Quand un employé gagne plus que son patron
26 août 2010
Mise à jour : 26 août 2010. Article écrit par Nabil Naamane
Des employés qui gagnent plus que leurs patrons : Un nouveau phénomène touche de plus en plus d’entreprises argentines. Certains employés gagnent aujourd’hui mieux leur vie que leurs propres patrons. La raison d’une telle aberration est la suivante : des négociations syndicales ont permis à de nombreux employés – affiliés à un syndicat – d’obtenir d’importantes augmentations salariales. Les personnes non syndicalisées, quel que soit leur poste, n’ont quant à elles pas bénéficié de telles hausses de salaire. C’est ainsi que, ne faisant pas partie d’un syndicat, beaucoup de dirigeants sont aujourd’hui moins bien payés que leurs employés. |
Un phénomène appelé "chevauchement" : Le fait de voir un employé mieux payé qu’un dirigeant hiérarchiquement supérieur est communément appelé « chevauchement », plus précisément « chevauchement de salaires » ou « chevauchement salarial » par les experts en ressources humaines. Ces dernières années, les discussions entre partenaires sociaux ont souvent tourné à l’avantage des syndicats et ont ainsi entraîné une accentuation de ce phénomène. Par exemple, le syndicat SMATA (Syndicat de Mécaniciens) vient de conclure un accord avec un constructeur automobile permettant à tous les ouvriers et membres de ce syndicat travaillant dans la province de Buenos Aires de bénéficier d’une augmentation de 25% de leur salaire. En revanche, les fiches de paye de leurs collègues non syndicalisés n’ont pas connu le même sort : le quotidien Clarín rapporte que selon l’entreprise concernée, il n’y aurait eu qu’une augmentation salariale allant de 8 à 18% pour ces derniers. |
Plus de neuf entreprises sur dix connaissent ce phénomène : Le directeur adjoint du cabinet de conseil Mercer, Zoltan Rosenfeld, a annoncé au quotidien argentin que 93% des entreprises argentines ont des problèmes de chevauchement de salaires. Même si la dernière enquête menée par Mercer date de 2009, Rosenfeld a tout de même affirmé que le phénomène n’est pas prêt de s’estomper et qu’il aura même tendance à s’aggraver. Il évoque la forte augmentation d’accords entre partenaires sociaux en 2010 pour appuyer ses propos. Et d’ajouter : « Une augmentation salariale de 18% a été proposée aux employés non syndicalisés et finira peut-être par atteindre 20%. Mais quoi qu’il en soit, elle n’atteindra jamais les plus de 30% que certains syndicats ont obtenus ». Cristián Marzik, directeur du secteur appelé « Capital humain » chez Ernst & Young, le rejoint en affirmant qu’il pouvait y avoir jusqu’à 20 points de différence entre l’augmentation de salaire d’un employé affilié à un syndicat et un de ses camarades non syndicalisé : « alors que les salaires des premiers ont augmenté de 35%, les salaires des seconds n’ont pris que 15%. ». Si jusqu’à l’année dernière beaucoup d’entreprises tentaient d’augmenter les salaires de manière équitable, c’est-à-dire sans tenir compte de l’affiliation syndicale du salarié, l’année 2010 est bien différente car « on ne trouve aucun cas où les augmentations aient été équilibrées », soutient Marzik. Photo : Argentine, le pays où il vaut mieux etre routier qu'enseignant ou chercheur à l'Université. |
Infographie : Depuis les années 60, en Argentine, la courbe descendante du salaire et du pouvoir d'achat moyen de l'employé. La grande nouveauté depuis 2007, c'est la précipitation vers le bas des salaires de la classe moyenne superieure, et la réévaluation des salaires (jusqu'alors) les plus bas des employés syndiqués. Si les augmentations de salaires se font sur des bases de 20, 30 voir 40% de plus par an, comment calmer une inflation ? Entre 2006 et 2009, les salaires ont augmenté en moyenne de 88% ! Les prix suivent, et le pouvoir d'acaht reste le même, ou pire, diminue si votre secteur d'activité n'est pas bien syndiqué. Aujourd'hui l'enjeu n'est pas d'attribuer des augmentation de salaires comme le fait le gouvernement à l'envolée, mais de stabiliser les prix pour assainir l'économie. |
Une inégalité qui démotive : De nouveaux problèmes proviennent donc directement du chevauchement salarial étant donné que des inégalités se creusent en termes de rémunération. Par exemple, une entreprise de premier ordre a reconnu qu’un des problèmes les plus difficiles à régler aujourd’hui est de faire face à la démotivation et la mauvaise humeur de certains employés, bien sûr non syndicalisés. Ces derniers ont donc reçu cette année une hausse salariale plus faible que celle de leurs collègues syndicalisés. Dés lors, une fuite des meilleurs éléments menace certaines compagnies. En effet, l’entreprise citée précédemment rapporte qu’il devient très difficile de conserver ces derniers s’ils se sentent lésés: non seulement ils n’ont pas la même augmentation que leur collègues (ou même parfois que leur subordonnés), mais en plus ils finissent par gagner moins qu’eux à cause de cela. Par conséquent, certains dirigeants non syndicalisés commencent paradoxalement à se dire qu’il serait bon de faire partie d’un syndicat pour régler ce problème. C’est d’ores et déjà le cas chez certains constructeurs automobiles où des discussions entre le personnel administratif et le syndicat SMATA ont été entamées. Photo : "Pour rester à un même emploi, il faut qu'il réponde au moins à deux des trois obligations : "Reconnaissance", "Bon salaire" et "Motivation". |
Quand patron et employé ont le même syndicat : Faire parti d’un syndicat perd donc peu à peu son sens si les patrons eux-mêmes rejoignent le même syndicat que leurs employés. La motivation principale paraît aujourd’hui financière, le gouvernement devrait donc regarder de plus près ce phénomène de chevauchement salarial car des problèmes plus graves pourraient en découler. Une fuite des cerveaux semble notamment inévitable si ce phénomène persiste. Photo : La fuite des cerveaux ! |
Liens externes : - Les salaires augmentent de 88% en 3 ans.(Juillet 2009). En espagnol. |
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