Chili : Mineurs médiatiques
03 oct. 2010Mise à jour : 03 octobre 2010. Article écrit par Nabil Naamane.
Le 5 août 2010, trente-trois mineurs chiliens se retrouvèrent bloqués à 700 mètres sous terre à la suite d’un éboulement dans une mine d’or et de cuivre à San José, dans le désert d’Atacama, à 800 km au nord de la capitale Santiago. Ce qui se passa après peut se diviser en deux étapes. Tout d’abord, dix-sept jours d’angoisse. Les familles des victimes se sont regroupées autour de la mine et ont construit un campement dans l’attente de nouvelles. Les échanges avec la presse étaient assez tendus, cependant la tragédie tenait en haleine tout le peuple chilien. Dimanche 22 août, ils ont enfin donné signe de vie. Un tube de forage fut utilisé pour percer un trou de la grosseur d’un pamplemousse jusqu’à un refuge souterrain où les mineurs étaient susceptibles d’avoir survécu. Un message griffonné sur un bout de papier remonta à la surface : « Nous allons bien, les trente-trois, dans le refuge ». Ils sont exactement trente-deux Chiliens et un Bolivien à avoir trouvé refuge dans un abri souterrain d’environ 1,5 km de long et dont la température oscille entre 32 et 36°C. Ce fut le début de la seconde étape. |
Le lendemain, le très excentrique millionnaire Leonardo Farkas se rendit sur place. Cet ancien directeur de spectacles à Las Vegas à la crinière blonde platine, magnat du fer et propriétaire d’une mine voisine, réputé pour sa philanthropie, décida de faire un don de 10 000 dollars à chaque mineur. Ce ne fut que le début d’une collecte de dons qui émanèrent ensuite de tout le pays. Cet argent fit tourner la tête de plus d’une personne dans le campement. Un campement qui d’ailleurs grandissaient de plus en plus. Le premier scandale fut celui de Yonny Barrios, un des mineurs bloqués : deux femmes ont affirmé être son épouse. La presse s’empara du scandale et décida de creuser un peu cette histoire. Les frères de Yonny relativisèrent en disant que leur frère était maintenant célibataire depuis plusieurs années. Cette histoire n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. En effet, les ex-femmes, maîtresses, soi-disant amis, enfants non reconnus et autres arrivèrent au campement en vue de se faire une place et attendre l’heure du partage. Les seules personnes qui ne furent pas surprises par toutes ces histoires de tromperie ou de bigamie étaient les habitants du village. « Ce sont des mineurs, ils passent de longs mois loin de leur famille, cela fait partie de leur style de vie », a dit une femme dont le regard ne laisse plus de place aux surprises. C’est Dolores, la propriétaire du Dolly’s, un des bordels de Capiapó la ville voisine. Elle, comme le reste de la ville, vit aux dépens de la seule activité économique de ce grand désert : la mine. De plus en plus de monde arrivait au campement : des prêtres aux experts de la NASA en passant par les clowns qui divertissaient les plus jeunes, le campement devenait invivable. Les autorités décidèrent de mettre fin à tout ça : « N’oublions pas le principal, ceci est une mission de sauvetage ». |
Ils viennent tous ! afin de "manifester la solidarité avec les 33 familles des mineurs", tous viennent depuis plusieurs mois prendre un bain de couverture médiatique à San Jose, tous y vont, tous doivent y etre vus ! Syndicalistes, hommes politiques, grandes figures de la vie sociale chilienne. Le campement des mobile home des médias s'agrandit, ambiance a la Fellini... une sorte de chapiteau géant a ciel ouvert ou on vient voir et ou on se montre. Paparazzi, camera, saucisses et riz chaud, on "couvre" l'évènement ! |
Le gouvernement chilien sut lui aussi sortir son épingle du jeu. Très tôt il se rendit compte que l’histoire des mineurs tenait le pays en haleine. Selon Grancisco Rabini pour le quotidien argentin Clarín, lorsque la première sonde arriva au refuge, on ne le dit pas immédiatement aux familles. L’information resta secrète tant ce que le président Sebastián Piñera n’était pas arrivé sur place. La photo du président tenant le papier où était écrite la phrase « Nous allons bien, les trente-trois, dans le refuge » marqua le monde entier. Grâce à tout cela, Piñera gagna 10 points dans les sondages en moins d’un mois. La ministre des Mines, Laurence Golborne, encore inconnue il y a quelques mois, vit sa carrière politique décoller en un rien de temps grâce à cette histoire. Depuis le début, les autorités redoublent d’efforts pour convaincre les familles, la presse, et donc le monde entier que cette opération est la plus grande opération de sauvetage jamais vue. Les mineurs seraient encore mieux dans cette mine que sur les fameuses plages chiliennes de Valparaíso. Du moins c’est ce qu’affirme Ximena Matas, l’intendante d’Atamaca, qui avec un grand sourire n’arrête pas de louer la perfection physique et spirituelle de l’expérience que sont en train de vivre les trente-trois hommes. Il faut préciser que les conseillers du Gouvernement font attention aux moindres détails, comme par exemple la couleur des vêtements envoyés au mineur. Une micro caméra leur a été envoyée, et sur les images qui apparaissent sur tous les téléviseurs du Chili, tous les mineurs sont habillés en rouge, la couleur du parti gouvernemental. Photo : Le président chilien "découvre" le message des mineurs en meme temps que les telespectateurs !!! |
Dans la mine se déroule une étrange version du programme télévisé « Big Brother ». La seule différence est qu’ici il n’y a pas de nominations et que personne ne peut sortir de « la maison ». Un des mineurs tient le rôle d’animateur télé, un autre s’est découvert des talents de poète, et Yonny, l’homme aux deux femmes, a été désigné médecin officiel du groupe. Malgré tout ce tumulte, les mineurs qui avaient encore peu d’expérience commencent à déprimer. Pendant de nombreux jours, beaucoup les dénonçaient de ne pas vouloir apparaître sur les vidéos. Mais le psychologue en chef les a finalement convaincu du contraire. Si une personne est dans une émission de télé-réalité comme Big Brother, elle doit être vue. Peu importe sa timidité, elle doit au moins apparaître à moitié nue, affamé ou de mauvaise humeur. Les vidéos feront ainsi le tour du monde, du moins c’est ce qu’annonce la vorace logique télévisuelle. D’après les leaders de l’opération, il faut attendre au moins encore deux mois avant que le sauvetage puisse avoir lieu. Deux mois d’enfer, de chaleur étouffante, d’humidité, d’air vicié, de chevilles qui s’enfoncent dans la boue et de galeries obscures que la lumière du jour ne peut atteindre. Même s’ils arrivent à sortir, l’aventure ne sera pas finie. Ils devront faire face aux questions des médias ainsi qu’à l’avidité des familles et amis. Jean Paul Sartre a dit « Pas besoin de grill : l’enfer, c’est les Autres ». Les 33 mineurs pourront alors vérifier s’il avait raison. |
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Video : (A gauche) Le 22 aout 2010, il est 14h30 on apprend que les 33 mineurs sont en vie, mais on attend que le ministre des mines vienne pour l'annoncer officiellement. Les familles n'attendent pas pour feter l'heureuse nouvelle, mais un porte parole (1 mn 08 s) calme les medias et annonce que c'est le ministre qui doit annoncer la nouvelle. Un pur spectacle ! Il faut attendre la "version oficial" dans quelques heures dit la porte parole... (Video de droite) 45 mn plus tard, à 15h15 finalement ce n'est pas le ministre mais le president lui même qui arrive avec un message des mineurs... c'est lui qui le lit ! C'est aussi un héroe ! (Je suis fier d'être chilien......etc.....c'est en restant uni, que le Chili peut realiser de grandes choses......ma femme n'a pu venir, mais elle veut aussi saluer toutes les femmes du Chili ! ..........) |
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