Mise à jour : 13 juillet 2010. Ecrit par Nabil Naamane.

L'insécurité à Buenos Aires en 2010 :

L’insécurité constitue une tragédie quotidienne à Buenos Aires car elle affecte aussi bien les citoyens que la démocratie dans son ensemble. Une enquête menée par l’Université Catholique Argentine (UCA) révèle en effet une forte augmentation des délits depuis 2006 dans la capitale argentine. Si le gouvernement ferme encore et toujours les yeux sur un tel phénomène, l’insécurité est pourtant bel et bien au cœur des préoccupations des porteños. En effet, selon les chiffres du "Programa Observatorio de la Deuda Social Argentina" (Observatoire de la dette sociale Argentine de l’UCA - Universidad Católica Argentina), dans un foyer sur dix au moins un membre de la famille a été victime d’un délit pouvant aller du vol à l’arrachée à l’assassinat pur et simple, en passant par le home-jacking et la séquestration.

Photo : Manifestation contre l'insécurité.

Le sentiment d'insécurité :

L’Observatoire a analysé la provenance de ce qui est communément appelé le « sentiment d’insécurité ». Il peut avant tout s’expliquer par l’augmentation des chiffres relatifs à l’insécurité entre 2006 et 2009 : le pourcentage de foyers dans lesquels au moins un membre de la famille a été victime d’un délit est passé de 20,2% à 27,3% entre ces deux années. Ensuite par un phénomène sociétal expliqué par Agustín Salvia, chercheur en chef de l’Observatoire: après trois ans de relance économique, on constate d’une part que la classe la plus riche est celle qui subit en majorité ces délits, mais d’autre part que la frange sociale la moins aisée est tombée dans un certain oubli notamment en raison de l’inflation galopante, de la crise internationale ou encore de la baisse du nombre de travailleurs déclarés. Toujours selon Agustín Salvia, un tel contexte économique - où les inégalités ne cessent de se creuser - pousse les classes moyennes professionnelles à « devoir redistribuer » les ressources, ce qui se concrétise par des délits. Il ajoute que la forte augmentation de vols au sein de la classe la moins aisée pourrait s’expliquer l’apparition d’une nouvelle délinquance (celle née du contexte économique actuel) qui trouve autour d’elle un accès plus « facile » à certains biens. Enfin, il souligne que les jeunes constituent une cible de choix pour les délinquants car étant plus souvent dehors, ils sont forcément plus « exposés ».

 

Relation entre peur du délit et délit effectif :

L’enquête de l’UCA montre aussi que la peur d’être victime d’un délit accompagne de manière proportionnelle le nombre de vols. La sentiment d’insécurité est donc étroitement liée au fait d’avoir été soi-même victime d’un vol ou qu’un membre de sa famille l’ait été. Selon Carolina Moreno, coordinatrice du chapitre sécurité de la dite enquête, il suffirait de réduire la quantité de vols et de crimes avec violence pour que le sentiment d’insécurité chute immédiatement. Par exemple, la part des foyers situés dans les bidonvilles ayant été victimes de délits est passée de 26,4% en 2008 à 16% un an plus tard. Dés lors, le sentiment d’insécurité est passé dans ces quartiers de 86,8% en 2008 à 68,1% en 2009. En revanche, concernant les foyers situés dans des quartiers moins difficiles, il s’est passé exactement le contraire.

 

Photo : Les rez de chaussée et les premiers étages ont souvent leurs fenêtres grillagées ou protégées par des grilles.

L'influence de la

présence de la police :

L’UCA a tout de même souligné que la présence policière dans les rues faisait baisser le nombre de vols. Salvia ajoutant même: « principalement dans les quartiers très difficiles et assez difficiles, où l’année passée le nombre de délits a doublé dans les zones où il n’y avait pas du tout de patrouilles ». Soulignons cependant que cette relation entre présence policière et baisse des délits est plus prononcée dans le Grand Buenos Aires que dans la Capitale Fédérale en elle-même.

 

Photo : La présence de la "Federal" consiste souvent à mettre des amendes et à jouer avec les jeux de leurs cellulaires !

Le rôle de la télévision :

Selon de nombreux fonctionnaires, référents sociaux progressistes ou même selon certains juges, le sentiment d’insécurité est constamment entretenu par un énorme brassage médiatique. En effet, les images de crimes, de familles détruites ou encore de marches contre l’insécurité sont devenues très fréquentes à Buenos Aires et de plus en plus regardées (en témoigne l’audimat d’une émission telle que Policías en Acción).

L’enquête de l’UCA révèle cependant des chiffres qui contredisent ces derniers : en 2008, parmi toutes les personnes ayant dit avoir peur d’être victime d’un délit, il y avait seulement 6% de différence entre ceux qui regardaient les journaux télévisés fréquemment et ceux qui ne les regardaient que « rarement ou jamais ».Salvia conclut donc qu’on ne peut pas systématiquement dire que le sentiment d’insécurité est dû à l’influence de la télévision.

Photo : L'émission "Policias en acción".

Quelles sont les conséquences ?

Tout d’abord un impact électoral, car on constate que la confiance accordée au gouvernement baisse notablement chez les victimes de vols ou de violences, principalement dans le Grand Buenos Aires et dans les bidonvilles –lieux où Cristina Kirchner garde normalement de forts espoirs en termes de voies électorales. L’enquête de l’UCA montre également que la couche sociale aisée perd plutôt confiance en la Justice.

Ensuite un impact social : dépressions, angoisses, stress peuvent provenir de l’insécurité. Selon la chercheuse Caroline Moreno, cette peur du délit provoque un isolement social se traduisant par une baisse de la fréquentation des lieux publics – ce qui par conséquent favorise l’augmentation des vols dans ces lieux. Pour contrer cette spirale négative, elle soutient qu’il faut renforcer les liens sociaux dans les quartiers, augmenter la présence policière (à condition que les agents soient respectés) pour que finalement le gouvernement retrouve la confiance de ses citoyens.

Le sociologue Augustín Salvia ajoute même que la peur entraîne une perte de confiance générale envers autrui ainsi qu’envers les institutions. Ainsi la volonté d’un gouvernement « fort » est la plus forte chez les victimes d’un quelconque délit, et contrairement à ce qu’on pourrait croire dans les milieux les moins aisés.

Le manque d’information et d’enquêtes officielles depuis 2006 laisse finalement tout un chacun se fier à des théories plus fondées sur des préjugés idéologiques que sur une information nette et précise. Les Argentins attendent encore et toujours des actions concrètes que finalement personne ne saurait définir avec précision.

Photo Montage : Cristina Kirchner dit : "...et grâce aux mesures prises par le gouvernement, la crise économique qui a affecté le Monde ne nous touchera pas,  le pays continuera à être prospère comme aujourd’hui ..." (Phrase d’un discours de Cristina Kirchner début 2010)

 Les liens externes :

- Universidad Católica Argentina.

- Programme Observatoire de la dette sociale Argentine.

- Carte de l'insécurité. Carte interactive, l'agressé indique le lieu de son agression.

 

Photo : Carte de l'insécurité de la province de Buenos Aires et de Capital Federal.Carte interactive où l'agressé indique le lieu de sa propre agression.

En % toutes les agressions sont classées.

A lire dans le Petit Hergé :

- Nouveau ministère du tourisme en Argentine. (Juillet 2010)

- Inflation lors du premier semestre 2010. (Juillet 2010)

- Insécurité à Buenos Aires en 2008. (Mars 2008)

- Insécurité dans le centre de Buenos Aires. (Mars 2008)

- Insécurité dans le quartier de Belgrano. (Mars 2008)

- Insécurité dans le quartier de Caballito. (Mars 2008)

- San Telmo Disneyland. (Mai 2007)

- Quartier de Palermo. (Mars 2009)

 

 

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