle que ce quartier est le XVIème arrondissement de Buenos Aires.

Depuis l’invasion de la bourgeoisie porteña en 1870 fuyant la fièvre jaune précipitamment des quartiers sud comme celui de San Telmo, le quartier de Recoleta fut toujours à la mode.

1890 et 1900 voient l’explosion de la construction des hôtels particuliers pullulant sur les avenidas Quintana, Alvear, Las Heras et Callao. C’était chic d’y habiter, c’était chic de s’y promener et c’était aussi très chic de s’y montrer.

J’emploie le passé car depuis 1970, la tendance s’est inversée. Recoleta ne s’est pas popularisé pour autant et on ne voit pas se monter d’HLM pour entasser des milliers de boliviens, mais voilà que les nouvelles générations argentées (et argentines) ne s’y installent plus.

Bref Recoleta c’est un peu « has been ». Quand on est un jeune couple de bonne famille avec les premiers enfants qui arrivent en 1980, on va Barrio Norte (au sud-ouest de Recoleta sur Avenida Santa Fe).

Dans les années 1990, c’est plutôt Palermo vers Scalibrini Ortiz et Las Heras. Dans les années 2000, c’est Palermo Viejo ou Belgrano, en 2010-20 c’est au tour de Colegiales, Villa Urquiza ou Nuñez.

Bref au fil des décennies, Recoleta s’est vidé et il ne reste plus que les "vieux". C’est le quartier aujourd’hui qui compte la moyenne d’âge la plus élevée de toute l’Argentine.

En même temps, le tourisme international a explosé avec l’arrivée massive des Brésiliens, alors on a construit des dizaines d’hôtels entre 1990 et 2010, et de préférence à Recoleta pour faire plus chic ! Dans les rues de Recoleta ne restent plus que deux groupes d’humanoïdes, les porteños des anciennes générations et les brésiliens venus faire du shopping.

Recoleta reste un beau quartier, mais le patrimoine a subit une hécatombe entre 1940 et 1970 quand le quartier était encore à la mode et que les promoteurs se sont donnés à cœur joie pour racheter hôtels particuliers, les démolir et les remplacer par des immeubles de 15 à 25 niveaux. L’avenida Quintana n’est plus reconnaissable. Certes, on découvre encore de beaux restes ! Et la visite en vaut la peine, mais je pleure à chaque fois que je tombe sur d’anciennes photos des années 20 ou 30 ! 

 

 

Photos ci-dessous : Un exemple parmi tant d'autres. L’hôtel Particulier de Avenida Callao 920, entouré lui même d'autres hôtels particuliers. En dessous photo de 1900, à droite, on peut voir que toute la cuadra des 900 comme celle des 800  sont occupées que par des hôtels particuliers. La Residencia Castelhum fut démolie en janvier 1938. 

 

 

 

 

Un peu d‘histoire pour commencer :

 

Tout commence en 1708 lorsqu’un ordre Franciscain, les Récollets, viennent d’Espagne.

Ils achètent une « chacra » (terrain agricole) tout au nord, hors la ville, sur une butte.

Ils y montent un couvent et une église, Nuestra Señora del Pilar dont la construction se termine en 1732. La butte ne mettra pas beaucoup de temps à se nommer la butte des Récollets (ou en espagnol  « La Recoleta »).

Cette butte est placée le long du Rio de la Plata qui coule au nord. A l’ouest l’Arroyo (Rivière) Manso à l’emplacement actuel de l’avenida Pueyrredon. Comme la zone est uniquement occupée par des propriétés agricoles et très espacées les unes des autres, la zone est très peu empruntée.

Il y a, alors le long du Rio de la Plata, énormément de fermes ou on élève poules, ovins et petits bétails. Puis s’ouvrent quelques abattoirs qui drainent avec eux, l’ouverture de bars, de « pulperias », où on boit, on joue, on parle, on discute, on se bagarre.

Le secteur se couvre de ces pulperias et les malfrats et vagabonds sont légions. On s’y donne aussi rendez vous pour préparer le prochain mauvais coup et comme les autorités sont peu présentes dans le secteur, on s'y installe pour se faire oublier si on vient de s’évader. Une fois la nuit venue, personne n’ose s’aventurer dans la zone.

En 1822, L’ordre des Récollets est dissous et le gouvernement de la ville en profite pour  récupérer le cimetière et le transformer en premier cimetière public de la ville. On le nomme officiellement « Cementerio del Norte ». A noter aussi que les mendiants sont si nombreux dans la zone que la municipalité de Buenos Aires décide d’installer dans une partie de l’ancien monastère en 1858, un asile de mendiants.

Quelques maisons commencent à pousser le long des voies principales d’accès vers le centre de Buenos Aires, comme la future Avenida Santa Fe, celle de Las Heras et la future calle Quintana.

 

Photo ci-dessous (Cliquez dessus pour agrandir) : 1890. La lavandière se trouve sur une parcelle de l'intersection des calles Posadas et Ayacucho, là où roule le tramway. Il monte vers la Avenida Alvear. Tous les hotels paticuliers ont leurs façades sur Alvear. Aujourd'hui il n'en reste pas un seul ! Le (A) (pas encore de données dessus, mais en 1940, existait encore). Le (B) fut démolie en 1920 pour construire l'Alvear Palace Hotel. Le (C), on ne voit qu'un petit bout sur Avenida Alvear encore debout en 1940. Le (E) était à l'angle d'Ayacucho et de Quintana, il est démoli en 1939. Le (F) à l'angle d'Ayacucho et Alvear encore debout en 1965. Le (G) est le Palacio Dose, le plus d'entre tous. Il date de 1890. Sur la photo on voit que les jardins ne sont pas terminés, il y a encore des palissades en bois qui l'entourent. Le Palacio Dose fut démoli en 1938.

 

 

Ci dessous (Cliquez pour agrandir) : En 1895, les mêmes hôtels particuliers sous un autre angle, toujours à partir de la calle Posadas. Quelques années plus tard (vers 1893-1895). Le Palacio Dose (G) est terminé. Le (H) pas encore d'information dessus, mais en 1940 encore debout.

 

Photo ci dessous (Cliquez pour agrandir) : Enfin dernière photo de 1915. La voie de tram est toujours sur Ayacucho, mais cette fois, c'est une charrette qui y passe. L'électricité passe dans la rue, ça se voit, on a placé des poteau en bois à même sur les trottoirs. Les 3 hôtels particuliers (H) (A) (B) sont toujours en place, et on voit une construction de plein pied (D) plus simple à l'angle de Posadas et d'Ayacucho. Cette dernière construction sera démolie en 1938.

 

 

L’embourgeoisement du quartier :

 

Il faut attendre les premières épidémies de fièvres jaunes qui s’abattent sur Buenos Aires pour que le secteur commence véritablement à se peupler.

La première en 1852. La bourgeoisie, occupant les quartiers sud de Buenos Aires, comme San Telmo ou Montserrat,  déménagent à chaque épidémie (1852, 1858, 1870, 1871) touchant toujours ces mêmes quartiers et achètent des terrains sur la bute des Recolets et autour pour construire des propriétés à chaque fois plus prestigieuses les unes que les autres.

Vers 1880, tous les terrains sont construits. On en démolit même certaines pour s’agrandir ou pour transformer et moderniser sa « quinta » en « Hôtel Particulier » avec tout le luxe parisien et ses derniers apports modernes en terme d’hygiène. 

Voilà l’époque du Paris de l’Amérique Latine, entre 1890 et 1910, on peut même penser que les hôtels particuliers de Recoleta (et de Retiro) sont alors capables de rivaliser avec ceux de la plaine Monceau de Paris.

Cet âge d’or de l’architecture du « petit Hôtel » (comme on dit alors à Buenos Aires) arrive entre 1915 et 1925. Pas un seul immeuble dans le quartier de Recoleta en 1915-1920, uniquement des maisons basses et des centaines d’hôtels particuliers.

Le coup final qui annoncera la fin d’une certaine Recoleta dans sa partie la plus chic est la mise en chantier du « Alvear Palace Hotel » sur l’Avenida Alvear. Imaginez en 1923, alors que l’avenida Alvear ne connait que des « palais », le début d’un chantier pour monter un immeuble de 12 étages abritant plus de 200 chambres et suites ! Ça sera le début de la transformation d’un quartier alors occupé par de l’habitat individuel de très haut standing par un quartier avec des immeubles de 10 à 15 étages.

 

Photo ci-dessous : Avenida Alvear en 1935. C'est déjà la décadence de Recoleta. On a détruit l'Hotel Particulier (B) pour construire l'Alvear palace qui écrase tous les hôtels particuliers de l'avenue. Le Palacio Dose (G) devant parait bien petit. il sera à son tour détruit 3 ans plus tard en 1938. A l’extrême droite, on appercoit juste l'angle de l’hôtel Particulier Mitre (aussi démoli).

 

 

 Photo ci-dessous : Immeuble de rentas de la Franco Argentina de 1916.

 

 

La décadence de Recoleta :

 

Les premières maisons à subir les démolitions sont celles qui se  trouvaient sur les grands axes, comme l’Avenida Santa Fe à partir de 1915-1917, remplacées rapidement par des « buildings ».

L’« Edificio de Rentas » de avenida Santa Fe 1801 (juste à l’angle d’Avenida Callao) inauguré en 1916 est le premier que j’ai pu trouver s’élevant sur 10 niveaux s’élevant sur presque 60 m de haut avec sa coupole.

Non loin de là, El Edificio Splendid (1917-1919) de 9 niveaux sur Santa Fe 1860, enfin le plus haut de Recoleta en 1920, l’Edificio Roccatagliata sur Callao 1103 (juste aussi à l’angle de Santa Fe) qui doit dépasser les 70 m.

Dans les années 20, l’axe Callao, et l’axe Santa Fe s’édifient d’immeubles de type haussmannien de très grande hauteur. Dans les années 30 c’est au tour du Recoleta plus chic entre Las Heras, Libertador, Callao et Uruguay à voir ses plus beaux hôtels particuliers disparaître.

Enfin, le désastre est le plus criant entre 1940 et 1970. Avec une pointe entre 1955 et 1970, où on ne respecte plus rien, ni la qualité, ni le patrimoine et l’histoire des hôtels particuliers démolis, ni la hauteur, ni le style, et les façades en béton brut gris des monstres qu’on y place ! Une calamité !

Le patrimoine du quartier part sous les marteaux piqueurs. On rase le passé et cela jusqu’au milieu des années 1990, ou on commence à avoir un début de prise de conscience de ce qui disparaît, mais le mal est déjà fait !

 

Photo ci dessous : l'Edificio Rocca tagliata de 1920 et le Splendid de 1919.

 

 

 

 

Déplacements de la nouvelle population aisée :

 

Les années 80, marque la fin d’une époque, la fin des dictatures en Argentine, le début d’un nouveau souffle démocratique et surement aussi la recherche chez les nouvelles générations de vivre autrement.

Les jeunes familles fortunées déménagent du quartier et les nouveaux couples pensent s’installer plus au nord, du coté des limites entre Recoleta et Palermo.

Le long de la avenida Santa Fe qui est toujours à la mode mais entre les avenues Puerreydon et Coronel Diaz (Toujours sur Recoleta) ou entre Coronel Diaz et Scalabrini Ortiz (sud de Palermo).

L’ouverture juste à la limite entre les deux quartiers du « Alto Palermo Shopping » dont les travaux débutent en 1988 pour être inauguré en 1990 accélère le mouvement.

En 1990, on ne s’installe plus à Recoleta c’est vraiment trop « ringard ». Les années 90 marquent aussi le développement du tourisme international et le quartier qui comptait déjà bon nombre d’hôtels 4 et 5 étoiles, en ouvre encore plus en une quinzaine d’années.

La jeunesse dorée porteña ne vient plus boire un verre en terrasse dans le quartier mais elle est remplacée par les touristes étrangers, les bars et restaurants survivent. Mais les discothèques ferment une à une, puis vient le tour des cinémas qui vont fermer les uns après les autres. Le dernier ciné multisalles était celui de Village Recoleta pourtant ouvert en 1999 juste devant le cimetière mais qui est transformé en 2009-2011 en Mall Recoleta, un shopping pour Brésiliens !

Il reste uniquement quelques salles en sous sols. Quant au secteur Callao-Santa Fe qui comptait encore au début des années 90, 8 cinémas indépendants avec de grandes salles, le dernier (Le Cine Atlas sur Avenida Santa Fe 2000) a fermé en juin 2011. On se souviendra donc encore longtemps du Cine America, du Cine Gran Spendid, du Santa Fe 1 et 2, du Cine Capitol, de l’Atlas Recoleta, …

Recoleta au fil des années 2000 se « touristise », il suffit d’entrer à La Biela, pour s’en rendre compte, plus beaucoup de porteños dedans ! Tout comme les boutiques de Quintana, d’Alvear, d’Ayacucho ou de Junin. Les épiceries et les magasins de premières nécessités ferment devant les loyers exorbitants et les magasins de vêtements de mode prennent le relais.

Le seul secteur encore bruyant, joyeux et passant et ou le touriste se mêle à l’habitant et l’Avenida Santa Fe du coté de Callao. Tout le secteur Cordoba-Callao-Coronel Diaz et Santa Fe est encore le seul secteur habité par des habitants réguliers et avec des commerces « normaux » ou les bars et restos résistent.

Au nord de Santa Fe vers Libertador, les bars, restaurants et boutiques ne tiennent que le temps d’un bail (3 ans), le temps d’une mode !

 

 

Photo ci-dessous : Une des confiterias des plus classiques de l'Avenida Santa Fe , Los Molinos. Ouverte nuit et jour.

 

Aujourd’hui Recoleta :

 

C’est 158.000 habitants en grande majorité installés dans le secteur Cordoba-Callao-Coronel Diaz et Santa Fe qui ne représente que le tiers de la surface du quartier.

La population continue à vieillir et le quartier continue à se dépeupler. 199.000 en 1991, 166.000 en 2001, 158.000 en 2010. De beaux vestiges de ce Recoleta d’antan du coté de Guido 2500 et 2600 ou sur Alvear 1700 et 1600.

Tout le reste est construit dans un style années 60-70 des moins heureux. Pour trouver des immeubles 1900-1920, essentiellement sur Avenida Santa Fe entre 1500 et 2100 ou autour de la Plaza Vicente Lopez.

Les boutiques qui ont la côte toujours sur Avenida Santa Fe, et tout au long des quartiers de Retiro, de Recoleta et de Palermo. Les restaurants à touristes, du coté de Vicente Lopez 2000 à 2200. Quelques bars sur Avenida Las Heras, mais la plupart sont aussi sur Callao ou Santa Fe. Les bars à champagne (enfin, vous voyez ce que je veux dire) sur Vicente Lopez 2200, ou Azcuenaga de 1800 à 2100 sans oublier l’historique Black d’Ayacucho 1981.

Les places et jardins sont nombreux, La Plaza Rodriguez Peña en face du Ministère de la culture et de l’éducation, la Plaza Vicente Lopez ultra chic, la Plaza del Paraguay, que l’on nommait il n’y a pas encore aussi longtemps la Plaza Barrientos, avec quelques cafés autour, juste à coté la Plaza Emilio Mitre refaite à neuf depuis l’installation de parkings souterrains et de la nouvele station "Las Heras" de ligne de métro H, juste en face de la Faculté d’Ingénieurs.

La plazoleta Gelly y Obe qui se trouve dans la partie la plus chic de Recoleta juste à coté de l’Ambassade du Royaume Uni, ensuite tous les jardins se trouvant entre les avenues Libertador et Alcorta.

Le quartier regorge de Musées, de centres d’expositions, de lieux historiques que je vous invite à découvrir dans l’article suivant : A visiter dans le quartier de Recoleta.

 

 

 

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