Mise à jour : 22 septembre 2012. Article écrit par Suzanne Raucy.

nullMercedes Sosa et le folklore argentin :

Mercedes Sosa fût une des plus grandes voix du folklore argentin et de la musique populaire latino-américaine, une voix profonde, chaleureuse et mélancolique. La Negra, c’est ainsi qu’on l’appelait : à cause de sa chevelure de jais, de ses origines indiennes.

Elle se définissait elle-même comme étant une « cantora » plutôt qu’une « cantante », selon  une distinction fondamentale de la « nueva canción latinoamericana », brouillée par la traduction française unique de « chanteuse » : “cantante es el que puede y cantor el que debe”, disait-elle. Sa vie durant, elle a prêté sa voix aux causes qui lui semblèrent justes, à commencer par l’idéal de revalorisation et de rénovation du folklore argentin et des musiques populaires sud-américaines, impulsé par le « Movimiento del Nuevo Cancionero », courant majeur dont elle a été à l’initiatrice avec, entre autres, son ami, le compositeur et parolier Armando Tejada Gómez et son premier mari, le musicien Oscar Matus. Mercedes Sosa fût le symbole d'un mouvement de renouveau de la musique folklorique, socialement engagé, aux côtés notamment d'Atahualpa Yupanqui.

nullSon style :

Si elle interpréta des rythmes rapides comme la chacarera ou la cueca norteña, c’est la zamba, voire la cueca de Mendoza, qu’elle affectionna tout particulièrement. Profondément mélancolique et romantique, c’est avec elle qu’elle emporta son public. Formidable interprète, sachant toucher avec la grâce des émotions, elle choisît toujours avec beaucoup de soin son répertoire où elle privilégie la beauté des compositions et des textes. Rapidement, elle s’inscrit dans l’univers plus vaste de la chanson contestataire sud-américaine et reprend les textes de chanteurs engagés, comme la Chilienne Violetta Parra, et prête sa voix à des paroliers et poètes de langue espagnole, comme le Chilien Pablo Neruda, la Péruvienne Alicia Maguiña, le Cubain Bola de Nieve ou encore le Brésilien Milton Nascimento. Chanteuse populaire par excellence, elle transcende les styles et les frontières par la beauté de sa voix, d’autant plus que le folklore sur lequel elle s’appuie s’inscrit dans une zone d’influence sud-américaine.

Mercedes Sosa ne « chantait pas pour chanter », selon le titre d’un de ses premiers albums, mais pour mettre sa voix au service des « sans-voix » : pour Victor Heredia, son ami et compositeur de plusieurs de ces chansons, elle était « la voix de ceux qui n'avaient pas de voix à l'époque de la dictature argentine. » Poussée à l’exil par les persécutions politiques, dont elle faisait l’objet en tant que sympathisante communiste, elle continuera à chanter l’espoir et la résistance, jusqu’à devenir une idole populaire, « la Voz de Americà », interprète des joies et des peines des peuples de l'Amérique latine.

Vidéo : Un des grands clsssiques de Mercedes Sosa : "Gracias a la vida".(1971) paroles et musique de Violeta Parra. 

nullTucumán : l’enfance et l’adolescence.

Mercedes Sosa naquit le 9 juillet 1935 dans la ville de San Miguel de Tucumán. Cette date symbolique, jour de la fête nationale célébrant l’Indépendance de l’Argentine, semble être aux yeux des Argentins la preuve rétrospective de sa destinée : le hasard a bien fait les choses pour celle qui deviendrait  la « Voz de Americà », ambassadrice mondiale de la musique folklorique et populaire, argentine comme sud-américaine, celle qu’on appellerait « la Negra » ayant chanté sa vie durant la liberté et la démocratie.

Elle vint au monde une quinzaine de jours après la mort accidentelle de Carlos Gardel, et nombreux sont ceux qui y voient une transmission de flambeau entre deux des plus grands chanteurs que l’Argentine ait produit : au Morocho succéda la Negra.

Inscrite au registre civil sous le nom de Haydée Mercedes Sosa, ses parents et ses proches l’appelèrent toujours du nom qui lui avait été donné à l’origine, Marta.

Mercedes Sosa grandit dans un foyer humble et heureux. Son père, descendant d’indiens diaguitas, était ouvrier dans l’industrie sucrière, travaillant pour l’entreprise Guzmán. Sa mère quant à elle travaillait comme lavandière, lavant et repassant le linge de familles mieux loties. La famille Sosa, très pauvre, comptait cinq enfants : trois fils, Cocha, Orlando Ernesto dit Chichi et ----, et deux filles, Mercedes et Chocha, sa sœur, morte en 1957 à l’âge de 29 ans.

De son enfance lui vient le goût des arts folkloriques : jeune fille, elle était professeure de danse folklorique, et elle raconte dans ses mémoires qu’elle chantait sans cesse. La famille ne pouvant se permettre d’avoir une radio, elle mémorisait les paroles en écoutant celles des voisins.

En octobre 1950, alors qu’elle avait 15 ans, la directrice de son école lui demanda de remplacer la professeure de chant, absente, et de chanter l’hymne national, et elle raconte sa gêne face au public, cette timidité qu’elle a conservé toute sa carrière. Plus tard, elle se rendit avec des amis à la radio LV12 de Tucumàn pour participer à un concours de chant, qu’elle remporta sous le pseudonyme de Gladys Osorio, en chantant « Triste estoy » de Margarita Palacios. Le premier prix était un contrat de deux mois de diffusion dans l’émission en question. Ses débuts se firent ainsi à l’insu de ses parents, qui finirent par l’apprendre et l’accepter. À cette époque, ses références musicales étaient notamment Margarita Palacios et Antonio Tormo, chanteur folklorique du début des années 1950.

Dès lors, la jeune tucumane se consacra au chant, elle qui disait n’avoir jamais eu de vocation, avoir été poussée à devenir artiste par son futur mari, Manuel Oscar Matus.

Ses premières performances scéniques se répartissaient entre des événements politiques partisans, ses parents étaient des péronistes convaincus, les représentations du cirque des Frères Medina, et les émissions de radio, où elle chantait des boleros dans le groupe des Frères Herrera, dirigé par Tito Cava.

nullMendoza : El Movimiento del Nuevo Cancionero et le « boom du folklore »:

En 1957, elle s’installa à Mendoza à la suite de son mariage avec le musicien et compositeur Oscar Matus, où ils eurent un fils, Fabian Matus. Le couple y rencontra Armando Tejada Gómez, poète et parolier, qui devint leur ami et qui eut un rôle fondamental dans la carrière de Mercedes.

Avec Tucumán et plus tard Buenos Aires, Mendoza reste un lieu essentiel pour Mercedes Sosa : à ses propres yeux, c’est dans cette ville qu’elle « devint  femme », et se forma en tant qu’artiste. Dans ses dernières volontés, la chanteuse souhaita que ses cendres soient dispersées dans ces trois lieux. Mais elle conserva également une grande affection pour la ville de Montevideo, où elle donna au début des années 1960 une série de concerts pour la Radio El Espectador et Canal 12, et où elle eut pour la première fois le sentiment d’être considérée comme une artiste.

Mercedes Sosa commença à chanter professionnellement à une époque où le tango de Buenos Aires, qui était la musique populaire par excellence, était peu à peu concurrencé par les musiques folkloriques originaires des provinces. Ce phénomène culturel est connu comme le « boom du folklore », qui fût une des conséquences de l’industrialisation du pays,  provoquant des flux de migrations internes à l’Argentine, des campagnes vers les villes, créant ainsi un contexte ethnique et culturel nouveau.

En 1962, Mercedes Sosa sortit son premier album, La Voz de la Zafra (la zafra est la matière brute issue de la canne à sucre, principale production de Tucuman), produit par le label RCA grâce au soutien du musicien et compositeur Ben Molar. Cet album, réédité plus tard sous le nom de Canta Mercedes Sosa, comptait entre autres huit chansons composées par Matus et Gomez : Los hombres del río, La zafrera, El río y tú, Tropero padre, Nocturna, Zamba de los humildes, Zamba de la distancia et Selva sola. C’est dire l’importance du trio artistique Gomez-Matus-Sosa, respectivement à l’origine des textes, de la musique et de la voix.

Le 11 février 1963, ce trio, entouré d’autres artistes tels que Eduardo Aragón, Tito Francia et Juan Carlos Sedero, entre autres, lança le « Movimiento del Nuevo Cancionero » depuis le Cercle des Journalistes de Mendoza (internationalement connu ensuite comme le « Movimiento de la Nueva Canción »). Le Manifeste du Mouvement plaidait pour la valorisation et l’intégration de la musique populaire au sein des diverses expressions régionales du pays. Comme courant de rénovation du folklore, le Mouvement proposait de mettre de côté les modes passagères et commerciales, pour mettre l’accent sur la vie quotidienne de l’homme argentin, sur ses joies et ses peines, et pour créer un « recueil » musical d’abord national, puis sud américain, nourri en permanence des innovations, sans frontières entre les genres populaires.

Mercedes Sosa a mené sa vie d’artiste selon les principes de ce Mouvement, rendant toujours plus obsolètes les préjugés artistiques, culturels et idéologiques. De ces principes proviennent également la rigoureuse sélection qu’elle a toujours appliquée aux textes qu’on lui proposait de chanter, le lien essentiel avec les milieux populaires, l‘ouverture permanente aux jeunes auteurs et aux nouvelles formes musicales, la possibilité de dialogue entre le rock national, le tango et la pop.

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nullBuenos Aires, le Festival de Cosquín de 1965 : les débuts de la reconnaissance artistique et populaire en Argentine.

Son mari la quitta, la laissant seule avec son fils. Cet abandon la marqua considérablement. Elle s’installa à Buenos Aires au cours de l’année 1965, ville qu’elle aima et fit sienne.

Les principes esthétiques et culturels du Movimiento del Nuevo Cancionero, déjà esquissés dans le premier album de Mercedes Sosa, semblent résumés dans le titre du second, qui sortit en 1965, Canciones con fundamento, produit par le label indépendant El Grillo. Si ses deux premiers albums étaient passés inaperçus au niveau national, Mercedes Sosa s’était déjà bâtit une réputation régionale lorsqu’elle connût la consécration populaire en participant, de façon tout à fait inattendue, au Festival de Cosquín en janvier 1965. Cet événement, se déroulant dans une petite ville située dans la province de Córdoba, était devenu l’épicentre du « boom du folklore ». Après quelques mots de présentation, le célèbre chanteur Jorge Cafrune la fit monter sur scène, malgré le refus des dirigeants du festival : Mercedes Sosa était alors une sympathisante communiste, ce qui n’était pas de bon ton pour les organisateurs de l’événement, clairement de droite. Elle chanta Canción del derrumbe indio de Fernando Figueredo Iramain, accompagnée seulement de son bombo, le tambour emblématique du folklore argentin. Cette chanson parle de la conquête espagnole, et qu’elle l’ait choisie avec ingénuité ou non, elle eût un grand succès auprès du public. Cette réussite déboucha immédiatement sur un contrat avec le label Philipps (qui devint PolyGram puis Universal), auquel elle fût fidèle toute sa carrière. Elle sortit un nouvel album en 1967, au titre significatif de « Yo no canto por cantar », avec des chansons devenues célèbres telles que «Zamba para no morir » de Hamlet Lima Quintana, «Zamba azul» de Armando Tejada Gómez et Tito Francia, ou encore «Tristeza» des frères Núñez. (Elle fit connaître ainsi les compositeurs tucumans Pato Gentilini, el Chivo Valladares et Pepe Núñez.)

En 1969, avec l’enregistrement et la diffusion mondiale de « Cancion con todos » d’Armando Tejada Gomez et César Isella, qui fût adopté virtuellement comme l’Hymne non officiel d’Amérique Latine, elle donna ainsi une dimension sud-américaine, sinon internationale, au Mouvement. En 1969, 1970 et 1971, elle sortit trois disques, produits de la collaboration avec la compositeur Ariel Ramírez et le parolier Félix Luna : Mujeres argentinas (avec la zamba « Alfonsina y el mar »), Navidad con Mercedes Sosa et Cantata sudamericana.

nullLa dimension sud-américaine de son succès

 Si Mercedes Sosa commença sa carrière comme chanteuse de folklore argentin, sa renommée s’entendit rapidement à toute l’Amérique latine. Au printemps 1969, elle donna son premier récital au Chili. En 1971, après la formation du gouvernement de Salvador Allende au Chili, elle enregistra un de ses albums les plus remarqués, Homenaje a Violeta Parra, reprenant des textes de la chanteuse chilienne tels que « Gracias a la vida » ou « Volver a los 17 ». Ce fût un succès dans toute l’Amérique latine. La fille de Violeta Parra, Isabel Parra, elle-même chanteuse, témoignait de la cohérence de cet hommage rendu à une femme et chanteuse engagée par une autre qui le fût tout autant, toutes deux au service des arts populaires et du folklore, d’un même chant engagé et révolutionnaire. En 1973, lors du coup d’État d’Augusto Pinochet, Mercedes Sosa jura de ne plus chanter au Chili tant que ce régime serait en place. Cette même année sortit son album « Traigo un pueblo en mi voz », au titre significatif, avec des chansons comme  «Cuando tenga la tierra» (de Daniel Toro et Ariel Petrocelli), «Triunfo agrario» (de César Isella et Armando Tejada Gómez), «Si un hijo quieren de mí» (de Ariel Ramírez et Juan L. Ortiz), et deux poèmes du Péruvien César Vallejo.

En 1975, elle donna son premier concert en Espagne, dans le Palacio de los Deportes de Barcelone, pour lequel le gouvernement avait interdit toute publicité et qui fit pourtant salle comble. Mercedes Sosa était alors déjà la « voix de l’Amérique latine », celle des peuples de langue espagnole, et au-delà, celle des peuples sans voix.

Vidéo : Autre grand classique : "Sólo le pide a Dios" Concert de 1984 au Luna Park de Buenos Aires avec León Gieco.

nullLa persécution politique : la dictature, la censure, l’emprisonnement et l’exil

 Parce que ses parents étaient péronistes, elle le fût également dans sa jeunesse, « sans le savoir » disait-elle, mais toute sa vie durant, elle appuya les causes politiques de gauche, et fût sympathisante communiste, affiliée au Parti pendant la décennie 1960. Pour elle, être communiste était « un sentiment », un engagement constant en tant qu’artiste, au travers de ses textes et par sa voix, bien plus qu’un militantisme direct aux côtés du Parti. À la suite du coup d’État militaire du 24 mars 1976, elle figura sur la liste noire du nouveau gouvernement : une dictature, toujours, mais illégitimement arrivée au pouvoir cette fois. De 1976 à 1983, quatre juntes militaires se succédèrent à la tête du «Proceso de Reorganización Nacional», de 1976 à 1980, ce fût avec le « presidente » Jorge Rafael Videla, assisté de Emilio Eduardo Massera et Orlando Ramón Agosti, que s’inaugura le régime.

Ses disques furent interdits, mais elle sortit en 1976 un album sous la récente dictature, « La mamancy », dont les thèmes incluaient notamment le «Poème n.º 15» de Pablo Neruda (tiré de Veinte poemas de amor y una canción desesperada) mis en musique par Víctor Jara, et « Drume negrita » du cubain Bola de Nieve. Malgré les disparitions, la censure, les amendes et la persécution permanente, Mercedes Sosa choisit de rester en Argentine. D’autres albums sortirent, furent censurés : Mercedes Sosa interpreta a Atahualpa Yupanqui (1977) (qui fût un célèbre chanteur et musicien de folklore), et Serenata para la tierra de uno (1979), ou encore un disque simple de deux chansons du brésilien Milton Nascimento. C’est de cette époque tourmentée que date son habitude d’introduire dans son répertoire des classiques brésiliens. Son second époux, Pocho Mazitelli, mourût en 1978.

Lors d’un concert donné à La Plata en 1978 (date précise), où elle fût fouillée et détenue sur la scène même, devant un public de 350 personnes assistant à son arrestation.

 

Lorsque l’hostilité du régime et les persécutions devinrent insupportables, Mercedes Sosa choisit de s’exiler en Europe. En théorie, la célèbre chanteuse pouvait entrer et sortir du pays, mais elle ne pouvait plus y chanter. Ce fût une double punition, pour elle et pour les Argentins.

Elle partit à Paris, en 1979, puis s’installa à Madrid, en 1980. En 1981, elle enregistra à Paris l’album A quién doy, sous la direction musicale et artistique de José Luis Castiñeira de Dios, qui influença considérablement le chant de Mercedes Sosa. Ce disque sortit en Argentine, mais avec des chansons différentes de l’original sorti en France, certaines n’ayant pas passé la censure.

L’exil fût une expérience douloureuse pour la chanteuse, comme en témoigne la profonde nostalgie de ses chansons, mais ce fût également l’occasion pour elle d’étendre sa renommée sur les scènes européennes notamment.

nullLe retour en Argentine :

Mercedes Sosa revint en Argentine en février 1982, pour donner une série de concerts, à partir du 18, au Teatro Ópera de Buenos Aires. La dictature vivait ses derniers mois avant le déclenchement de la Guerre des Malouines, dont la défaite obligerait la Junte Militaire à transmettre le pouvoir à un gouvernement civil. Ces concerts célèbres furent considérés comme un acte culturel contre le régime en place, et furent l’occasion pour la chanteuse de rénover une fois de plus la musique folklorique argentine, en y incluant des thèmes et des mélodies venus de courants musicaux différents, comme le tango, ou le rock national, et qui composaient son album  « Mercedes Sosa en Argentina »,  auquel avaient collaboré ses amis et artistes León Gieco, Charly García, Antonio Tarragó Ros, Rodolfo Mederos et Ariel Ramírez.

Mercedes Sosa retourna ensuite en Espagne, d’où elle repartit pour une tournée dans les principales villes du Brésil, avec son album « Gente humilde ». Elle revint définitivement en Argentine peu après le retour à la démocratie, le 10 décembre 1983 (les élections du 30 octobre ayant vu le triomphe du candidat de l’Union Civique Radicale, Raúl Alfonsín).

Elle soutint la lutte pour les droits de l’homme et le maintien de la démocratie, et au cours des années suivantes, se montra proche des présidents Raúl Alfonsín (1983-1989), Néstor Kirchner (2003-2007) et Cristina Fernández de Kirchner (2007) et marqua une distance avec Carlos Menem (1989-1999).

En 1983, elle sortit un album, « Como un pájaro libre », qui comprend des thèmes d’auteurs traditionnels et de la nouvelle génération.

Vidéo : "Como un pajaro libre" Film entier de Ricardo Wullicher de 1983.1 h 07 mn 11 s. Concert de 1983 mais aussi entretien dans lequel elle raconte son enfance, sa famille, Tucuman...

null« La Voz de Americà » : La consécration mondiale et la reconnaissance officielle :

 Dans les années 1990, Mercedes Sosa acquit le surnom de « Voz de Americà » et connût une véritable consécration mondiale.

Elle continua à donner de nombreux concerts au succès indéniable, en Argentine comme à l’étranger, dans de salles prestigieuses : le Lincoln Center, le Carnegie Hall (où l’ovation dura 15mn), le Mogador de Paris y el Concertegebouw d’Amsterdam, el Teatro Colón de Buenos Aires, le Coliseo de Roma, mais aussi en Allemagne, Suisse, République Dominicaine, Mexique etc. Elle se produisit au Chili en 1992 ; en décembre 1994 au Vatican, où elle fût la représentante des « voix de l’Amérique » lors du second concert de Noël, une initiative de Jean Paul II. En 1995, elle décida de chanter à Tucumàn, après la destitution du gouverneur de Antonio Domingo Bussi (comme elle l’avait fait pour Pinochet) qui fût plus tard condamné à la prison perpétuelle pour ses crimes contre l’humanité.

En 1997, elle fit partie de la Commission de la Carte de la Terre comme représentante de l’Amérique latine et des Caraïbes.

nullLe 28 janvier 1997, elle retourna au Festival de Cosquin, qui l’avait faite connaître, avec Charly Garcia, figure emblématique du rock argentin, ce qui fit naître la polémique du mélange des genres folklorique et populaire et du rock : la chanteuse annonça qu’elle ne reviendrait plus. Elle sortit un album avec ce même artiste, Alta fidelidad, entièrement dédié au rock. À la fin de l’année 1997, elle tomba gravement malade, frôlant la mort. Son album Al despertar, produit par Chango Farías Gómez, remporta le prix Gardel du disque de l’année, notamment pour la chanson «Indulto» de Alejandro Lerner, une critique des lois d’impunité.

Suivirent, entre autres, un récital en 1999 avec Luciano Pavarotti dans le stade des Boca Juniors de Buenos Aires, une polémique en 2003, à propos de son prétendu soutien à Mauricio Macri, candidat au poste de chef du gouvernement de la ville de Buenos Aires, résultant d’une manipulation politique, et de nombreux concerts en Amérique latine, un album en 2005, Corazón libre, produit par Deutsche Grammophon, intitulé selon une chanson de Rafael Amor, jeune auteur.

En 2007, elle fût l’invité d’honneur du « Festival de la Démocratie », se déroulant sur la Plaza de Mayo, fêtant l’anniversaire du retour à un régime libre, et aussi l’élection de Cristina Kirchner… En juin 2008, elle chanta à Tucumàn pour les présidents des pays membres du Mercosur.

Elle reçut au cours de sa carrière de nombreux prix, récompensant l’artiste folklorique, populaire, la femme engagée (UNIFEM, Ambassadrice de bonne volonté à l’UNESCO en 2008, prix Sarmiento en 2005), la chanteuse sud-américaine (prix Gardel, Grammys Latinos etc).

Son dernier album, double, sorti peu avant sa mort en 2009, rassemble des artistes latino-américains très différents, de Charly Garcia à Shakira, en passant par Luciano Pereyra et Daniela Mercury, aux styles très variés, avec pour dénominateur commun la voix exceptionnelle de Mercedes Sosa.

nullMort et funérailles :

Affaiblie depuis les années 1990 par de graves problèmes de santé, Mercedes Sosa fût hospitalisée le 18 septembre 2009 à la clinique de la Trinité, située dans le quartier de Palermo à Buenos Aires. Elle était atteinte alors depuis plus de trente ans de la maladie de Chagas-Mazza. Elle mourût le dimanche 4 octobre, à l’âge de 74 ans, le jour de la naissance de la chilienne Violeta Parra, qu’elle avait chantée avec tant de succès. Le jour même, la famille de la défunte publia sur sa page web un texte « a todos », destiné à remercier tous ceux qui l’avaient aimée et soutenue.

Son cercueil fût exposé dans le « Salon de los Pasos Perdidos » du Congreso Nacional, devant lequel défilèrent une multitude de personnes : des personnalités politiques avec à leur tête la présidente Cristina Fernández de Kirchner, des artistes, et une foule d’Argentins venus la saluer. Les présidents du Venezuela, Hugo Chávez, et du Brésil, Lula da Silva, la présidente du Chili, Michelle Bachelet, lui rendirent hommage.

Ses cendres furent dispersées en trois lieux, selon sa volonté : Buenos Aires, Mendoza et Tucumán, dans le canal Cacique Guaymallén, qui avait reçu déjà les cendres de Armando Tejada Gómez, ami de Mercedes et compagnon du Movimiento del Nuevo Cancionero.

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nullÀ sa mémoire :

Les initiatives publiques annoncées peu après sa mort reflètent l’admiration qu’elle a fait naître tout au long de sa carrière, pour sa voix et son engagement culturel et politique.

En 2011, a été inauguré le musée qui lui est dédié dans le barrio de San Telmo, géré par la Fondation Mercedes Sosa dont le directeur est son fils lui-même, Fabiàn Matus. Ce musée est aussi le Centre Culturel de Musique Populaire Latino-américaine, et partage un des plus anciens édifices du quartier avec le Musée Pénitencier Antonio Ballvé. Des statues ont été installées, dans sa ville natale à Tucuman, et dans la ville de La Plata. Des rues ont été renommées, « calle Mercedes Sosa », dans les villes de Mar de las Pampas (province de Buenos aires), Calafate (Province de Santa Cruz), Bariloche (Rio Negro). Dans la province d’Entre Rios, le 4 octobre est à présent le « Jour du chanteur populaire ».

 En décembre 2011, une exposition consacrée à l’artiste a été organisée à la Casa Nacional del Bicentenario, « Mercedes Sosa: un pueblo en mi voz ». Réalisée sur le fondement de cinq concerts importants dans la carrière de la chanteuse (Olympia de Paris, 1979 ; Teatro Ópera de Buenos Aires, 1982, Lincoln Center de New York en 1992 ; Santa Catalina de Jujuy, 2001 ; Colisée de Rome, 2002), l’exposition embrassait ainsi le temps de l’exil et du retour, son ouverture aux jeunes générations du folklore et au rock, sa consécration internationale, son amour du pays et son engagement politique permanent.

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