Brésil : la réussite économique à quel prix ?
23 déc. 2011Mise à jour : 23 décembre 2011. Article écrit par Laurence Hilleret
Huitième puissance économique mondiale, créditeur net à l’égard de l’étranger, le Brésil a ceci de contrasté qu’il est aussi un des pays dont les inégalités sont parmi les plus élevées au monde. Pays gigantesque et pivot d’Amérique Latine, membre de la fameuse BRIC (Brésil Russie Inde Chine) qui regroupe ces pays dont la croissance dépasse de loin celle des autres, dont le développement est de plus en plus rapide et poussé, dont la population est considérable et qui sont sans conteste les véritables acteurs du monde contemporain, ce Brésil plein de richesses naturelles, de diversité et d’atouts dont S. Zweig fait l’éloge dans Terre d’Avenir semble être un modèle de réussite économique. Mais quelles sont les causes de cette réussite ? Quels en sont les enjeux pour l’avenir ? Quel en a été le prix ? À quoi le Brésil doit-il s’attendre, à quoi devra-t-il faire face ? Lumière sur l’économie brésilienne… Que se cache-t-il derrière ces faits ? Qu’en est-il en réalité ? |
Video : Point de vue canadien à la réussite brésilienne. (février 2009). 09 mn 04s.
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Ce qui fait la force économique du Brésil est notamment le fait qu’il est resté une grande puissance d’exportation (notamment agricole). En effet, c’est l’un (si ce n’est le) premier exportateur de café, de fer, d’épices, de literie, de textile, de soja, de coton, de canne à sucre (la moitié des champs étant consacré aujourd’hui à la production d’éthanol qui est la clef des biocarburants), d’hydrocarbures ou encore de jus d’orange. Le pôle industriel de l’Etat de Santa Catarina est d’ailleurs l’un des 5 plus importants au monde, exportant dans plus de 40 pays notamment vers les EE-UU et l’UE. Un autre des facteurs clefs du développement économique du Brésil est le secteur agricole et de l’agroalimentaire en général qui représente près de 20% du PIB. Cependant, les progrès de l’agriculture se font au détriment de la santé de la terre. La culture intensive entraine le lessivage des sols, leur dégradation conduisant à de faibles rendements de la terre menant à une inévitable et considérable déforestation pour avoir, toujours, plus de terres cultivables. Le Brésil est, en effet, un des derniers pays à disposer encore de dizaines de millions d’hectares disponibles. Cependant, cela soulève de nombreux problèmes. En effet, l’agriculture intensive brésilienne épuise les sols et la culture en masse d’OGM devient de plus en plus controversée dans les pays occidentaux. Ce qui est controversé aussi sont les biocarburants dont on a pourtant fait à leur début des gorges chaudes. Ils représentent à la fois un espoir (énergie renouvelable) mais aussi un défi (mettre fin à une agriculture dévoreuse d’énergie et d’espace). Le Brésil consacre nombre de ces champs à la culture de la canne à sucre (indispensable dans la production d’éthanol). Cependant, pour produire en masse des biocarburants, il faut des terres cultivables, or celles-ci, dû à l’épuisement des sols, voient leur nombre se réduire, leur prix va donc augmenter. Cela voudrait donc dire que les occidentaux vont payer leur « essence propre » en augmentant le prix des produits agricoles, affamant les populations pauvres, surtout que l’UE a pour objectif d’utiliser 10% de biocarburants dans un horizon proche. Il est certain que la Terre est une source indéniable de croissance pour le Brésil (OGM, biocarburant, exportations agricoles), cependant les enjeux qui lui sont liés sont nombreux et sensibles. (je vous recommande ici vivement de voir le film de Coline Serreau Solutions locales pour un désordre global qui apporte un éclairage enrichissant sur ce sujet épineux). |
« Un pays injuste plutôt qu’un pays pauvre » L’ancien Président Fernando H. Cardoso La crise des années 80 marque la fin de cette période du « miracle brésilien ». L’économie brésilienne est obligée de s’ouvrir, de s’internationaliser et de réduire l’interventionnisme étatique notamment par la réduction des barrières à l’importation. La crise de 1998 qui suivit fut aussi lourde de conséquences pour le Brésil. Cependant, il se vit apporter un soutien financier du FMI (de l’ordre de 40 milliards de dollars) car le gouvernement avait mis en place des mesures drastiques pour sortir de la crise et stabiliser l’économie : privatisation, réduction des dépenses budgétaires. Cependant le plus grave problème économique auquel le Brésil dû faire face reste l’inflation. Le plan Real de 1994 a permis d’assainir largement la situation (en fixant la monnaie brésilienne à parité avec le dollar) et de passer de 50% d’inflation par mois en 1994 à 0,8% en 1998, permettant la reprise de l’expansion économique. Même après la récession de 2003, le Brésil s’est vite remis en scelle en libéralisant et privatisant plus, augmentant encore les exportations et favorisant plus de transparence. La flexibilité de l’économie brésilienne lui a ainsi permis de faire face aux multiples chocs survenus ces dernières années. |
Vidéo : Une analyse à la francaise (AFP) de leconomie brésilienne (décembre 2011). Attention, l'insertion a été desactivée, pour voir la vidéo cliquez sur l'écran noir pour être rediriger sur le site youtube. |
En 2008, le Brésil commence à écrire une toute nouvelle page de son histoire économique avec la découverte d’immenses gisements pétroliers dans le Bassin de Santos (environ 33 milliards de barils) qui permettrait au Brésil de combler ses besoins en carburant sur plusieurs décennies. La compagnie pétrolière Petrobras, qui exploite ce gisement, va émettre environ 44 milliards d’euros de nouvelles actions dont la plupart seront souscrites par l’état brésilien en échange de droits pétroliers. Ce dernier est, en effet, soucieux de contrôler l’exploitation du gisement.
En 2007, le gouvernement investit plus de 250milliards de real (plus de 100 milliards €) dans le Plan d’Accélération de la Croissance (PAC) dont le but est de retrouver un taux de croissance d’environ 5% par an autour de plusieurs axes : l’innovation, l’amélioration des infrastructures (via des exonérations fiscales) et les exportations. Si ce plan est possible, c’est notamment grâce au déficit budgétaire relativement bas du Brésil. Ainsi le gouvernement possède une certaine marge de manœuvre financière pour stimuler la croissance. Par ailleurs, comme beaucoup d’investissements sont privés, le gouvernement s’engage à favoriser le climat des affaires et rentabiliser la prise de risque. En 2010, Lula double la mise et endette lourdement l’État en décidant d’injecter environ 400 milliards d’euros entre 2011 et 2014 dans le PAC 2. Le but est d’augmenter l’investissement afin de percevoir une croissance forte avec un minimum d’inflation. Cette fois-ci cependant, bien que la majorité de l’argent soit dévolu au secteur énergétique (notamment pour financer l’exploitation des nouveaux gisements de pétrole), il permet aussi de financer des programmes sociaux, comme le programme « Minha Casa, Minha Vida » (Ma Maison, Ma vie) qui aide les familles pauvres à financer la construction d’un logement. «Le PAC n'est pas un chiffre, un chantier, ou une liste ; c'est la transformation de l'argent public et privé en qualité de vie et développement», a résumé Dilma Roussef, Présidente du Brésil. |
Vidéo : Point de vue russe de la situation d'emigration europeenne en Amerique du sud. RT est une television russe en langue espagnoleAncienne emigration espagnole en Amerique du sud pendant les années 40 et 50, et actuelle emigration des espagnols apres avoir perdu leurs emplois en Espagne. Terres les plus choisies : Argentine, Uruguay, Brésil et Venezuela.
En 2010, 24.000 espagnols ont emigré en Argentine, en 2011 35.000 espagnol. Au Bresil profitant du boom economique, les europeens affluent aussi ! |
Pour réduire les disparités économiques si célèbres du Brésil, l’État a mis en place ces huit dernières années un système d’ascenseur social et une politique sociale très efficace qui a bénéficié aux plus pauvres. La diminution du chômage (6% en juin 2011 contre 13,5% à l’arrivée de Lula en 2003), a notamment été un des facteurs qui a permis aujourd’hui le surgissement d’une nouvelle classe moyenne, qui a accueilli près de 29 millions de personnes. Cette nouvelle classe sociale, qui comprend plus de 50% de la population (pour 32% dix ans auparavant) soit à peu près 110 millions de personnes, consomme, plus et plus cher, ce qui est tout bénéfique pour la santé économique du pays. Par exemple, il y a aujourd’hui 3 fois plus de foyers qu’en 2009 qui possèdent un ordinateur et cette année, pour la première fois dans l’histoire du pays, les voyages en aériens ont dépassé les voyages par route (la compagnie aérienne Gol est en pleine essor). Voyager, après « bien vivre », c’est d’ailleurs la deuxième aspiration de cette nouvelle classe qui prend de nouvelles habitudes. Finalement, le Brésil montre qu’il souhaite s’éloigner le plus possible de cette image de « violence et religion », vision « de film », superficielle et stéréotypée d’un pays bien plus complexe. Pays paradoxal de brésiliens qui se sentent « occidentaux » ici, mais pas en occident.
Défi énergétique, équité (à la fois interne mais aussi dans les échanges avec l’extérieur), réduction de la pauvreté et des disparités, environnement… : nombreux sont les enjeux auxquels doit faire face le Brésil. Cependant, au vu de son récent passé économique et de la façon dont il a sur faire face aux crises en tout genre qui l’ont touché, on est en droit de rester positif quant à son futur. D’ailleurs, une récente étude n’a-t-elle pas montré que les brésiliens sont les plus optimistes du monde, ceux qui notent le mieux leur bonheur actuel et celui à venir. 80,9% d’entre eux croient d’ailleurs que l’économie va s’améliorer considérablement à pâtir de 2012. Il n’y a plus qu’à espérer que la réalité sera à la hauteur de leurs attentes. Affaire à suivre… |
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