La médiocratie
04 juin 2008 Mise à jour : mercredi 04 juin 2008.
La Mediocratie :
C’est bizarre, mais j’y pense de plus en plus ! En 1968, un simple mouvement d’étudiant a Nanterre a dégénéré en une « révolution » sociale de grande ampleur touchant tous les secteurs économiques de la France. Le pouvoir en place n’avait absolument pas senti venir le coup, parce qu’absolument déconnecté de la réalité.
Le système argentin :
40 ans plus tard, voilà qu’un simple conflit sur une histoire de rétention de taxe à l’exportation de soja abouti à une sorte de remise en question même du « système argentin ». Quand je parle du « système argentin » je parle de tout ce qui a de plus affligeant existant dans le monde politique et administratif de ce pays. Il serait facile de parler de la corruption (L’Argentine ne serait pas d’ailleurs en premier sur la liste, il y a bien d’autres pays qui la surpasse), mais plutôt d’un système où la médiocrité est de mise dans tous les secteurs.
Prenons par exemple le modèle français. On peut être de droite ou de gauche, des extrêmes ou du centre, tirer à boulet rouge sur le « politique » par esprit potache. Ça serait très, très facile, mais je vous demande simplement de prendre de la distance avec vos propres opinions politiques. Le politique français est une personne instruite. Souvent sortant de l’ENA ou tout simplement d’une grande école, comme pour le haut fonctionnaire. Certe, il peut se tromper, manœuvrer, s’enrichir illégalement, voir faire preuve de copinage, ou s’octroyer quelques commissions au passage, mais …. Il est bon ! Bon dans son domaine, si il a un titre universitaire en économie, il peut parler d’économie, si il vient du monde industriel ou économique, il ne dira pas trop de connerie dans le domaine. Il pourra toujours mentir, pour exagérer, oublier, omettre mais au fond de lui, pour résumer rapidement il n’est pas « con ».
Ah ! Comme ça fait plaisir de savoir que la France a souvent été dirigée par des « pas cons ». De Gaulle, Pompidou, Giscard D’Estaing, Mitterrand, Chirac, se sont quand même tous des gars qui ont écrit des bouquins, philosopher, mémoriser, raconter, ou étaient totalement passionnés par l’histoire de tribus indiennes tainos pour certains ou par l’Egypte pharaonique pour d’autres. Ils nous ont tous montré qu’ils étaient capables de parler de peinture, architecture, musique, philosophie, lettres, etc…
En Argentine, croyez vous que Menem ait pu une fois sortir un bouquin, d’ailleurs sait il lire ? Pensez vous que Cristina Kirchner soit capable de parler peinture, que Duhalde sache ou se trouve l’Egypte ? Que D’Elia puisse savoir que l’homme de Cro-magnon vient de France et ne sort pas forcément d’une discothèque de Once ? C’est le niveau ZERO culturel qui prime dans tout ce bouillon de culture microbien politique.
Mais alors pourquoi ?
Ben oui, pourquoi ? Ben merde alors ! Les argentins, c’est quand même autre chose que ça ! Il y en a eu des Borges, Sabato, des chercheurs, des prix Nobel argentins ! Mais ou sont ils les intellos ? Ceux qui cogitent du cerveau, les littéraires, les « philos » et autre « psychos » qui hantent tous les bars littéraires de Bsas, les penseurs, les conteurs, en un mot, les érudits ! Ou se cachent ils ?
Je lis le Clarin et la Nación tous les jours, il y en a des tonnes d’articles vrais, bien pensés, bien ficelés, des qui font bien penser dès le matin en avalant son café au lait et qui donnent de la réflexion pour le reste de la journée. Les journalistes sont aussi des « pas cons ».
Mais voila, ici nous sommes en Argentine, le brave gars qui est arrivé ici le premier un beau jour au XIXème dans une pampa bien humide avec son cheval et ses premières graines dans la main, en a fait pousser du blé dans son porte feuille. Son fils a repris l’estancia qu’il a remise à son propre fils…. Bref, un monde bucolique et riche, le père Sarmiento à la fin du XIXème siècle s’est pris pour Jules Ferry et Jaurès réunis, et nous a ouvert une tripoté d’école, fac, collège à surpasser la France de l’époque.
Tout est bien jusqu’à ces années 30 où tout bascule, un militaire en remplace un autre qui est à la fois déboulonné par un autre, et ainsi de suite jusqu’à la période Alfonsin. Nous voila en 1983, une bonne cinquantaine d’années sans opposition, sans hommes politiques formés, sans idées politiques, je dirai même plus sans aucun esprit civique ! C’est que 50 ans sans avoir du penser, ça marque ! Ça démolit plusieurs générations ! Et nous voilà donc au milieu des années 80 avec une brochette d’hommes sortant pratiquement tous de « bonnes familles » mais sans l’ombre d’une éducation à la hauteur de leur tache, à vouloir faire le « politique » comme on joue « au docteur ou à la marchande de fruits ». Comme depuis 50 ans, on ne « pouvait plus faire de politique », dans les bonnes familles bourgeoises on faisait du commerce, des affaires, de l’industrie et des banques.
Alors c’est sur…. Le plus intelligent des fils de la famille reprendra l’affaire de papa, il est bien formé puisqu’on l’avait envoyé aux Etats Unis ou en Europe faire des études sérieuses, quand au fils le plus con de la famille, on lui achètera un diplôme de « ce que tu veux » dans une fac privé, et il fera de la politique. Pour ce qui est de la fille, on lui trouvera un bon parti.
Nous voilà donc en politique avec une tripoté de « rejetons » de familles riches d’un niveau « second couteau », un titre d’avocat en poche payé comme il se doit (Menem, Cristina Kirchner, etc…) propulsés en haut de l’affiche pour servir soit les intérêts de la famille, soit s’enrichir le plus vite possible, car ils savent tous qui ne vont pas tenir longtemps, puisqu’ils sont mauvais ! (Et Ils le savent !)….. Regardez la tête et surtout le niveau intellectuel du fils du couple Kirchner (Maximo Carlos Kirchner) qui fait pourtant déjà de la politique avec son groupuscule CAMPORA (un P en trop, peut être)….. Affligeant !
Tout ça pourquoi ?
Pourquoi vous raconter tout ça ? Pour vous expliquer que nous assistons en ce moment à un « Réveil argentin », bien plus profond que cette unique lutte pour ou contre les retentions. Une sorte de nouvelle vague, une nouvelle génération d’intellos voit le jour (journalistes, petits jeunes en politique sortant de l’ombre, etc…). Ceux qui sortent de la classe moyenne qui ont tout de même pu se permettre de faire des études et qui se mettent (enfin) à penser, mais qui s’aperçoivent qu’ils peuvent pour la première fois depuis soixante dix ans dire, s’exprimer et prendre parti ! Autrefois l’intello fermait sa gueule, aujourd’hui il parle ouvertement, voilà la nouveauté !
C’est vraiment sous jacent, je dis sous jacent, car en ce moment qui forme le blocage ? Qui exprime son mécontentement ? …le travailleur (dans le sens le plus strict du mot, sans aucune allusion politique), je parle de celui qui bosse 12 heures sur son tracteur, et qui dit pour la première fois « Basta, à ceux qui ne savent rien et qui veulent tout diriger ! », je parle aussi depuis aujourd’hui des camionneurs qui bossent aussi nuit et jour dans leur bahut et qui ont rejoint le mouvement des ruralistas.
C’est incroyable mais c’est ainsi, une sorte de « révolution intellectuelle civique » qui débute par le « travailleur ». Tout ça sonne le glas de la fin d’une époque, la fin d’un péronisme moribond, la fin d’une génération de médiocres. Et si l’Argentine avait enfin atteint l’age adulte ?
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Photo : Avant les elections présidentielles d'octobre 2007.