Mise à jour : 23 septembre 2010. Article écrit par Mathilde Arrault.

Dilma Rousseff : "Pour que le Brésil continue de changer"

D’après les derniers sondages, Dilma Roussef dépasse José Serra même dans l’état duquel il est gouverneur, Sao Paulo, la province qui compte le plus grand nombre d’électeurs dans le pays. Comment expliquer cette ascension impressionnante dans les sondages ?

 Au mois d’Août ont commencé à être diffusés les films de campagne, dans lesquels Dilma Rousseff est très étroitement associée au président Lula Da Silva. C'est par exemple lui qui présente le programme électoral de la candidate de PT. Connu comme le père du Brésil, il a même déclaré à la télévision, s’adressant à Dilma Rousseff « je te confie le peuple brésilien pour que tu t’en occupes comme le ferrait une mère ». Il ajoute « elle sera la première femme présidente du Brésil comme j’ai été le premier ouvrier ». Des paroles qui s’apparentent à une prophétie pour un grand nombre d’électeurs brésiliens, et qui montrent bien avec quelle certitude le président croit en sa protégée.

 Un élan ahurissant pour cette candidate peu connue du grand public il y a encore quelques mois, bien qu’elle ait été nommée en 2005 chef de cabinet par Lula. Ce sont pour elle les premières élections auxquelles elle se présente. L’ancienne ministre de l’énergie est également présidente du conseil de direction de l’entreprise pétrolière étatique Petrobas. Cette femme de caractère renvoie auprès des électeurs l’image d’une battante ; après avoir surmonté son cancer, elle est déterminée à reprendre le flambeau que lui tend le président Lula. Son passé est un gage de son engagement pour le pays. Dans les années 60, elle fut membre de guérillas luttant contre le régime dictatorial : Politica Operaria puis Vanguardia Armada Revolucionaria Palmares. Elle est ensuite emprisonnée 3 ans, de 1970 à 1973, période durant laquelle elle endure des tortures.

Photo : Qui est Dilma ? Le 14 décembre 1947, Dilma nait à Belo Horizonte, fille de l'ingenieur et homme d'affaire Pedro Rousseff, bulgare naturalisé brésilien, et de la professeur Dilma Jane Silva. le couple aura deux autres enfants Igor et Zana.

Autres articles sur les élections brésiliennes d'octobre 2010 :

- Les élections du 03 octobre 2010 au Brésil. (21 sept 2010). 

- Les 3 candidats principaux des élections présidentielles brésiliennes. (23 sept 2010). 

- Le vote électronique au Brésil.(28 sept 2010).

- Influence internationale du Brésil. (30 septembre 2010).

- Résultat du premier tour des élections brésiliennes. (11 octobre 2010).

Le couple Lula - Rousseff :

Lula la soutient, la conseille et lui transmet également ses alliances politiques. Le système politique brésilien permet difficilement à un parti d’obtenir la majorité parlementaire dans les Chambres. C'est pour cela que Lula a œuvré à la construction d’une coalition, rassemblant le PT, divers petits partis de gauche, mais aussi le PMDB (Parti du Mouvement Démocratique Brésilien). Grâce à cette collusion, Dilma Rousseff pourra compter le 3 octobre prochain sur les votes de ces partis.

L’identification entre Rousseff et Lula est tellement forte que celui-ci à du suspendre le temps des élections son programme radio hebdomadaire, intitulé « Café con el Presidente ». Le président a cédé aux pressions de l’opposition, qui l’accusait d’utiliser ce média comme moyen de propagande en faveur de la candidate du PT. Tout au long de la campagne, José Serra a accusé Lula de se servir de « la machine publique » en faveur de Rousseff, plainte déposée auprès de la justice électorale mais également auprès des associations de la presse écrite et télévisuelle, et des journalistes. Le ministre de l’information Franklin Martins a répondu à ses critiques avec prudence, réaffirmant la liberté de la presse au Brésil.

Rousseff a t'elle une véritable politique ?

Mais tout n’est pas si rose pour Dilma Rousseff : au sein du PT, la candidate est perçue comme une « novice », qui n’a jamais eu de poste dans le parti, et qui n’était pas la candidate choisie pour la succession. Elle devra donc faire ses preuves, afin de gagner en crédibilité, au sein d’un parti tiraillé entre des tendances diverses, d’avantage socialistes ou libéralistes. La force de Lula, le fondateur du PT, avait été de modérer ces tendances et réduire les divergences. Ainsi, le parti a dors et déjà annoncé ne pas laisser la même marge de liberté à Dilma Rousseff. Contrainte par le PT, dans l’ombre de Lula, Dilma Rousseff ne serait-elle pas qu’un pantin poussé au devant de l’impitoyable scène politique?

Non, car elle défend ses propres idées, différentes de celles de Lula. Plus à gauche que l’actuel président, elle prône la puissance économique non seulement pour attirer les investisseurs, mais également pour la mise en place de projets sociaux. Elle souhaite élargir les mesures sociales afin d’intégrer les 190 millions de brésiliens dans le développement social. Son engagement pour le peuple s’est déjà matérialisé par le programme d’aide au logement, « Mi Casa, Mi Vida », qu’elle a mis en place en  2009. Elle développe par ailleurs une vision plus étatiste du gouvernement, et ne conçoit pas la croissance sans subventions.

Rousseff base son programme électoral sur la continuation des politiques mises en place par Lula Da Silva, ce qui lui confère une popularité évidente. Elle revendique par ailleurs ouvertement les progrès des années Lula en matière sociale et économique. En tant que Chef de Cabinet, elle a œuvré à la coordination des ministères et des politiques mis en place, et se dit « le bras droit et gauche » de Lula. Elle explique se différencier du modèle de Serra par la distribution des richesses, alors que plus de 50 millions de personnes touchent moins que le salaire minimum au Brésil.

Photo : Rousseff chez Petrobras.

L'ombre de Lula plane sur les élections :

Si Lula est très présent dans la campagne de Dilma Rousseff, il l’est également dans les campagnes de ses opposants. Quel que soit leur parti, tous les candidats veulent s’assimiler à Lula Da Silva, dans un contexte où son gouvernement est très populaire (80% de la population approuve la politique gouvernementale, selon les sondages).

Ainsi, José Serra a publié fin Août une campagne publicitaire soulignant ses liens avec le président sortant, une voix off annonçant « Lula et Serra, deux personnalités historiques, deux leaders d’expérience ». Peut-on réellement parler d’opposition dans un tel contexte et quand la seule stratégie qu’elle développe est de crier haut et fort que Rousseff n’est pas Lula ? C’est en effet un contexte électoral très particulier : le débat s’articule autour de la question « qui sera le plus apte à continuer les politiques de Lula et conserver sa ligne directrice ? ». Aucune critique du gouvernement actuel n’est faite, un avantage évident pour la candidate du PT.

Marina Silva n’a quant à elle pas autant de difficultés à trouver des liens avec le président. En effet, elle a été membre du PT pendant 23 ans et a fait parti du gouvernement de Lula en 2003, en tant que ministre de l’environnement. Elle démissionne en 2008, quitte le PT duquel elle était membre depuis 1985 pour le PV, plus proche de son idéologie.

Photo : Marina Silva candidate du Partido Verde (PV).

 

 

Vidéo de promo pour la campagne de Jose Serra. 2010.

José Serra : "Le Brésil peut faire plus"

Dans ces élections, José Serra est l’homme de l’expérience. Il s’était déjà présenté en 2002 contre Lula, et a prouvé ses compétences de gestionnaire lors de son mandat en tant que maire de Sao Paulo et gouverneur de la province. Une notoriété qui fait la différence avec Dilma Rousseff et explique son avantage dans les sondages au début de la campagne. Le modèle de José Serra se distingue de celui de la candidate travailliste par un moindre interventionnisme dans un état moins centralisé. Il est en faveur d’une baisse des dépenses publiques tout en s’engageant des programmes sociaux tel que celui d’améliorer le système de santé, par la construction de cliniques et laboratoires. Cette volonté de baisser les dépenses publiques se comprend surtout au vu du taux d’intérêt de référence et de la maitrise de l’inflation. Aujourd’hui s’élevant à un taux de 10% annuel, il est le plus élevé au monde.

Photo : Jose Serra candidat du Partido da Social Democracia Brasileira (PSDP).

Une retraite pour Lula ?

A 65 ans, après deux mandats consécutifs qui l’ont porté au rang de personnalité la plus influente au monde en 2010, quel avenir pour Lula ?

Beaucoup a été dit, sur un éventuel mandat au sein de l’ONU, la création d’une ONG, ou une installation à Paris. Lula a démenti toutes ces hypothèses, et annoncé qu’il voulait voyager dans le pays, côtoyer le quotidien des brésiliens, afin de voir quelles améliorations le gouvernement pourrait apporter. C'est ainsi qu’il veut contribuer à la politique de son pays, devenir un messager du peuple et conseiller de Dilma Rousseff, qu’il est persuadé de voir à la tête du gouvernement. Cet engagement est aussi, selon certains analystes, une stratégie en réponse aux critiques adressées à Dilma Rousseff concernant son manque d’expérience. Avec un conseiller de la stature de Lula, plus aucun problème. Ce qui est certain, c'est que Lula n’est pas prêt de quitter la sphère politique, et que beaucoup pensent déjà à lui pour les élections de 2014.

Liens extérieurs :

 

- Présidence de la République Fédérative du Brésil.

- Partido dos Trabalhadores. PT

- Site web du candidat Jose Serra.

 

Photo : La ville de Sao Paulo

A lire dans le Petit Hergé :

- Elections présidentielles brésiliennes d'octobre 2010.(Septembre 2010).

- Hugo Moyano et la CGT Argentine.(Septembre 2010).

- Buenos Aires, la ville des entrepreneurs.(Juillet 2010).

- Ushuaia (Terre de Feu).(Juin 2010).

- Bariloche (Rio Negro).(Juillet 2007).

- Villa El Chocon (Neúquen).(Mars 2008).

- Reserva Natural Parque Luro (La Pampa).(Mars 2008).

- Alta Gracia (Córdoba).(Avril 2006).

 

 

 

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