Mise à jour : 20 septembre 2011. Article écrit par Thomas Lemoine.

El Barrio Inta :

A la limite de Buenos Aires, près du périphérique, mais toujours dans le quartier de Villa Lugano, un bidonville s’urbanise avec l’espoir de devenir un jour un vrai quartier. Le gouvernement de la ville de Buenos Aires avec à sa tête son président Mauricio Macri en fait son cheval de bataille, pour montrer que villa miseria ne rime pas toujours avec fatalité. Voilà des années qu’on en parle, que des programmes sont mis en place à grand renfort de publicité pour ne pas dire de propagande, mais qu’en est il réellement ?

Photo : Entre villa et Barrio, la 19 renaît.

Comment est né le Barrio Inta ?

 Le barrio INTA (du nom de l’usine éponyme), c’est un nom qui évoque ici l’insécurité, la violence et la pauvreté. Avant de me rendre dans ce quartier j’ai eu l’occasion d’en discuter avec des étrangers aussi bien que des porteños qui m’ont très fortement déconseillé de m’y rendre. Mais qu’est-ce que ce fameux Barrio INTA ? A l’origine, l’endroit se nommait la « Villa 19 » et se résumait en fait à un amoncèlement précaire de type bidonville ver la fin des années 60. Les premiers habitants étaient des familles d’émigrants venues des provinces aux alentours. En 1975, il n’y avait pas moins de 500 taudis pour à peu près 1800 personnes .Toutefois en 1977, le « Plan de Erradicacion de villas » du temps de la dictature a résulté par la suppression de nombre de logements de façon drastique. Seules 20 familles ont résisté à ce plan et l’endroit s’est repeuplé au début des années 80 … Aujourd’hui, on peut à près estimer la population 3800 personnes sur 915 logements. Ce qui est franchement troublant dans ce quartier, c’est la proportion énorme de jeunes (voir très jeunes) qui peuplent les rues. Les statistiques montrent que près d’un quart de la population a moins de 13 ans. On a donc l’impression de passer dans un quartier qui appartient aux jeunes. Les premières impressions sont donc assez dérangeantes pour un européen peu habitué à fréquenter ces lieux.

Photo : Une des rues maintenant goudronnée de la villa.

 

Photo : La villa 19 est maintenant découpée en 9 patés (Manzana), numérotées de Manzana 1 à 7B.Des rues ont été tracées entre les manzanas et portent aujourd'hui des noms. Cliquez sur la photo pour agrandir.

Transformer une villa en barrio :

Passer par là un jour morne de pluie n’est pas tout à fait une sinécure … Mais alors pourquoi ce quartier est à l’actualité aujourd’hui ? Non ce n’est pas des faits de violences entre bandes ou d un énième meurtre… Il est vrai que le quotidien de habitants n’est pas toujours tout rose mais plutôt rouge sang et de nouveaux faits divers sinistres fleurissent tous les mois …Mais apparemment pour les jeunes du Barrio, les portes d’un ciel azur pourrait s’ouvrir aussi facilement que leurs tournevis ouvrent celles des voitures. En tout cas c’est ce que leur promet depuis quelques années le Gouvernement de la ville …

Aujourd’hui, certaines promesses commencent à se réaliser doucement mais sûrement. Les rues commencent à être goudronnées et portent (enfin) un nom, un centre de santé le CESAC 29, une cantine pour la communauté, une crèche et un centre culturel … Le gouvernement de Buenos Aires (par l’intermédiaire de la « Corporacion del Sur ») a investi plus de 4 millions dans l’urbanisation de l’ex-villa afin d’en faire un quartier à part entière de la ville. Macri (Année électorale oblige) a engagé un processus afin que les habitants de la Villa 19 (aujourd’hui Barrio INTA) puissent officialiser leurs habitations en passant signer un acte devant un notaire pour être légalement propriétaires. La nomination des rues est l’amélioration la plus appréciée des habitants car cela permet d’avoir une adresse officielle et donc la réception du courrier, l’inscription administrative des enfants dans les établissements scolaires et facilite la recherche d’un emploi .Toutefois certaines problèmes restent latents : en effet le dispensaire médical manque de médecins, l’eau courante et l’électricité ne sont pas installé partout … Mais bon des progrès sont prévus donc tout devrait bien fonctionner d’ici quelques années et le barrio INTA devrait faire bientôt partie intégrante de la ville …

Photo : le nouveau centre médical CESAC 29 de la villa.

Un travail long et lent :  

Mes sources proviennent d’un article de la Nacion qui date maintenant de plusieurs années et la situation devrait être maintenant largement améliorée aux vues des investissements dans le projet. Pourtant, il est facile d’observer aujourd’hui que les progrès ne sont plus si flagrants … On peut d’ailleurs voir sur le site officiel de Mauricio Macri (Président de la ville de Buenos Aires), celle-ci vissant avec fierté l’une des premières plaques d’identification (numéros de rue, en fait). Un seul petit souci à cet accomplissement héroïque de Mr Macri … son article date du 2 août 2011 alors que ces progrès étaient annoncés il y a plusieurs années … Je vais vous faire un aveu , je comptais tomber dans la facilité et vous dire qu’effectivement le quartier est encore pauvre mais que des progrès sont réalisés et que très bientôt la barrio sera un endroit agréable à vivre pour ses habitants , un quartier à part entier de Buenos Aires … Mais si l’on cherche un peu plus loin que les promesses publiques et les articles de presse optimistes , on se rend rapidement compte que les progrès escomptés ne sont pas tout à fait au rendez-vous …  En effet un article de Clarin de mi-août continue de clamer les bienfaits de la cantine communautaire en la présentant comme une espace convivial et sympathique et, effectivement il ne faut pas non plus tout dramatiser car les progrès sont bels et biens réels . Ce qui m’a choqué c’est la façon dont certaines améliorations sont énoncées de manière affirmative alors que ne sont en fait que des promesses réalisées plusieurs années plus tard…

Photo : une nouvelle rue percée dans la villa 19.

 

Photos : Creche et maternelle "Ositos cariñosos" du barrio Inta.

De l’importance d’un numéro de rue …

J’ai été assez critique sur les efforts du gouvernement pour sortir le quartier de sa condition de « villa » mais certaines améliorations ont mine de rien une importance symbolique. En effet, c’est une question de dignité pour les habitants de pouvoir enfin dire une véritable adresse. Aussi bien sur un plan moral qu’officiel, le fait d’avoir un nom et un numéro de rue est un grand soulagement pour eux. Teodoro Ramirez , un habitant du quartier, ancien immigrant de Misiones  nous dit que maintenant « se gana dignidad » de vivre dans le quartier.  Il termine en nous donnant une pointe d’espoir et il est vrai que même « s’il y a tout type de personnes dans ce quartier, la plupart sont des travailleurs honnêtes ». Et que le véritable changement viendra sûrement des habitants et de leur habilité à profiter de la chance qui leur est offerte dans les prochaines années …

Photo : le nouveau pôle éducatif du quartier Inta.

Les conseils du Petit Hergé :

En fait le nouveau barrio d’INTA est un laboratoire à ciel ouvert. La ville de Buenos Aires s’attaque à une villa encore assez petite, avant de vouloir peut être étendre le projet à d’autres villas difficilement contrôlables aujourd’hui comme le Bajo Flores ou la villa 31 de Retiro. Ne pas démolir mais adapter, tracer des rues quand s’est possible, parceller et donner un acte de propriété aux habitants. Raccorder eau, gaz, électricité et égout. Peut être attendre 5 ou 10 ans pour voir les résultats et ensuite passer a une autre échelle, si les fonds sont encore là. Faire la part entre propagande politicienne et réalité dans les faits et profond engagement pour vouloir une fois pour toute éradiquer l’habitat insalubre et les conséquences entre insécurité, drogue et violence. Peut on y arriver ? Je suis optimiste de nature, donc pourquoi pas ! A suivre …

Vous pouvez vous y rendre si vous le désirez, jamais seul, seulement de jour, sans aucune valeurs et bien entendu sans appareil photo, vous n’allez pas faire des clichés d’un style « oh les pauvres ! ». Ce n’est ni un safari, ni du voyeurisme, ni de l’aventure. Allez y parce que vous sentez que le sujet vous intéresse. Pas de paternalisme, ici la grande majorité des habitants travaillent.

Photo : Intérieur du centre médical de la villa 19.

Fiche pratique :

Pour en savoir plus, 3 articles de 2009 à 2011 :

Article La Nacion 30 novembre 2009 : http://www.lanacion.com.ar/1205875-la-villa-19-se-convierte-en-un-barrio

Article La Razon 19 août 2011 : http://www.larazon.com.ar/ciudad/primeros-propietarios-urbanizacion-barrio-INTA_0_269400019.html

Article dans le Clarin du 14 août 2011 : http://www.clarin.com/ciudades/villa-barrio-primeros-vecinos-duenos_0_535746560.html

A lire aussi dans le Petit Hergé :

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