Dictature argentine : Les vols de la mort
18 oct. 2009 Mise à jour : 18 octobre 2009. Article écrit par Jean Rémy Bost
Les « vols de la mort » tourmentent encore : |
Vidéos : Film "Escadrons de la mort, l'Ecole Française" (2004) Canal+. Film en 7 parties. 2 premieres parties : 9 mn 43 s et 10 mn 05s. | Techique de disparition mis en pratique lors de la bataille d'Alger et enseignée en Argentine par les français sous la dictature. |
L'école française : L’amiral argentin Luis Maria Mendia, idéologue présumé des « vols de la mort », a demandé en janvier 2007, lors de son procès, en Argentine, pour crimes contre l’humanité, la présence de Valéry Giscard d’Estaing, ainsi que de l’ancien premier ministre Pierre Messmer, de l’ex-ambassadrice à Buenos Aires Françoise de la Gosse et des tous les officiels en place à l’ambassade de Buenos Aires entre 1976 et 1983, de comparaître devant la cour en tant que témoins. Tout comme Astiz avant lui Luis Maria Mendia a en effet fait appel au documentaire de la journaliste Marie-Monique Robin intitulé « Les escadrons de la mort – l’école française » pour tenter de faire le lien entre les « vols de la mort » et la pratique de la guerre d’Alger dite des « crevettes Bigeard », initiative de Marcel Bigeard, reprise ensuite au Vietnam, qui consistait à faire disparaître sans procès des opposants en les lestant, pieds et mains liés (d’où le mot « crevette »), pour les jeter au fond de la mer méditerranée ou d’un fleuve. La France aurait en effet tenu en Argentine une formation des forces argentines par des anciens membres de l’OAS. |
Vidéos : 3ème et 4ème parties. 9 mn 16 s et 9 mn 50 s. Aide du Brésil lors du coup d'Etat chilien en 1973, et formation d'officiers chiliens au Brésil par les français dans les années 70. | Mars 76 mise en place en Argentine des techniques françaises lors des arrestations et des interrogatoires. Les généraux argentins sont tous des élèves des français. |
Les démons du ciel : Ainsi, cette pratique pourtant reconnue et admise à demi-mots par ses propres instigateurs n’a pas empêché Julio Alberto Poch, pilote de la compagnie Transavia, âgé de 57 ans et ayant la double nationalité néerlandaise et argentine, de continuer de voler tranquillement pendant 22 ans pour le compte de cette compagnie néerlandaise, filiale à bas coûts de KLM et d’Air France, jusqu’à a son arrestation mardi 22 septembre à l'aéroport Manises de Valence, sous ordre du juge argentin Sergio Torres. Le pilote arrivait de l’aéroport Schiphol à Amsterdam avec pour copilote son fils Andy lorsque l’unité spéciale d’intervention de la Police Nationale Espagnole a débarqué dans la cabine de l’ancien lieutenant de frégate à peine l’appareil atterri, munie d’un mandat d’arrêt international pour ensuite être conduit au centre pénitentiaire Picassent en Espagne avant de comparaitre devant le juge Eloy Velazco de l’Audience Nationale espagnole. Le juge Torres s'était rendu en décembre 2008 aux Pays-Bas pour recueillir le témoignage de collègues de Poch, dont l’un d’entre eux déclara : « (Poch) m'a raconté comment, à bord de son avion, des gens encore vivants étaient jetés dans le vide ». Selon ces mêmes personnes, Poch se vantait de son passé et il semblait évident que tout le monde était au courant de ces agissements, y compris la direction de Transavia. La police hollandaise a en outre fait une saisie au domicile de Poch, situé rue Westdijk à Zuidscherme, à environ 25 kilomètres d’Amsterdam, et y a trouvé quelques documents confirmant son sinistre passé. |
Vidéos : 5ème et 6ème parties. 8 mn 45 s et 8 mn 20 s. Des anciens de l'OAS participant directement aux arrestations à Buenos Aires. Double language de la France. | Michel Poniatowski, ministre des affaires étrangères.. Collaboration entre la DST et les services chiliens entre 1978 et 1980. L'affaire Jean Yves Claudet Fernandez. Bras International du plan Condor. |
Emir Sisul Hess : |
Du remou qui risque de déranger : Ces dernieres arrestations de pilotes argentins à travers l'Europe, et la mise en place de procès ces prochains mois, risque de faire remonter à la surface une partie de notre histoire récente où l'aide de la France sous la présidence de Giscard d'Estaing n'est pas des plus glorieuses. A deux doigts de se demander si en plus d'appuis de conseillers militaires depuis la fin des années 50, la France n'aurait pas non plus appuyé politiquement la junte militaire argentine jusqu'en 1980. L'Histoire le dira ! Photo : Michel Poniatowski, ministre de l'Interieur entre 1974 et 1977. En visite officielle à Buenos Aires en octobre 1977. Il n'est alors plus ministre de l'Interieur, mais "représentant personnel du président Valéry Giscard d’Estaing". Petite déclaration de l'intéressé lors de son passage dans la capitale argentine repris dans le quotidien La Nacion : « Le terrorisme constitue une situation de guerre, et tous les États sont solidaires pour le combattre. La France est solidaire de toutes les luttes contre le terrorisme ». |
Vidéo : Dernière partie. 3 mn 17 s. En conclusion, la derniere phrase parle d'elle même. |
Les répercussions du film en 2003 en France : Après la diffusion du film de Marie Monique Robin en France, un rapport est fait par le député Rolland Blum pour l'Assemblée Nationale. (Rapport 1295, enregistré le 16 décembre 2003). Ce rapport est rédigé dans le but de savoir si il est nécessaire de créer une commission d'enquête "sur le rôle de la France dans le soutien aux régimes militaires d'Amérique latine entre 1973 et 1984", La demande est faite par le député Noel Mamère. Deux points sont débattus : 1) La recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête. A cela la réponse est que "la proposition de résolution de M. Mamère ne semble pas irrecevable en ce qui concerne la nature des faits pouvant donner lieu à enquête", 2) Si les conditions de recevabilité semblent réunies, il reste à déterminer s'il convient, en opportunité, de créer ou non une commission d'enquête sur une éventuelle responsabilité de la France dans la répression menée par les dictatures latino-américaines dans les années 1970 à l'égard de leurs opposants. A cela est répondu : "les généraux argentins ou chiliens indiquent qu'ils ont appliqué des méthodes enseignées par d'autres peut se comprendre - ils cherchent à atténuer leur responsabilité individuelle en faisant croire qu'ils agissaient dans le cadre d'une lutte mondiale contre le communisme - mais cela ne doit pas nous faire oublier que les tortionnaires en question ne sont vraiment pas des témoins dignes de confiance". Puis une deuxième série d'arguments concerne la période 1973-1984 elle-même, période pendant laquelle la France aurait joué un double jeu en soutenant en sous-main les dictatures latino-américains. La réponse est :" aucun élément concret ne vient étayer cette affirmation gratuite". Conclusion : "Votre Rapporteur estime donc que les allégations portées sur le rôle de la France en Amérique latine dans les années 1970 sont sans fondement sérieux. Elles reposent en effet largement sur des raccourcis discutables liés à la prétendue invention par l'armée française du concept de « guerre subversive ». Dans, ces conditions, il ne semble pas opportun de créer une commission d'enquête sur le rôle que la France aurait joué dans la répression menée par les dictatures latino-américaines entre 1973 et 1984, qu'elle a toujours condamnées. Il n'y aura donc pas d'enquete ! Pour lire le rapport 1295 de l'Assemblée Nationale. |
Les liens externes : - Arrestation de Julio Poch à Valencia. Article du Clarin du 30 septembre 2009. - Article de l'Agencia de Noticas de Bariloche de l'arrestation de Emir Sisul Hess. Le 04 octobre 2099. - Fiche technique du film "Garage Olimpo" (1999) centre clandestin de détention. - Fiche sur le livre de Marie-Monique Robin, "Escadrons de la mort, l'école française"(2004). - Tortures et disparitions, méthodes françaises. Article publié par Pagina 12 le 02 septembre 2003. |
D'autres articles du Petit Hergé : |