Mise à jour : 03 septembre 2011. Catégorie : Buenos Aires.

Article écrit par Linda Souak et le Petit Hergé.

La Casa de la Cultura de Buenos Aires : 

A quelques pas de la Casa Rosada, au 575 de la fameuse Avenue de Mayo, s’élève un édifice à l’architecture étonnante ; autrefois le siège de la Prensa, l’un des plus vieux quotidiens encore édités à Buenos Aires, le lieu est aujourd’hui occupé par les services culturels de la ville qui y proposent expositions et représentations en tous genres. La visite de l’édifice vaut déjà le détour !

Photo : Atena éclairant de sa torche la ville de Buenos Aires du haut de l'édifice de la Prensa !  

 

José Clemente Paz, fondateur de La Prensa  :

En 1865, pendant la guerre de la Triple Alliance (1864-1870), José Clemente Paz (1842 – 1912) créé une association « La Sociedad Protectora de los Inválidos » qui a pour but d’organiser un corps d’infirmier à Buenos Aires pour soigner les soldats revenant du front. Afin de financier le cout de cette opération il fonde un quotidien "El inválido argentino". A la fin de la guerre, changera de nom et deviendra le 18 octobre 1869, le quotidien « La Prensa ». Toujours préoccupé par les problèmes de santé, en 1871 lors de la fièvre jaune, il monte une seconde fondation pour venir en aide aux malades. Politiquement actif, Il se lit avec Bartolome Mitre (Journaliste et homme de lettre devenu président de la République Argentine entre 1862 et 1868, en 1870 lui aussi fonde un quotidien : « La Nacion »). Apres le désastre de la Révolution de 1874, José Clemente Paz doit s’exiler à Montevideo ou à 32 ans il termine ses études de droit. De retour à Montevideo, il est élu député en 1879 puis entre 1883 et 1885 devient ambassadeur argentin à Madrid. A son retour en 1885 à Buenos Aires il reprend en main son journal. C’est alors que le projet de tracer une nouvelle avenue entre la Plaza de Mayo et la futur plaza de Congreso devient d’actualité. Sur la première cuadra tracée en 1894 à partir de la Plaza de Mayo il achète un terrain pour y faire bâtir le siège de son quotidien qu’il veut le plus moderne de l’époque en s’inspirant de tout ce qu’il aura vu en Europe.

José Clemente Paz va donc diriger son journal lui-même entre 1885 et 1900, et s’investira totalement dans le projet et la construction du nouveau « Palais » à la gloire de La Prensa.

 En 1900, il se retire définitivement en Europe (il avait aussi la nationalité espagnole) et va décéder à Monaco en 1912. Sa dépouille sera rapportée à Buenos Aires, il repose aujourd’hui dans le cimetière de La Recoleta. Le quotidien passera en 1912 aux mains de son fils Ezequiel Paz.

Photo : Une des premières photos de La Prensa, la statue est déjà en place, mais le métro n'est pas encore construit. Il n'arrivera qu'en 1909 au pied du bâtiment. A gauche, un timbre de 1942 porte son portrait. Cliquez sur les photos pour les agrandir !

 

 

Photo : La seule photo que je connais de la construction de la Prensa. Prise du toit de la Casa Rosada. On y voit tres bien l'axe de nouvelle Avenida de Mayo, encore peu d'immeubles. Celui à droite de la mairie de Buenos Aires, le premier a s'être installée sur l'avenue. La construction de l'immeuble de la Prensa n'est qu'à ses début, la photo doit donc être de 1894. Le Cabildo a perdu son clocher, mais a encore ses deux arcades de gauche. Au fond la Plaza Congreso n'est qu'un projet (le Congreso ne sera édifié qu'en 1909), tout comme la Diagonal Norte à droite de la photo qui ne sera percée qu'en 1911. Le Cabildo recuperera son clocher en 1944.

La Prensa, un immeuble parisien !

L’immeuble a été dessiné à Paris en 1894 mais le chantier fut suivi à Buenos Aires par deux architectes et ingénieurs argentins, Carlos Agote et Alberto Gainza qui ont fait leurs études au Beaux Arts de Paris et ont montés ensemble, de retour à Buenos Aires, un atelier d’architecture. José Clemente Paz a désiré incorporer au bâtiment tout ce qui est le « mieux-vu » à cette époque et presque toute la décoration, les meubles comme les matériaux et les ornements viennent d’Europe. C’est ainsi que la société qui fut chargé de calculer et de dessiner la structure métallique, ossature de l’immeuble, est la Société Moisant Laurent Savey et Cie, une des meilleures de Paris qui participa en 1889 au montage de la Tour Eiffel et en 1900 au Grand Palais. La fonte d’art est confié au meilleur, encore une société française « La Fonderie d’art du Val d’Osne », la mosaïque à une autre société parisienne Hippolyte Boulenger et Cie installée alors 18 rue de Paradis. La zinguerie et les ardoises à la société T. Michelet. L’Horloge est confiée à Paul Garnier de Paris (9 rue Bedant), la chaufferie a un suisse, la société Poullé, et les cinq ascenseurs et les six monte-charges à la société de New York Spargne. Le chantier dure trois ans de 1894 à 1897.

Photo : Aujourd'hui, l'immeuble de la Prensa. On remarque par rapport à la photo de 1898 en haut de l'article que le batiment a perdu son 5ème étage ! Il n'y a plus d'oeil de boeuf dans la toiture.

Modernisme et progrès en 1898 : L’Utopie de José Paz

Le bâtiment compte en 1898 tout ce qui peut exister de plus moderne en ville, gaz, électricité, ascenseur et monte-charges, illumination électrique, système de pneumatiques entre les services, chauffage central. De plus, toujours souciant du bien être, José Clemente Paz incorpore en plus de l’activité journalistique, un cabinet de soins médicaux dans l’immeuble, plus une bibliothèque de 6.000 livres, un observatoire météorologique. Le bâtiment possède aussi des salons de fêtes et des salles de conférence (El Salon Dorado). De l’extérieur le bâtiment peut être classé en style éclectique français, à l’intérieur il est plutôt de style second empire (comme on dit en Argentine, comprenez haussmannien). Certains en Argentine n’ont pas peur de le classer en style « Garnier » du nom de celui qui édifia l’Opéra à Paris et le Casino de Monte Carlo. L’immeuble est construit sur six niveaux et sur deux sous sols, dont le plus bas se situe à 8,30 m sous le niveau de l’avenida de Mayo. Les sous-sols abritaient les services d’impression, les dépôts ainsi que les chaudières. Au Rez-de-chaussée, les services ouverts au public pour les abonnements et le petites annonces coté avenue, au centre du bâtiment, au centre de la cour couverte, les services de l’administration. Au premier étage, la direction et la rédaction. Sur l’avenue toujours au premier étage Le Salon Dorado (30 m par 8 m) qui servait pour les fêtes et les conférences. Au deuxième étage toujours les services de rédaction qui se découpent par bureaux spécialisés par provinces, dans les années 20, il y avait aussi un conservatoire de musique. On trouve aussi un bar et restaurant pour les employés. Le troisième étage était réservé aux logements de certains employés et a quelques invités du journal comme en 1905 le compositeur italien Giacomo Puccini. Enfin au quatrième étage, on trouvait le service de typographie, la linotype et le stéréotype. Enfin au 5ème étage, e cabinet médical et le service juridique, les deux ouverts à tous gratuitement.

Photo : le Hall d'entrée de la Prensa qui servait à recevoir le public pour regler les abonnements et déposer les petites annonces.

   

Photos de gauche à droite. Installation de la statue le 08 novembre 1898. Vue actuelle de la statue. Système de pneumatique visible dans la librairie du rez-de-chaussée. Boite à lettre aussi installée au rez-de-chaussée. Cliquez sur les photos pour les agrandir !

Salon Dorado et la Déesse Athéna :

A la mort de José Clemente Paz en 1912, son fils lui succède et déménage la bibliothèque alors installée au premier étage, au premier sous-sol, et continue de l’enrichir. Puis à la fin des années 20, la bibliothèque passe au deuxième étage, elle est uniquement alors ouverte au public les après midi de 15h à 20h. Aujourd’hui la bibliothèque compte plus de 100.000 titres.

Le salon Dorado est certainement la plus belle salle. Le sol est un parquet composé de bois d’ébène, de cerisier (guindo) et de chêne de Slovénie. Le plafond a été peint par Nazareno Orlandi. L’impression lustre de 3 mètres de diamètre provient aussi de Paris, quand à la décoration de la salle, elle prend comme thème la déesse Athéna et sept de ses muses. Un petit balcon surplomb l’ensemble, pour y placer des musicien. Celui-ci est orné de lettres « P », en référence au fondateur Señor Paz, mais aussi aux trois P de la devise qui fut « la Prensa, el Periodismo y la Palabra » (La Presse (mais aussi le nom du quotidien), le Journalisme, et la Parole (aussi le Mot)).

En haut du bâtiment, à 30 m de hauteur,  culmine une statue en fonte de femme pesant 4 tonnes, allégorie de la presse, c’est aussi la Déesse Athéna qui tient une torche électrique (la première de Buenos Aires) de la main droite et de l’autre un journal. Œuvre d’un autre français, le sculpteur Maurice Bouval. Celle-ci fut rapportée de France par vapeur et placée le 08 novembre 1898 par une grue de 50 m de haut devant les yeux ébahis de plus de 20.000 porteños.

Le bâtiment est aussi pourvu de sirènes qui retentissent uniquement pour les événements importants. La première fois fut pour l’assassinat du Roi Umberto Ier d’Italie le 29 juillet 1900.

  

Photos de gauche à droite : Entrée du Salon Dorado sur la cour intèrieure. Plafond et loge pour les musiciens dans le Salon Dorado. Athéna apportant La Prensa du haut de l'immeuble ! Cliquez sur les photos pour les agrandir !

Peron contre la liberté de la presse :

Entre 1930 et 1960, le principal directeur fut Jose M. Gainza Paz qui fut aussi longtemps président de la Société Interaméricaine de Presse (la SIP). Ces idées libérales comme celle de son journal ne furent pas du gout d’un certain général arrivé au pouvoir à partir de 1943. Il faut dire qu’à son arrivée le quotidien La Prensa est depuis les années 20, le quotidien au plus gros tirage de toute l’Amérique latine, et que son impact auprès des lecteurs dans le pays comme à l’étranger est très influent.

Les années Peron furent don difficiles pour la « Prensa », le général n’aimant pas trop la contestation, il fut un fervent adepte de l’information contrôlée. La presse argentine en fit les frais et après de continuelles pressions et intimidations, en 1951 le journal est «confisqué » par le gouvernement puisqu’hostile à ses idées. La statue de la Presse éclairant le monde est même démontée.

Pendant le premier mandat de Peron, le bâtiment est d’ailleurs racheté par la CGT (Confederacion General de los Trabajadores) et le syndicat des vendeurs de journaux qui s’y installent rapidement. Il faudra attendre la chute du régime en 1955 pour que l’édifice soit restitué à ses propriétaires (la famille Gainza Paz), et que la statue ornant le haut de la façade soit remise en place. Malheureusement après 1955, le journal perd de sa renommée puisque durant ces quelques années nombre de lecteurs se sont tournés vers d’autres journaux populaires argentins. En 1988 le journal change à nouveau de siège pour aller s’installer rue Azopardo dans le quartier de San Telmo, et en 1992 vend le bâtiment directement au Banco Central pour 10 millions et demi de dollars. La banque l’a loué ensuite au gouvernement de la ville de Buenos Aires avec promesse de vente. Depuis, les services de la cultures de la ville l’occupent. En 1995, l’immeuble de la Prensa  maintenant Casa de la Cultura fut déclarée Edifice historique de la ville du fait de sa richesse historique et architecturale.

La Casa de la Cultura de la ville de Buenos Aires :

Aujourd’hui, le bâtiment est occupé par les services culturels de la ville de Buenos Aires et constitue le siège de la Direction Générale du Patrimoine. Au-delà des tâches administratives qui sont réalisées dans les étages de l’édifice, ce dernier accueille aussi un grand nombre d’animations culturelles comme des expositions, des conférences ou autres cours de danse.

D’ailleurs lors de ma dernière visite, je suis tombée sur une exposition dédiée à Jorge Luis Borges, la même qui avait été présentée en Espagne en 2002. Celle-ci retrace en quelque sorte la vie du célèbre auteur, tout en mettant à la lumière du jour son entourage, les personnes l’ayant inspiré, le rapport à ses œuvres. Tout ceci dans une atmosphère assez sombre des sous-sols du bâtiment ou il n’y a pas si longtemps tournaient encore les rotatives du quotidien.

Aujourd’hui si l’on cherche à se balader à cet endroit, il est possible d’y entrer et de visiter l’entrée qui a gardé toute sa splendeur architecturale et décorative – avec un goût prononcé pour la décoration à la française du XIXe siècle- de se rendre aux expositions ou aux diverses présentations qui y ont régulièrement lieu. C’est aussi l’occasion de visiter l’ancien siège de la Prensa puisque trônent toujours ici et là des plaques retraçant l’histoire des succès du journal comme c’est le cas dans l’entrée mais aussi dans les couloirs menant aux salles d’expositions situées au sous-sol.

Ainsi le lieu reste vivant aujourd’hui, beaucoup de curieux s’y déplacent afin de profiter des animations culturelles proposées  ou tout simplement pour admirer ce chef d’œuvre d’architecture française.

  

Informations pratiques :

Adresse : Avenida de Mayo 575

Horaires :  La Casa de la Cultura est ouverte du mardi au vendredi. L’accès est autorisé pour visiter l’entrée mais aussi pour se rendre à la librairie située au rez-de-chaussée (à gauche en entrant dans le hall) qui se focalise sur la vente de livres concernant Buenos Aires.

Visite : Chaque week-end, des visites gratuites de l’édifice sont proposées: le samedi entre 16h et 17h, et le dimanche entre 11h et 17h (début de la dernière visite à 16h).

Les animations : Le tableau des animations culturelles temporaire peut être consulter sur place ou sur le site http://www.buenosaires.gov.ar/areas/cultura/casa_cultura/.

Les conseils du Petit Hergé :

Absolument peu connu, on peut y passer devant sans lever la tête, pourtant Buenos Aires est certainement une ville ou il faut lever les yeux constamment pour apprendre a la découvrir ! Il faut aussi ne pas hésiter à entrer dans ses anciens immeubles et à s’y perdre, car c’est bien souvent l’occasion de faire des découvertes les plus surprenantes ! L’Avenida de Mayo tout comme le micro centre et Congreso sont certainement les quartiers les plus riches architecturalement. L’édifice de la Prensa en fait partie. Entrez donc en semaine, l’accueil se fait dans un hall en bois prestigieux et renseignez vous aussi pour connaître les expositions et les évènements organiser par la ville de Buenos Aires. Par contre pour visiter l’ensemble de l’immeuble et pouvoir entrer dans le salon Dorado il faudra pour cela vous y rendre la fin de semaine pour une visite guidée gratuite. Autre point important, la librairie située au rez-de-chaussée à gauche en entrant, toutes les publications et livres édités par la ville sur Buenos Aires, intéressant et à des prix modiques ! Ces publications ne sont en vente qu’ici, pas dans les librairies !

Photo : Balustrades du patio couvert importées de France et préparées par La Fonderie d’art du Val d’Osne.

A lire dans le Petit Hergé :

Alto Palermo Shopping de Buenos Aires- Alto Palermo Shopping à Buenos Aires.(Septembre 2010). Alto Palermo regroupe plus de 150 magasins dont la plupart sont des boutiques de vêtements pour femme, des bijouteries, ou encore salons de beauté.

 

Bar Miramar (San Cristobal - Buenos Aires)- Le Bar Miramar de Buenos Aires.(Août 2011). A midi comme le soir, le Miramar jouit d’une très bonne réputation auprès de la population mais aussi des guides gastronomiques qui ne cessent de vanter une cuisine simple mais délicieuse.

Mar del Plata (Prov. Buenos Aires)- Mar del Plata.(Juillet 2011). Mar del Plata est aujourd’hui la ville la plus importante de l’intérieur de la province de Buenos Aires.C’est la capitale de la cote atlantique qui chaque année pendant trois mois absorbe près d’un million d’habitants en plus venant passer leurs vacances d’été.

Gualeguaychu (Prov. Entre Rios) : Historique- Gualeguaychu à Entre Rios.(Juin 2011).Troisième ville de la province (après Paraná et Concordia), Gualeguaychu est avant tout connue pour son célèbre carnaval, le plus connu d'Argentine, qui a lieu tous les ans entre janvier et février.

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