Le monde rural après la mort de Kirchner
08 déc. 2010Mise à jour : 08 décembre 2010. Article écrit pas Nabil Naamane.
Dans le monde du « Campo » : Que provoque la mort de Kirchner ? La « Comisión de Enlace », comprenez le « Comité de Liaison » est une entité qui regroupe les dirigeants des 4 syndicats agricoles : Carlos Garetto, Mario Llambías, HugoBiolcati et Eduardo Buzzi. Suite à la crise du campo de 2008 (lire Les derniers jours du gouvernement Kirchner ? ), ils s’étaient réunis pour faire face au gouvernement d’une seule voix. Mais les luttes de pouvoir et des conflits internes de plus en plus forts font qu’aujourd’hui, malgré la soudaine mort de leur plus fervent adversaire – Néstor Kirchner – le secteur agricole se trouve confronté à de nombreuses problématiques. La disparition de Kirchner, est-elle une occasion de reconstruire un dialogue entre le Gouvernement et le monde rural ? Est-il temps de déclarer la fin du Comité de Liaison, actuellement en crise, pour récupérer le rôle individuel de chaque organisation ? Qui, dans ce cas, devra parler au nom du monde agricole ? |
Dialogue ou confrontation en 2011 ? Ces questions ont été posées par le quotidien La Nación à cinq experts venant de différents milieux : l’avocat Juan Pedro Merbilhaá, ex président de la Confédération d’Associations Rurales de Buenos Aires et La Pampa (Carbap) ; Osvaldo Barsky, chercheur du Conseil National de Recherches Scientifiques et Techniques (Conicet en espagnol) ; les analystes Sergio Berensztein et Rosendo Fraga ; le politologue de l’Université Di Tella, Carlos Gervasoni ; et enfin le président de la Fondation Despertar, Eduardo Bunge. Les opinions furent hétérogènes : si les experts qui ne sont pas en relation directe avec le secteur agricole ne voient pas la fin du Comité de Liaison comme quelque chose de négatif, ni l’apparition de nouveaux visages d’ailleurs, les experts liés au secteur pensent quand à eux qu’une séparation des entités affaiblirait considérablement leur force de revendication. Dans un tel contexte, il faut alors savoir si le décès de Néstor Kirchner peut permettre d’une part au campo de sortir du terrain de l’éternelle confrontation et d’autre part d’instaurer une nouvelle étape de dialogue. « Etant toujours en faveur du dialogue, je pense que ce nouveau scénario est une bonne opportunité pour le campo et le Gouvernement », affirme Bunge. Pour Berensztein et Gervasoni, la réalité est quelque peu différente, tout d’abord car la relation entre monde agricole et Gouvernement ne peut se résumer par confrontation ou dialogue. « Il n’y a pas de confrontation, mais plutôt une sorte d’inertie recherchée par le Gouvernement, qui pour cela a fait baisser les décibels de ce raisonnant conflit. Il a fait des concessions, comme mettre à la tête du Ministère de l’Agriculture un homme ouvert au dialogue, Julián Domínguez », rapporte Berensztein. « Je ne pense pas que la mort de Kirchner puisse changer le panorama de la relation Gouvernement-campo. L’ex président encore en vie, des tentatives de rapprochement avec le monde agricole avaient déjà été faites. De plus, il faut souligner que le niveau de confrontation était relativement bas des deux côtés pendant les mois précédant son décès », ajoute Gervasoni. Il est évident qu’un tel calme n’entraîne aucun dialogue, ni aucune avancée concrète. « Le Gouvernement ne fait pas de signe montrant que sa stratégie de fond a été modifiée » rajoute Berensztein. |
Vidéo : Datant de 2008, lors de la confrontation entre le monde rural et le gouvernement Kirchner. Clip en faveur du campo. |
Luttes au sein même des différents syndicats ruraux : En ce qui concerne les luttes au sein du Comité de Liaison, la division entre le syndicat Federación Agraria mené par Buzzi et le reste des entités est de plus en plus forte chaque jour. La Nación a donc demandé aux experts ce qu’il se passerait si l’unité du campo se brisait. « Le Comité de Liaison est apparu de nombreuses fois face à des conflits extrêmes. La fin de la sécheresse, la hausse des prix et l’attitude plus modérée du Gouvernement ont permis de relâcher la tension, mais ont par la même occasion éclipsé les actions possibles du groupe. Le Comité n’est pas une institution, il peut donc rester gelé ou disparaître du jour au lendemain sans faire forcément beaucoup de bruit » analyse Barsky. Gervasoni affirme que « le secteur a atteint sans aucun doute son plus haut niveau d’efficacité lorsqu’il a réussi à combiner l’action des 4 entités. Si les 4 syndicats arrêtent d’agir ensemble ils perdront du poids. Rappelons que ce qui s’est passé en 2008 relève plus de l’exception que de la règle, car il est exceptionnel d’une part qu’un problème lié au secteur agricole soit au centre des débats et d’autre part que les entités chargées de représenter les producteurs décident d’agir main dans la main. Peut-être est-il logique d’agir ensemble lorsque l’intérêt de la majorité est menacé, mais qu’il vaut mieux agir séparément maintenant qu’il ne s’agit plus d’un thème à l’ordre du jour ». |
Vers une dissolution du Comité de Liaison ? Les experts liés au secteur agricole voient d’une toute autre manière la dissolution du Comité de Liaison. Bunge déclare par exemple que « ce groupement est un pôle de coordination du secteur agricole, une entité symbolique qui affirme la puissance de l’agriculture, il ne doit donc en aucun cas être démantelé ». Selon Merbilhaá, même si tout semble indiquer que Federación Agraria veut se différencier du groupe, les divisions concernent seulement les chefs de rang. « Au sein des 4 syndicats, il y a de plus en plus d’interaction entre les dirigeants intermédiaires. Loin de considérer leurs ambitions personnelles et plus proches des producteurs, ils rendent les vieilles oppositions idéologiques obsolètes ». Berensztein et Fraga concluent, chacun de leur côté, que l’éventuelle survie du Comité de Liaison repose sur une meilleure professionnalisation et l’installation de programmes à long terme. Le premier nous dit : « La question est de savoir si le secteur souhaite avoir une représentation d’intérêts en accord avec la magnitude de son importance dans l’économie nationale, et je pense que le campo ne cherche pas une telle chose. Le campo a toujours été sous-représenté. Reste à voir si le Comité de Liaison peut et doit représenter les intérêts du monde agricole. Si oui, alors il est temps de professionnaliser sa conduite ». Le second d’ajouter : « Pour 2011, le défi à relever pour le Comité de Liaison est de développer un projet de long terme pour le secteur, qui pourra être présenté aux différentes partis électoraux. Le campo a un poids considérable dans cette élection, puisqu’il peut orienter le vote de 15% d’électeurs. Le défi est de conserver ce poids avec l’arrivée des présidentielles ». |
Année électorale et représentativité législative : En ce qui concerne cette année électorale, les experts ont souligné que les ruralistas ont encore de bonnes chances, même s’ils n’ont plus la même visibilité qu’en 2009. « La transition à la politique est complexe et nécessite l’intégration à des partis qui ont leur propre dynamique, mais il sera impossible pour quelconque projet politique d’ignorer le poids du secteur », note Barsky. Pour Gervasoni, le campo a moins de possibilités qu’en 2009, ce qui laisserait penser qu’il y aura moins de législateurs du campo élus en 2011 qu’en 2009. « Cependant n’oublions pas que, malgré le fort poids du campo, ce dernier est faiblement représenté au Congrès et dans les législatures. Peut-être que l’âge d’or de 2009 ne reviendra pas, mais il est certain que d’un point de vue électoral, le secteur agricole a un potentiel de croissance non négligeable. » Il reste 10 longs mois avant l’arrivée d’un nouveau gouvernement. Le destin nous dira si, en pleine ferveur électorale, la direction actuelle se renforcera et surmontera ses différences, ou bien tombera et laissera place à de nouveaux dirigeants pour ce secteur. |
Les liens externes : - Site Agro-Parlamento.com. Le portail politique du monde agricole argentin. |
A lire dans le Petit Hergé :
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