Buenos Aires, mercredi 02 avril 2008. 23h00

 

Le campo donne 30 jours pour régler la crise.

 

A Gualeguaychu, la réunion entre toutes les associations et syndicats ruraux a eu lieu à 14h et tous ont voté d’une part l’arrêt des barrages mais surtout une trêve de 30 jours pour donner au gouvernement le temps de leur proposer de nouvelles mesures.

Une fois de plus les ruralistas font le premier pas pour prouver au gouvernement que leur but n’est ni de mettre à feu et à sang le pays ni de prendre en otage les argentins en bloquant l’approvisionnement alimentaire. Leur seul objectif est d’arriver à un accord sur la rétention concernant les exportations et plus particulièrement sur celles du soja.



Photo : L'assemblée de Gualeguaychú, mercredi 02 avril 2008. Il est 14h00 à ce moment là.

 

Questions : Sommes nous à la fin du conflit ?

 

Difficile de le savoir, la balle est maintenant du coté de Cristina Kirchner, elle a 30 jours pour régler à la fois les problèmes liés à la rétention sur les exportations, mais aussi maintenant elle doit se pencher sur une multitude de points à « éclaircir » sur le long terme quant à la nouvelle politique agricole du pays à mener.

Ce conflit dur (le plus long et le plus dur de toute l’histoire argentine) a fait surgir à la lumière pour l’homme de la rue (celui qui ne vit pas dans les campagne) mais aussi pour les politiques, que le chemin suivi depuis des années par l’Argentine pour son agriculture n’est pas le bon.

 

Voilà qu’il y a trois semaines, les ruralistas ne se battaient que contre un impôt injuste, aujourd’hui ils se battent pour toute une série de problèmes qui ont refait surface.

 

Pour ce qui est de savoir si le conflit est terminé, il faudrait être bien trop optimiste pour le penser, car les ruralistas en demandent maintenant bien plus, et Cristina Kirchner me parait bien loin du monde rural pour se rendre compte des véritables enjeux. Mais je pense qu’elle a pris conscience que les argentins soutenaient dans une énorme proportion les campagnes et qu’une page était tournée dans la manière dont le gouvernement centrale de Buenos Aires pouvait jusqu’alors décréter et légiférer unilatéralement sans prendre contact avec les premiers concernés : les argentins !



L'homme qui aura surement fait l'unanimité des 4 syndicats (ils sont assis au premier plan) est sans doute Alfredo de Angeli, le micro en main, le représentant à l'origine des ruralistas de Gualeguaychu, mais qui a su avec son bon sens devenir le porte parole de l'ensemble du monde agricole au fil des jours.
 

Qui a gagné, qui a perdu ?

 

Bien encore trop récent pour le savoir, mais ce qui est certain c’est que quelque chose à changer en Argentine dans les mentalités. De nombreux journalistes (de tout bords) ont toute la journée parler de l’idée qu’il y avait eu l’époque d’avant « Gualeguaychu » et l’époque d’après. Il serait peut être encore trop risqué de ma part de faire un parallèle entre « l’avant » et « l’après mai 68 » pour la France, mais nous n’en sommes pas loin.

-          Avant, il y avait 4 syndicats ruraux en Argentine souvent en désaccord car défendant des types d’agriculture et des propriétaires n’ayant pas trop grand-chose à voir entre eux. Aujourd’hui les 4 syndicaux sont plus unis que jamais et ont pris conscience que seuls unis ils arriveraient à faire plier le gouvernement.

-          Avant, le syndicalisme en Argentine passait uniquement par la centrale péroniste de la CGT, aujourd’hui l’argentin urbain se rend compte que 4 syndicats non péronistes peuvent très bien défendre les droits d’une corporation et vont unis continuer à se battre pour obtenir leurs revendications.

-          Avant, la Casa Rosada décidait seule dans son coin, et le président de la république pouvait seul décider sans aucune consultation préalable des bases (puisque la CGT toute puissante y est affilié), aujourd’hui je pense que Cristina Kirchner devra avant toute nouvelle « proposition » s’inquiéter de savoir comment celle ci pourra être accueilli.

-          Avant, alors que nous sommes tout de même dans un état fédéré (et non centralisé), Buenos Aires décidait pour tous sans aucune consultation auprès des gouverneurs des 23 autres provinces, levait la dîme pour ensuite la redistribuer à son bon vouloir à ceux qui dans les provinces « suivaient les ordres ». Il est certain qu’un bon nombre d’élus (maires, députés, sénateurs, gouverneurs même péronistes) ont commencé en silence à manifester leur désapprobation. Après ce conflit bon nombre de petits élus locaux vont vite essayer de quitter le parti péroniste PJ (parti justicialiste) qui n’est plus bien vu dans les campagnes et les petites villes. De plus on sent une vive envie de revenir à un fédéralisme bien plus fort de la part des gouverneurs et des administrés. « L’argent des impôts récoltés dans les campagnes doivent rester dans les campagnes ». Les ruraux ont l’impression de travailler et de maintenir toute une armée de bureaucrates inutiles et incapables à Buenos Aires.



Mercredi 02 avril 2008, la viande revient à Buenos Aires.
 

Bref, pas mal de remises en question peut être même sur l’état de l’Argentine fédérale. En tout cas pour ce qui est des questions rurales qui vont être maintenant mises sous la loupe par les médias pendant les 30 jours prochains, elles devront être prises très au sérieux par le gouvernement. Car Cristina Kirchner n’a maintenant plus un seul droit à l’erreur.

 

Dans 30 jours on connaîtra vraiment qui aura perdu le plus de plume dans cette bataille, mais il ne faut tout de même pas oublier que ce qui est le plus important, c’est l’avenir de l’Argentine, et ce pays doit tout à l’agriculture, hier avec ses premiers colons, et demain avec toutes les exportations qu’elle fera.

 

A suivre … dans moins de 30 jours !


Voici comme promis hier, la caricature publiée dans le Clarin du lundi 01er avril 2008 que LA présidente n'a pas aimé. Elle s'en est prise violemment au journal depuis la tribune de la Plaza de Mayo le 01 avril 2008.
Mélange de face de sa propre tête et en profil de son mari Nestor Kirchner. Ce qu'elle n'a pas aimé c'est le sparadrap sur sa bouche. Elle s'est demandée sur le podium de la Plaza de Mayo si cela signifiait qu'elle n'avait pas le droit de parler ? Je pense, comme tous ceux du Clarin et toute personne qui a bien suivi l'actualité en Argentine que cette caricature signifiait en fait : « Arête de dire des c ..." il faut dire qu’à chaque fois qu’il fallait calmer le jeu, elle avait à la bouche une petite phrase à rejeter de l’huile sur le feu.



 

Merci à tous ceux qui ont suivi quotidiennement ces petits bulletins qui j’espère vous ont servi à mieux comprendre ce pays si compliqué. J’ai moi-même souvent du mal à suivre la logique argentine, mais il est une chose que l’on ne peut pas nier, c’est un pays qui comme le chat qu’on jette n’importe comment, retombe toujours sur ses pattes. Pas toujours sans égratignures, mais sa vigueur et sa rapidité font qu’il se remet toujours bien plus rapidement que l’on ne pense. Une dernière chose avant de refermer « temporairement » ce dossier : Ce qui m’a toujours le plus étonné des argentins c’est à la fois cette nonchalance, ce pacifisme, certaines méchantes langues iront jusqu’à dire cette passivité pendant des moments tourmentés et même dramatiques. Cette même situation aurait en France ou dans tout autre pays européen fait en 3 semaines des blessés, des morts, crées des incendies, des bavures et des émeutes. Ici rien de tout ça, demain jeudi, tout le monde va reprendre son travail comme si de rien n’était. Mais attention, je le connais «l’Argentin», il sirote tranquillement son mate, peut encaisser les coups jusqu’à un certain point mais lorsqu’il se met en colère, il devient non pas méchant mais expéditif. LA Cristina Kirchner est aujourd’hui sur un siège éjectable.

Tous les articles sur la crise dde l'agriculture :

Le 26 mars 2008 à 20h00 : - 
Les derniers jours du gouvernement Kirchner ?
Le 27 mars 2008 à 13h00 : - La crise argentine dans le campo.
Le 27 mars 2008 à 20h00 : -
Discours de Cristina Kirchner.
Le 28 mars 2008 à 16h00 : -
On attend la réponse des syndicats agricoles.
Le 28 mars 2008 à 23h00 : -
La situation se détériore à nouveau.
Le 29 mars 2008 à 09h00 : -
Après la réunion avec Alfredo Fernandez.
Le 29 mars 2008 à 20h00 : - Les syndicats agricoles durcissent le ton.
Le 30 mars 2008 à 15h00 : -
19ème jour de blocage, où en sommes nous ?

Le 31 mars 2008 à 20h00 : - Les agriculteurs désabusés.
Le 01 avril  2008 à 15h00  : -
Brouillard ce matin sur Buenos Aires.
Le 01 avril  2008 à 21h00  : - La crise de Cristina Kirchner.
Le 02 avril  2008 à 23h00  : -
Le campo donne 30 jours pour régler la crise.
 

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