Edificio Beltza 1930-1931 (Quartier de San Nicolas - Buenos Aires)
16 mars 2017Mise en ligne : 14 mars 2017. Catégorie Buenos Aires.
Edificio Beltza
Si vous êtes déjà venu à Buenos Aires, vous devez surement connaitre l’ « Edificio Cavanagh » qui trône haut de ses 120 m au dessus de la Plaza San Martin dans le quartier de Retiro. Il est (très) connu car il fut tout simplement en 1934 le gratte-ciel le plus haut d’Amérique du Sud jusqu’en 1947 dépassé par l’Edificio Altino Arantes haut de 150 m à Sao Paulo. Quant à Buenos Aires, pour en voir un autre s’élever plus haut, il faudra attendre 1957 avec l’Edificio Alas de 141 m. Mais si je vous parle de tout cela, ce n’est pas pour vous faire une liste des gratte-ciels les plus hauts d’Amérique du Sud, mais pour vous parler d’un autre bien plus modeste, mais que l’on surnomme ici, le « Petit Cavanagh », bien plus modeste ! En arpentant la Avenida Córdoba, vous avez surement du passer plusieurs fois devant sans même lever la tête, il est situé dans le quartier de San Nicolas à deux cuadras du Teatro Colon, et juste en face du Teatro Cervantes. Adresse : Cordoba 1184 (Cliquez sur les photos pour les agrandir) |
Photos : Edificio Beltza aujourd'hui (photos 2016). A gauche façade sur Avenida Cordoba. On y voit bien distinctement l'entrée de l'immeuble en son centre, entouré par deux locaux commerciaux. A droite, apperçu de l'angle sur calle Libertad. |
Photo : Certainement une des premières photos de l'immeuble juste terminée en 1931. Mais pourquoi le « Petit Cavanagh » ?
Tout simplement parce qu’il sortit tout droit du même cabinet d’architecture de ceux qui dessinèrent quelques années plus tard le « Cavanagh » ! Je parle de l’Estudio Sanchez, Lagos et De la Torre. Le constructeur fut Rodolfo Cervini. Cet atelier d’architectes fut formé au début des années 1920 par Gregorio Sanchez (1891-1944), Ernesto Lagos (1890-1977) et Luis Maria de la Torre (1890-1975). C’est certainement l’atelier d’architecture le plus connu à Buenos Aires pour la période 1920-1940. Mais surtout pour leurs projets des années 30-40 suivant la mouvance du style rationaliste et moderniste. Ils avaient pourtant au tout début de leur carrière dû se plier à la forte mode de l’architecture académique encore en vogue dans les années 20 a Buenos Aires. Ils opèrent ensuite un rapide tournant sur l’art déco à partir de la moitié des années 20 (comme en 1929 sur un immeuble situé sur Córdoba 1237). C’est en 1930 qu’ils sautent tous à pieds joints dans ce qu’on nommera par la suite le rationalisme avec donc la construction de ce projet installé juste à l’intersection de la calle Libertad et de l’avenida Cordoba qu’on appellera ensuite le « Petit Cavanagh ». Le projet du Cavanagh date lui de 1933-1934, donc nous sommes trois ans avant, mais le cabinet d’architectes a déjà bien les idées claires en cette année 1930 d’abandonner l’art déco (ou l’éclectisme) pour de se lancer dans le rationalisme pour ce premier bâtiment assez important puisqu’il possède tout de même 11 étages. En 1930, sur l’avenida Cordoba à l’angle de la calle Libertad, la plaza Lavalle n’est pas entièrement dégagé des immeubles qui seront (malheureusement) détruits, comme le Palacio Miro. Le « Petit Cavanagh » est donc le bâtiment le plus haut du secteur. Un autre à une cuadra de là, sur Cordoba 1036 (sur le tracé actuel de la avenida 9 de Julio) est aussi un « edificio racionalista » de la décade des années 30 atteignant 12 étages. Les deux immeubles se font face, seul Le petit Cavanagh résistera au temps, l’autre devra être détruit en 1950 lorsque les bulldozers perceront la Avenida de Julio. |
Photo : Cette photo a été prise des toits de L'école "Nicolas Avellaneda". Comme cette même école (datant de 1885) a été entièrement "modernisée" en 1937). J'en conclue donc que cette photo fut prise certainement à partir des toits de la nouvelle école peu de temps après son achèvement. De plus le photographe a voulu certainement montrer la partie nord de la Plaza Lavalle toute juste arbolée et terminée après la démolition du Palacio Miro et des derniers immeubles encombrant cette manzana. La Palacio Miro et les autres édifices ayant été démolis en 1937-1938, la photo date forcément de la fin de l'année 1938 ou du début de 1939 (été 1938-39). De gauche à droite nous avons sur la avenida Cordoba : Le Córdoba 1255, aujourd'hui totalement démoli et remplacé par un immeuble de bureaux dans les années 1990. Le Córdoba 1249, immeuble rationaliste (Toujours en place) Le Córdoba 1239, un Immeuble de la même agence d'architectes Sanchez, Lagos et De la Torre mais dans un style dit "éclectique". (Toujours en place) Le Córdoba 1235, immeuble d'habitations de deux niveaux démoli au milieu des années 50. Le Córdoba 1215, immeuble à l'architecture académique construit vers 1925. (Toujours en place) Le Córdoba 1155, le Teatro Cervantes, un peu caché par les arbres de la place. (Toujours en place) Le Córdoba 1184, l'Edificio Beltza dans ces premières années. (Toujours en place) Un peu plus loin au fond, Le Córdoba 1036, un autre Edifice Rationaliste du début des années 1930, haut de 12 étages, donc le plus haut du secteur. Il fut démoli (malheureusement) en 1950 lors de la percée de la future avenida 9 de Julio. Sur la calle Libertad de gauche a droite : Le Libertad 779, la grande Synagogue de Buenos Aires (dite aussi Templo Libertad) après l'agrandissement de 1932. (Toujours en place) Le Libertad 761, petit édifice de deux niveaux, dépendance de la synagogue (centre communautaire). Unique vestige de la première synagogue datant de 1897, dans un style "Art Nouveau". (Toujours en place) Le Libertad 757, petit édifice de deux niveaux d'un style académique français abritant aujourd'hui le musée juif de Buenos Aires. (Toujours en place), un peu caché par les arbres. Le Libertad 743, Immeuble rationaliste (Toujours en place) Le Libertad 735, Immeuble rationaliste (Toujours en place) Le Libertad 733 et le Libertad 731 démolis dans les années 70 pour y placer l'edificio "Juzgados Federales" annexe de Tribunales. |
De la même agence d’architecture :
Pour les amateurs du genre, allez dans le quartier de San Telmo pour voir un autre immeuble dans le même style (toujours des mêmes architectes) sur Mexico 543 (en 1934) mais plus modeste, ou encore Tucuman 423 (en 1938), ou celui de 3 Sargentos 436 dans le micro centre. Un des plus intéressant est celui de Av Alvear 1502 de 1937 dans le quartier de Retiro. Autre immeuble d’habitation intéressant celui situé sur Avenida Libertador 3080 (en 1936). Enfin, en plus du Kavanagh, les deux autres bâtiments du même atelier, les plus célèbres à Buenos Aires dans lesquels vous pouvez entrer et celui de l’ACA sur av Libertador 1850 (en 1942) et le siège du Banco de Provincia (1939) dans le micro centre à l’angle des rues San Martin et Mitre. |
Photo : Toujours étonnant de voir des anciennes photos de Buenos Aires. Celle-ci datant de 1925 permet d'observer que sur le terrain (en rouge A) du futur Edificio Beltza, se trouvait un simple petit immeuble d'un étage. Au premier plan les toits du Teatro Cervantes (E). Le Palacio Miro (D) est encore debout et sera donc démoli en 1937 avec tous les autres immeubles se trouvant dans la même manzana comprise entre Cordoba-Libertad-Viamonte et Talcahuano. Au loin, le Teatro Colon (B) et le Palacio Tribunales (C). |
Photo : Agrandissement de la photo de 1925. Les deux « Cavanagh », une histoire de famille : Pour en revenir à l’immeuble qui nous intéresse, sachez que le terrain « Cordoba esquina Libertad » appartenait à Pablo Cárdenas et à Diego Garrett Kavanagh (1896-1937) (même famille que Corina Kavanagh, la propriétaire du futur édifice Kavanagh). Diego était en fait son avocat, et si Corina prit contact avec cette agence d’architecture en 1933 pour monter « son » gratte ciel, c’est qu’elle fut vivement recommandé par Diego qui avait déjà eu affaire en 1930 à ces architectes et en avait été entièrement satisfait. L’Edificio Beltza est donc doublement l’ancêtre du Kavanagh, de par ses architectes, mais aussi de ses recommandations au sein de la même famille de propriétaires. |
Photos : Porte d'entrée et hall d'entrée. |
Architecture : L’immeuble possède deux entrées, la principale sur Avenida Cordoba 1184, et l’entrée de service sur Libertad 791, qui sert aujourd’hui à avoir accès à la terrasse encombrée d’antennes appartenant à l’operateur mobile Nextel. Les étages ont une surface approximative de 400 m2 pour les niveaux inferieures et les trois premiers étages comportent 2 appartements. Ensuite un seul appartement entre le 4ème et le 9ème étage. L’appartement le plus grand étant donc celui du 4eme, puisqu’ensuite à partir du 5ème étage la façade prend du retrait par rapport à l’alignement sur la rue en créant des petites terrasses. Les 6ème , 7eme et 8eme continuent à reculer en proposant des terrasses sur toute la longueur. L’étage le plus intéressant est le 9ème aux terrasses plus amples. Les ascenseurs au nombre de deux desservent l’immeuble jusqu’au 9ème. Le 10ème desservi par l’escalier est occupé par le logement du gardien et le 11ème accueille un local technique. Nous sommes à proximité de Tribunales, ce qui explique de nombreux furent les édifices résidentiels qui se transformèrent en immeubles de bureaux abritant études de notaires, conseils juridique, avocats et autre agences comptables. Le Petit Cananagh est donc aujourd’hui essentiellement occupé par des bureaux. En rez-de-chaussée, trois locaux commerciaux, celui qui a gardé sa façade d’époque comme sa grille de protection est celui se situant à l’angle (Magasin de robinetterie). Enfin un dernier détail, pour ceux qui se demande vraiment pourquoi l’ « Edificio » se nomme Beltza (nom basque), sachez que se fut tout simplement le nom du premier local qui s’ouvrit au rez-de-chaussée aussi à l’angle et comme l’enseigne était bien en vue, il n’en fallu pas plus pour les porteños le surnomme rapidement le « Beltza ». J’ai trouvé certains libres (ou site web) qui ont mal recopié, et souvent "l'Edificio Beltza" est devenu à tord "l'Edificio Belga". |
Photo : Autre vue de l'Edificio Beltza vers 1940. On distingue à droite, la Synagogue. A gauche sur la avenida Cordoba, les voitures se garent en épis. Au fond à gauche, l'Edificio Cordoba 1036. |
Conseil du Petit Hergé : On ne peut pas malheureusement accéder à l’intérieur (à moins de connaitre le concierge), mais comme vous êtes dans le secteur de Tribunales et du Teatro Colon, vous y passerez vraisemblablement, alors autant y jeter un coup d’œil comme à la grande synagogue de Buenos Aires qui y est accolée. Si vous êtes curieux et vous voulez essayer de jeter un coup d’œil à l’intérieur allez y plutôt en semaine, car le weekend le concierge n’est pas là et la porte est fermée. Excellent exemple des premiers édifices d’architecture rationaliste (1930-1931) de Buenos Aires. Adresse : Avenida Cordoba 1184. |