Mise à jour : 01 octobre 2010. Article écrit par Pierre Largeas.

La deuxième ruée vers l'or :

L’or est à nouveau la "nouvelle" richesse de l’Argentine. Les entreprises canadiennes, australiennes ou encore sud-africaines, déjà bien implantées en Argentine, ont prévu d’augmenter leur budget lié à l’exploitation de terres rares dans les provinces de Santa Cruz, San Juan, Catamarca, La Rioja, Salta et Jujuy.

 

Photo : La mine de Veladero dans la province de San Juan.

Augmentation du prix de l'or, rentabilité d'extraction :

En effet, alors que la crise récente avait asséché le marché de capitaux argentins grâce auxquels ces entreprises se financent, le marché de l’or semble connaître un nouvel essor. Le prix de l’or a triplé aux cours de ces 5 dernières années, avec une hausse de 25% durant la seule année 2009. Alors que l’once d’or se négocie en ce début octobre 2010 à plus de 1200 dollars (selon les chiffres du London Metal Exchange), les investisseurs y voient une valeur refuge pour se préserver des turbulences financières qui ébranlent l’économie mondiale depuis peu. Avec l’arrivée du printemps, les «minors», entreprises spécialisées dans l’exploration de terrains miniers, se mettent à la recherche des «terres rares» argentines, pour ensuite espérer les revendre aux «majors», grands groupes miniers qui se chargent de l’extraction et de l’exportation des métaux. Les «terres rares» sont ces zones regroupant plusieurs catégories de métaux nécessaires à la construction de turbines, d’éoliennes, ou bien encore d’iPhone. La Chine, plus gros producteur mondial de terres rares, a réduit de 72% les quotas d'exportations de terres rares, dont ont besoin par exemple les voitures hybrides ou les télévisions. Les responsables de cette industrie se sont rendus compte qu’après de nombreuses années de croissance des exportations, l'industrie n'en avait pas retiré les bénéfices légitimes. Cette nouvelle a provoqué une nouvelle fièvre exploratrice dans le monde, dont l’Argentine fait amplement partie.

Un peu d'histoire :

 

A la fin du 19° siècle, la ruée vers l’or argentine est arrivée au Détroit de Magellan. Aventuriers, hommes d’affaires et chercheurs d’or arrivèrent de tous les pays du monde. A la différence des autres terrains, il n’y avait pas besoin de creuser, mais seulement récolter les pépites d’or éparpillées sur le sable.

Il y a plus d’un siècle et demi, la presse annonce cette grande découverte sur les côtes australes argentines, et tous se passionnent pour cette nouvelle richesse qu’est l’or pur. L’enthousiasme est immense et l’or fait de plus en plus fantasmer tous les aventuriers. Aussi, des compagnies minières se créent, des statuts se forment, et l’on lève des capitaux afin d’aller exploiter ces terres inconnues et faire fortune. Cependant, à l’époque, les barques fragiles et peu fiables ne facilitent pas la tâche. Il est compliqué d’accoster sur ces terres, d’autant plus que le courant du détroit du Magellan en fait un lieu extrêmement dangereux pour les navigateurs. L’été 1885 est marqué par un engouement particulier pour cette façon de faire de l’argent facilement. Jusqu’à présent, l’économie reposait surtout sur la pêche et l’industrie minière n’était exploitée que par la Bolivie, la Colombie, l’Equateur et le Pérou. C’est alors que s’est présenté un aventurier particulier, fort de caractère, et déterminé à conquérir ces terres: Julio Popper. Ce chercheur d’or d’origine roumaine est choisi pour aider les groupes miniers à exploiter les terres du Sud de la Patagonie. Lorsqu’il arrive, l’endroit est occupé par de nombreux chercheurs d’or, nettoyant et filtrant le sable du soir au matin, sans aucun scrupule vis-à-vis des règles et des lois qui pourraient les en empêcher. C’est alors qu’il décide de s’installer à Zanja de Pique, dans la province de Santa Cruz. Il observe et étudie les méthodes de filtrage que certains chercheurs d’or élaborent. Après un aller-retour à Buenos Aires, Julio Popper revient en Patagonie, en Terre de Feu, avec des accords lui permettant d’exploiter la zone.  Il y construira une entreprise baptisée EL PARAMO. Les travaux de Julio Popper ont permis de comprendre cette période de l’histoire argentine et ont ouvert le chemin aux entreprises de part et d’autre du globe de la production et de l’exploitation minière.

 

 Les mines d'or et d'argent de l'Argentine :

 

L’Argentine compte aujourd’hui 12 mines en activité et 3 en construction. Celles-ci appartiennent à des groupes canadiens, australiens, sud-africains ou encore argentins et chiliens. Entre 1998 et 2009, la part de l’industrie minière dans le PIB argentin est passée de 1,5% à 4,5%. Elle pourrait atteindre 6% dans les prochaines années, avec l’ouverture du projet Pascua-Lama. Ce projet est à la fois chilien et argentin. Basé à San Juan, la réserve de Pascua-Lama est estimée à 18 millions d’onces d’or (ce qui équivaut en ce moment même à 23 milliards de dollars) et 671 millions d’onces d’argent (soit 13 milliards de dollars). Par ailleurs, le projet Potasio Rio Colorado, réserve de Potassium, pourrait également renforcer la part de l’industrie minière dans le PIB argentin. En effet, c’est la plus grande réserve de potassium d’Amérique du Sud. Basée à Mendoza, elle appartient cependant au groupe brésilien Vale.

Les groupes qui manoeuvrent toutes ces opérations, les «majors», sont cesse à la recherche de terrains à exploiter. Pour cela ils font appel aux entreprises d’exploitation qui n’ont qu’un seul rêve, répéter la «success story» de Wayne Hubert, CEO du groupe Andean Resources, entreprise exploratrice australienne qui avait découvert le gisement de Cerro Negro (province de Santa Cruz) en 2004, qui vient d’être racheté par le groupe Goldcorp pour 3,4 milliards de dollars. Wayne Hubert, fondateur du groupe Andean, est un chimiste né en Afrique du Sud. Il a travaillé 14 ans comme cadre supérieur chez Meridian Gold. En 2003, le groupe connaît des difficultés lors de l’exploitation d’un gisement d’or fin à Esquel, province de Chubut, notamment à cause d’une révolte populaire opposée à la construction d’une mine en plein air. Cette révolte, qui se termine en plébiscite, mettra fin au projet. En 2004, Wayne Hubert quitte Meridian Group après qu’ils aient refusé de prendre en charge le site du Cerro Negro. Il décidera de s’en occuper lui-même en montant sa propre entreprise «minor». A l’époque, les recherches et les coûts mis en oeuvre pour l’exploitation du terrain étaient de l’ordre de 15 dollars l’once. Aujourd’hui, Wayne Hubert a vendu son exploitation ni plus ni moins pour 1000 dollars l’once. Opération à en faire pâlir n’importe quelle «start-up» internet. A la bourse australienne, le prix des actions d’Andean Resources avaient déjà étaient multipliés par 6 l’année dernière. Son actionnaire individuel principal est Sentient (21%), dont le siège est aux îls Caïman, ce qui en dit long sur les méthodes financières et les avantages que perçoivent ces groupes miniers en Argentine.

Meridian sera finalement absorbé par Yamana Gold en 2007, autre géant de l’industrie minière. Yamana Gold, bien implanté en Argentine, détient 100% du gisement Gualcamayo, à San Juan, réserve de 3,1 millions d’onces d’or, dont la production a débuté en 2009. Egalement propriétaire du gigantesque gisement de cuivre d’Agua Rica à Catamarca, le groupe a annoncé qu’il pourrait produire grâce à cette mine près de 150 000 onces d’or à l’année ainsi que 370 millions de livres de cuivre sur les 10 premières années. Au prix actuel du cuivre (3,5 dollars la livre), on parle ici d’un volume d’1 milliard et demi de dollars annuel. Yamana est aussi actionnaire minoritaire (12,5%) de la mine de cuivre d’Alumbrera à Catamarca, la mine la plus ancienne du pays qui a commencé sa production en 1997. XStrata, entreprise suisse, détient 50% et le reste, 37,5%, appartient à Goldcorp.

Goldcorp, «major» canadien, qui détient plus de 12 exploitations minières à travers les Etats-Unis, le Mexique, l’Argentine et le Chili, est le deuxième groupe minier le plus puissant au monde après Barrick. Avec cette nouvelle acquisition, Chick Jeannes, président du groupe Goldcorp, est persuadé que la production minière de Santa Cruz pourra être doublée voire triplée dans les prochaines années. Toutes les entreprises minières reconnaissent le fort potentiel du massif de Santa Cruz (où se trouve l’exploitation du Cerro Negro). Grand comme un pays tel que l’Irlande, ou encore comme 2 fois la Belgique, cette zone est encore selon Chick Jeannes «sous-développée» et ne nécessite que de forts investissements. Investissements prévus pour les prochaines années, étant estimés à près de 300 millions de dollars.

Carte : Carte des mines en Patagonie Argentine (Cliquez sur la carte pour agrandir), et sur l'ensemble du territoire.

Métaux précieux et Uranium :

Le secteur minier en Argentine est donc en plein essor. De plus en plus d’investissement sont engagés dans la construction et la rénovation de mines de métaux précieux, si bien que l’entreprise Artha Resources, groupe canadien, a annoncé en juillet la découverte de terres rares dans une zone de 55 000 hectares à Cachi, province de Salta. En Mai, Wealth Minerals, entreprise canadienne, avait elle annoncé un accord pour acquérir une réserve d’uranium et des terres à Rodeo de los Molles, San Luis. L’opération, qui se déroulera sur 5 ans, coûtera en tout et pour tout 3 milliards de dollars. Ces chiffres sont si élevés que certains groupes ont décidé de créer des fonds financiers permettant de reverser des bénéfices après impôts dans l’aide au développement de communautés locales. Belle initiative, mais lorsque l’on sait ce que rapportent ces entreprises à ses propriétaires, nous sommes en droit de nous demander si cette industrie profite véritablement au pays.

 

 A lire dans le Petit Hergé :

 

- Musée d'art espagnol à Buenos Aires.(Septembre 2010).

- Hugo Moyano et la CGT Argentine.(Septembre 2010).

- Elections Brésil 2010.(Septembre 2010)

- Buquebus, lien entre l'Uruguay et l'Argentine.(Septembre 2010).

- Le mouvement ERP à Tucuman.(Septembre 2010).

- La guerre des cellulaires en Argentine.(Juillet 2010).

- Le cimetière Darwin. Un symbole des Malouines.(Octobre 2009).

- La saga de la grippe A en Argentine.(Juillet 2009).

- Le Décès de Raul Alfonsin.(Avril 2009).

- La ville de Mar del Plata.(Septembre 2008).

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