Coup d'Etat annoncé du 24 mars 1976
24 mars 2009 La Situation avant le coup d’Etat du 24 mars 1976 :
L’année 75 fut catastrophique au niveau économique, emballement de l’inflation et augmentations des prix sans contrôle. Celestino Rodrigo fut nommé ministre de l’Economie en juin 75, du prendre des décisions impopulaires sans pour autant freiner la chute du peso et l’inflation galopante. Devant le risque de contestation ouvrière chaque jour plus présent, le gouvernement de Rodrigo musela la CGT (en totale osmose avec le gouvernement) en limogeant les anciens secrétaires syndicaux et en nomma des plus dociles. On a appelé ce renversement à la tête de la CGT le « Rodrigazo ». Les prix continuèrent à s’envoler alors que les salaires restaient stables, le gouvernement de Rodrigo ne concéda qu’une augmentation de salaire de 38%. (334 % d’inflation en 1975 !). Il était de plus en plus difficile de contrôle la base syndicale chaque fois plus en désaccord avec les hommes à la tête de la CGT nommés par le gouvernement. Une partie du régime mis en place une force d’action illégale nommée la triple A ou AAA (Alliance Anticommuniste Argentine) devant en fait faire le sale travail de la police ou de l’armée. Il n’y avait rien de « communiste » de la part de la base ouvrière argentine de vouloir obtenir des avances salariales au moins égale au coût de la vie. En fait la AAA était dirigé par José López Rega, qui n’était autre que le ministre des affaires sociales (surnommé le sorcier « El Brujo »), le reste du gouvernement regardait ailleurs et niait avoir connaissance de ses agissements lorsqu‘un attentat avait lieu de la part de la Triple A contre des personnalités de la vie publique (19 attentats en 1973, 50 attentats en 1974 et 359 attentats en 1975 !). Sans aucun résultat d’amélioration économique, il y a changement de ministres en juillet et août 1975 mais la rue commence à se faire sentir ainsi que des débuts d’occupation d’usines. En septembre 1975, l’assemblée nationale reçoit le projet de création du « Conseil de Défense National et de la Sécurité Intérieure » qui donne en fait totalement carte blanche à l’armée pour prendre « la responsabilité de la lutte contre la subversion armée ». C’est déjà un premier pas de moins pour la démocratie et la porte ouverte sur ce qui se passera quelques mois plus tard !
Inflation = Chômage = Grève donc Répression légale (Armée et police) plus Répression illégale (AAA). |
Quand tout le monde veut le coup d 'Etat : En réaction, les syndicats de gauche augmentèrent leurs popularités et passèrent à des démonstrations de force chaque fois plus virulentes. Le pouvoir démocratique de Isabel Peron semblait au bout de son cycle, à droite on pensait que maintenant la seule façon de « débloquer » la spirale était de pousser les militaires à agir par un coup d’état, même au niveau de la classe moyenne (on a tendance à vouloir l’oublier aujourd’hui), on n’était pas vraiment contre l’arrivée d’un semblant d’ordre. Il y a même une petite tentative de coup d’Etat le 12 décembre 75, mais qui reste sans suite ! Il faut dire que les derniers mois (entre décembre 1975 et mars 1976) furent chaotiques ! Super inflation, dévaluation constante, grèves, appareil économique bloquée, gouvernement affaibli, manifestations et affrontements quotidiens, attentats terroristes de gauche contre attentats terroristes de droite. Le pays était totalement paralysé et dans une impasse. Si une certaine partie de la bourgeoisie, de la classe moyenne et de la droite se réjouit de ce 24 mars 1976 et de l’arrivée de Videla (commandant en chef de l’armée depuis 1974). Il leur faudra que quelques semaines pour se rendre compte qu’ils ont misé sur le mauvais cheval, et qu’un mal tuant un mal peut parfois précipiter un pays dans un enfer. Même pour la figure emblématique de l’opposition Ricardo Balbin, chef du mouvement Radical. Début 1976 à des journalistes qui lui demande que faire et si il y a une possibilité de proposer autre chose qu’un coup d’Etat, il leurs répond : "no tengo soluciones" (Je n’ai pas de solution). Le coup d’Etat du 24 mars 1976, était annoncé, préparé (Dès le 22, les militaires avaient occupé les endroits stratégiques), et même souhaité par la plus grande partie de la classe politique (y compris par une certaine opposition de gauche)
L’Argentine devra connaître 7 ans de peur, d’atrocités et de terreur institutionnel ! |
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Le 24 mars 1976, la présidente Isabel Peron (en place depuis 1973), est arrêtée et envoyée à Neuquen, pendant cinq ans en résidence surveillée. (Presque contente de pouvoir sortir de sa charge empoisonnée qu’elle n’avait même pas voulu. Elle a quand même voulu tenir tête les dernières semaines aux militaires en refusant de « démissionner ») Fin chaotique d’un gouvernement de moins en moins démocratique, une lamentable décadence péroniste. Depuis plus d’un an le pouvoir n’existait plus et pays était livré a lui-même dans des luttes incessantes de pouvoir entre activistes de gauche et répression de droite. En ce début de l’année 1976, les argentins ne sont pas politisés ils se débattent uniquement pour pouvoir survivre dans une inflation galopante et maintenir leur famille hors de l’eau dans un pays ou l’Etat n’existe plus !
Il est 3h21 du matin en ce mercredi 24, un premier communiqué est passé à la radio :
"Agotadas todas las instancias del mecanismo constitucional, superada la posibilidad de rectificaciones dentro del marco de las instituciones y demostrada, en forma irrefutable, la imposibilidad de recuperación del proceso por sus vías naturales, llega a su término una situación que agravia a la Nación y compromete su futuro." Se comunica a la población que, a partir de la fecha, el país se encuentra bajo el control operacional de la junta de Comandantes Generales de las FF.AA. Se recomienda a todos los habitantes el estricto acatamiento a las disposiciones y directivas que emanen de autoridad militar, de seguridad o policial, así como extremar el cuidado en evitar acciones y actitudes individuales o de grupo que puedan exigir la intervención drástica del personal en operaciones”.
(Traduction et adaptation ) « Toutes les possibilités du mécanisme constitutionnel ayant été employées, ne pouvant plus modifier la situation dans le cadre des institutions et démontrant qu’il est impossible de récupérer par une voie légale et irréfutable une situation qui devient maintenant grave pour la Nation et compromettant son futur ; il est communiqué à la population qu’à partir de maintenant le pays est placé sous le contrôle opérationnel de la junte de commandement des forces armées. Il est recommandé à tous les habitants dans le strict respect des dispositions et des directives des autorités militaires, de la sécurité et de la police, d’éviter des actions ou des attitudes à titre individuel ou en groupe qui pourraient exiger une intervention des forces en opération ».
La Junte des commandants renversant le pouvoir était composée de :
Teniente Gral. Jorge Rafael Videla Almirante Eduardo Emilio Massera Brigadier Gral. Orlando R. Agosti |
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Mise en place du Processus de Réorganisation Nationale :
La Junte nomme en cette journée du 24 mars, Videla, président de la république argentine, il monte en quelques jours un gouvernement et met en place une politique qu’elle nomme elle-même : « Processus de Réorganisation National » José Martínez de Hoz est désigné Ministre de l’Economie (il n’y a pas de premier ministre en Argentine) le 02 avril 1976 et annonce de suite son plan pour lutter contre l’inflation stopper la spéculation et stimuler les investissements étrangers. Dans ce contexte de dictature, la gestion du ministre de l’Economie parait (avec le recul) totalement cohérente par rapport aux objectifs des militaires. (Sans pour autant, bien sûr l’approuver). C’est une intervention directe de l’Etat sur toutes les affaires du pays, politiques, économiques, sociales, syndicales, éducatives et même d’ordre strictement privé. (Ex : cheveux courts obligatoire pour les hommes). Dans l’histoire de la jeune république argentine, il est certain que la période débutant ce 24 mars 1976 est sans aucun doute la plus sombre et dépasse toutes les autres dictatures qu’elle aura connu par cette mise en place d’un « système de terreur gouvernemental ».
En ce 24 mars 1976, les premières actions du gouvernement de Videla sont :
Suspension de l’activité politique. Suspension des droits du travailleur Contrôle des syndicats Interdiction des grèves Dissolution de l’assemblée nationale. Dissolution des partis politique. Destitution de la Cours suprême de Justice. Contrôle de la CGT. Fermeture de tous les lieux de réunions nocturnes (bars, discothèque, etc…) Interdiction de diffusion de certains livres et de publications. Censure de la presse.
On arrête ainsi toute personne émettant le moindre désaccord, dans un premier temps chez les politiques, acteurs sociaux, intellectuels et étudiants, puis on en vient à arrêter ensuite toute personne arbitrairement, uniquement par délation, pour avoir entendu une de ses conversations ou pour détenir un simple élément « subversif » (journal, livre, etc.…)
On arrête, on enferme dans des centres de détention (souvent clandestins340 au total dans tout le pays), on interroge, et ensuite on décide si le “terroriste” est en effet en possession d’informations subversives. Il n’y a pas de jugement, on assassine et ensuite on fait disparaître les corps. Aujourd’hui sans avoir une liste détaillée des « disparus », on estime entre 9.000 et 30.000 leur nombre. Toute la population est touchée, la torture et les assassinats durent 7 ans (1976-1983), les ouvriers sont les plus touchés (30% des disparus) ainsi que les étudiants (21%). |
4 Dictatures en 7 ans :
Les 4 principales périodes sont :
1976-1980: Jorge Rafael Videla, Emilio Eduardo Massera et Orlando Ramón Agosti. 1980-1981: Roberto Eduardo Viola, Armando Lambruschini, Omar Domingo Rubens Graffigna. 1981-1982: Leopoldo Fortunato Galtieri, Basilio Lami Dozo et Jorge Isaac Anaya. 1982-1983: Cristino Nicolaides, Rubén Franco, Augusto Jorge Hughes.
En souvenir de cette époque ténébreuse de l’Histoire Argentine, la journée du 24 mars a été déclarée fériée à partir de 2006 (pour le 30ème anniversaire) et appelée : Journée Nationale de la Mémoire. (Dia Nacional de la Memoria). Cette période est riche en événements et en informations, c’est pour cela que j’aborderai dans d’autres articles, les autres points importants de ces sept années. |
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