La Torre Saint (Quartier Balvanera - Buenos Aires)
10 févr. 2021Dernière mise à jour : 10 février 2021. #Buenos Aires.
La Torre Saint (Balvanera - Buenos Aires)
La Torre Saint est un immeuble « art déco » du quartier de Balvanera qui fut construite entre 1925 et 1928 dans le secteur du « Once » de Buenos Aires.
Si l’immeuble est surnommé « Torre », en fait le bâtiment en possèdent deux, une située en bordure de rue, l’autre au fond de la parcelle.
Quant à « Saint » il provient tout naturellement du nom du propriétaire qui en décida sa construction. Œuvre incontournable du secteur, aujourd’hui classé par la Ville, à découvrir pour les amateurs de l’architecture de cette époque.
Photo ci dessous : La partie supérieure de la Torre Saint. On voit à gauche la tour rénovée en 2017-2019 donnant coté rue et à gauche l'ancienne.
Engouement pour l’égyptologie :
La nouvelle de la découverte du tombeau de Toutankhamon en 1922 par Howard Carter eut un retentissement mondial. A tel point que même en Argentine, on ne parlait que de ça dans les salons de l’aristocratie et de la bourgeoise porteña de l’époque.
Leopoldo Lugones, poète, romancier et auteur de nouvelles, s’empare de l’affaire pour écrire et publier dans le quotidien La Nacion en aout 1923 « El Vaso de Alabastro ».
C’est dans cette ambiance orientaliste que Buenos Aires baigne lorsque l’architecte français Robert Charles Tiphaine (né à Paris en 1879), déjà installée à Buenos Aires depuis la fin de la Grande Guerre, rencontre en 1925 un Franco-argentin, Emilio Saint, fils du Français Abel Saint (né dans l’Allier en 1845-1892) fondateur la marque de chocolat « Aguila » en 1885.
Emilio Saint (né à Buenos Aires en1885) habite déjà le quartier de Balvanera et confie à l’architecte Français de monter sur une parcelle de 19 m de façade par 50 de profondeur situé au 2622 de la calle Cangallo (aujourd’hui Peron), un immeuble de logements « d’inspiration égyptienne ».
Le Français accepte et pendant 3 ans entre 1925 et 1928, le projet se met en place et se construit sous la responsabilité de l’entreprise « Italo Galli Y Cia »
Photos ci-dessous : Extrait de l'article écrit pour Casa Foa sur la Torre Saint en 2016. Dossier d'entrée à l'Ecole des Beaux arts de Paris de l'élève Robert Charles Tiphaine en 1897. La Torre coté rue Peron entièrement restaurée en 2017-2019.
Description de l’édifice :
Le rez-de-chaussée présente sa façade au même alignement que les autres bâtiments de la rue. Une porte d’entrée principale au centre et accompagnée de chaque côté par une imposante fenêtre. Aux deux extrémités de la façade, les petites portes de service donnent accès à un corridor faisant le tour de l’immeuble.
L’immeuble est bien symétrique, non sur sa façade, mais sur son flanc. Ce qui explique que l’on ne peut apercevoir qu’une des deux tours à partir de la rue. La seconde étant au fond de la parcelle. La tour donnant sur rue est donc placé à gauche et non dans l’axe de la façade.
L’entrée principale est prolongée jusqu’au bout de la parcelle par un large couloir qui permet l’accès aux appartements les plus petits de l’immeuble et aux deux groupes d’ascenseurs et d’escaliers desservant les étages supérieurs. Les colonnes qui ornent ce couloir central montrent une certaine influence « égyptienne » qu’Emilio Saint voulut.
Le bâtiment est donc construit sur presque toute la parcelle jusqu’au 7ème étage, puis au-dessus en retrait est posé la seconde partie surnommée la « torre » jusqu’au 12 ème étage.
Chaque « bloc ascenseur » est constitué d’un large escalier de deux ascenseurs et de deux ascenseurs de services et dessert entre le 1er et le 7eme étage, 2 appartements de 180 m2 chacun. Soit 4 appartements au total par niveau. Mais il n’y a aucune connexion au niveau des étages entre les deux blocs.
Entre le 8ème et le 12 ème étage, un seul appartement par bloc ascenseur.
Le 13eme est occupée par une terrasse commune dont une partie couverte à l’origine proposait des transats pour que les locataires puissent s’allonger à l’ombre.
Enfin la partie supérieure des deux « tours » abritent les machineries des ascenseurs et les réserves d’eau.
Les deux tours jumelles étaient revêtues de plaque de bronze.
Celle donnant sur rue après un incendie avait perdu toute sa partie supérieure mais après les travaux de rénovation de 2017-2018, elle retrouve son dôme revêtue d’ardoise.
L'ornementation de la façade et les finitions sont éclectiques, bien que ce bâtiment soit classé en art déco. Quelques années plus tard, une autre commande toujours passée par Emilio Saint à un autre architecte Carlos Malbranche de style plutôt français académique a tout de même encore quelques rappels « égyptiens » dans des motifs décoratifs. Il s’agit de « L’Edificio Saint » (terminé en 1931) situé au 1180 de la rue Esmeralda. C’est ainsi que pour distinguer les deux immeubles, celui qui nous intéresse de la calle Cangallo sera dénommé « Torre Saint » au singulier même s‘il y a deux tours !
Photos ci dessous : Appartement du 11 ème étage appartenant à l'architecte Roberto Caparra
Des locataires particuliers :
Un curieux personnage habite le 12ème étage, en effet on entend habituellement l’écho d’un piano. Celui provient habituellement de l’appartement de Bruno Gelber, pianiste argentin de concert qui a vécu de nombreuses années à Paris. Mais comme chaque été, le pianiste part à Mar del Plata pour la saison estivale et le 12eme étage se rendort.
Dès l’aube pendant l’année, le piano reprend vie, et il n’est pas rare que le maitre Gelber doive par téléphone s’excuser auprès de ses voisins, lorsque l’un d’entre eux commence à frapper les murs ou les plafonds pour demande un peu de silence.
Juste sous l’appartement du pianiste, au 11eme vit Isabel Conteras, restauratrice d'art au Musée du Congreso, elle y vit depuis plus de 30 ans et s’est habituée au bruit de son voisin. Nous sommes en plein secteur de Balvanera qui se nomme el Once et qui est envahi pendant la journée d’un bruit tumultueux provenant de la rue, mais en haut de la tour on est étonné par ce silence profond qui contraste avec l’extérieur.
Le 11eme est aussi occupé par un personnage célèbre qui n’est autre que Roberto Caparra, architecte d’intérieur, amateur des années 20 et 30 et qui a pu meubler et décorer son appartement, possédant une terrasse, comme il a voulu pour le mettre en adéquation avec le style de l’immeuble.
Dans les étages inférieurs se sont surtout des familles chinoises et coréennes qui se sont installés car ce secteur anciennement le « Sentier juif » de Buenos Aires s’est transformé et les commerçants asiatiques les ont remplacés dans leurs échoppes de produits d’importations.
C’est ainsi que Leo Kim fut représentant pendant de longues années des copropriétaires de l’immeuble, et a pu redonner un souffle nouveau au bâtiment en lançant quelques travaux de rénovations et de réparations (comme certains ascenseurs qui ne fonctionnaient plus) ou la rénovation d’une grande partie des canalisations et de la tuyauterie en parties communes.
Au 8eme étage, une pancarte manuscrite placardée sur la porte donnant sur un local indique dans un coréen approximatif « fermez la salle secrète ».
Photos : La Torre Saint pendant les travaux de restauration en 2017-2019.
Travaux de rénovation de 2017-2019 :
En 2017, c’est l’architecte Flavia Ronaldi, spécialiste en conservation du patrimoine urbain au sein de la ville de Buenos Aires qui à travers le plan de rénovation « Once peatonal » choisit de suivre les travaux de la façade de la « Torre Saint » ainsi que la restauration de la première tour donnant sur cette façade qui connut en raison d’un incendie il y a de nombreuses années la perte de toute la partie supérieure du dôme et de sa toiture.
Aujourd’hui l’immeuble est protégé par la loi n ° 3056, qui s’adresse aux bâtiments antérieurs à 1941 et celui-ci est classé "singular con protección cautelar".
Les travaux de ravalement, de consolidations et de reconstruction de la tour donnant sur rue grâce à l’appui de la ville, eurent lieu entre 2017 et 2019. En 2019, pour la première fois, les deux tours furent illuminées la nuit, les transformant en phares dans la nuit du Once.
Las Torres Saint dominent le Once et sont aujourd’hui visibles à plusieurs kilomètres à la ronde.
Photo ci-dessous: La silhouette de la Torre Saint lors d'un orage sur Buenos Aires.
Les conseils du Petit Hergé :
La ville de Buenos Aires abrite plusieurs immeubles intéressants et très peu connus des circuits touristiques.
En voilà un, pour les amateurs d’art déco, à voir.
Comme il s’agit d’un bâtiment privé d’habitation, vous en pourrez pas y entrer facilement, mais vous pourrez quand même aujourd’hui profiter de sa façade toute nouvellement restaurée et de sa première tour reconstruite.
Du lundi au vendredi, pour l’ambiance et le brouhaha, le samedi et le dimanche pour le silence et les photos avec plus de tranquillité.
Si vous voulez découvrir le quartier, contactez-moi sur Facebook ou par mail. petitherge@hotmail.com
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