Mise à jour : 30 mars 2014. Catégorie : Actualité et Société.

nullLes cartoneros de Buenos Aires :

 

Vous avez sûrement dû les voir la journée ou le soir dans les rues de Buenos Aires, poussant leurs « carritos » remplis de carton, papier, alu, plastique et autres éléments récoltés le long des rues de la capitale, je parle des « Cartoneros ». Depuis la crise de 2001-2002, on les a vu un jour venir du « Conurbano » (La banlieue) ou de certaines villas miseria de Buenos Aires pour envahir les rues une fois les magasins fermés pour récolter tout ce qui pouvait se vendre. Ils se sont au fil des années regroupés, découpés la ville, mis au point un ramassage par secteur ou par matière et puis se donner rendez vous chaque nuit au même point de ralliement pour vendre leur récolte en pleine nuit à des camions venus d’un autre temps (et souvent avec plusieurs millions de km aux compteurs). Ces camions leur rachètent leurs kilos de cartons et de papiers pour les revendre à nouveau à d’autres récupérateurs qui finalement participent au recyclage de toutes ces matières. Vers 2005-2007, le nombre de cartoneros a diminué mais voila que depuis quelques années, en raison du manque de travail, mais aussi du boom sur la valeur du carton, ce négoce redevient rentables, et les cartoneros sont a chaque fois plus nombreux, On estime aujourd’hui qu’à Buenos Aires, 8.000 cartoneros travaillent quotidiennement chaque soir.

 Vidéo : Los cartoneros de Buenos Aires. (2011) 13 mn 33 s.

nullDe quoi gagner pour pouvoir manger : 

 

“Hay muchos más cartoneros por la crisis, pero también porque subieron los precios” Il y a beaucoup plus de cartoneros en raison de la crise mais aussi parce que les prix (des matières) montent, assure Lionel Robles, un « recuperador urbano » de la coopérative El Pueblito, comme on dit officiellement quand on est gêné d’employer le mot de cartonero. « Le travail, il y en a moins, et en plus, nombreux sont ceux qui travaillent encore comme maçon ou dans le bâtiment, ou font quelques « changas » (des petits boulots), mais laissent tout pour « cartonear » (ramasser des cartons), car sortir pour récolter dans la rue même pour la première fois va quand même gagner suffisamment pour se payer à manger"

nullAugmentation du prix du papier :

 

Le prix du papier pousse le phénomène. En seulement 3 mois (décembre 2013-février 2014), le papier a pris + 50 %. Et depuis juin 2013 : + 250 % !!! Aujourd’hui les cartoneros peuvent vendre un kilo de papier ou de carton à 2,50 ARS si il est déjà trié, en lot et attaché, ou à 1,70 ARS si il n’est pas trié. En décembre 2013, le kilo n’étais qu’á 1,60 ARS et 1,10 ARS, et en juin 2013 à 1,10 ARS et 0,50 ARS. Quant au kg de plastique il est aujourd’hui à 1,20 ARS si il est sale et à 2 ARS si il est lavé, soit aussi une augmentation de 40 à 50 % en 3 mois.

La valeur des matériaux est fixée en fonction de l’offre et de la demande

 

“Il y a plus de cartoneros », soutient Agustin Casal, directeur général de « Reciclado del Ministerio de Espacio Público de la Ciudad ». En raison de la crise que traverse l’Argentine, la consommation a baissé et il y a moins de papiers et de cartons parmi les matériaux recyclables, donc le prix au marché s’élève ! En même temps, en raison de l’inflation, les cartoneros viennent plus dans Buenos Aires intra muros et travaillent plus pour gagner plus pour obtenir de quoi vivre. Il y a donc de nouveaux cartoneros et ceux qui venaient déjà viennent maintenant avec leurs familles pour leur donner un coup de main »

La majorité des cartoneros viennent de la petite couronne de la banlieue. Certains restent sur Buenos Aires pendant la semaine, ils campent a même dans la rue ou sous les autoroutes et rentrent chez eux les samedis et dimanches. Il y aussi des cartoneros qui vivent dans les villas miserias de Buenos Aires même et qui rentrent donc chez eux tous les soirs.

« Tous les étés, les prix du papier et du carton baissent, et pour cela on voit bien moins de cartoneros, mais quand les prix montent, on peut voir deux a trois fois plus de cartoneros » explique Rafael Nejamkis, de la « Cooperativa El Amanecer de los Cartoneros del Movimiento de Trabajadores Excluidos (MTE »). On explique aussi l’augmentation du prix du papier à recycler par l’ouverture d’une nouvelle « papelera » (Usine à papier) qui a commencé a demander des vieux papiers, et parce qu’il y a des blocages par le gouvernement de toute importation de papier. Les « Papeleras » doivent donc produire suffisamment pour l’ensemble du marché national et cela passe donc par une demande accrue pour le recyclage.

 

Quand un Cartonero gagne 50 % de plus qu’un instituteur :

 

La totalité des cartoneros qui sillonnent la 

ville récupèrent en moyenne 5.000 tonnes par mois. Dernier chiffres, février 2014 : 4.698 tonnes. Le chiffre est exact puisqu’on connait les tonnes que les « papeleras » leur ont achetées. On estime qu’un cartoneros qui débute touche 50 ARS par jour. Les plus anciens dans le domaine savent qu’il vaut mieux se mettre directement d’accord avec une fabrique, un commerce ou une entreprise au lieu de faire les poubelles, pour récupérer directement plus de quantités et surtout des cartons et des papiers propres. Ceux là peuvent gagner 1500 ARS par semaine (soit 6.000 ARS au mois).

Quand on sait qu’un instituteur débute dans la province de Buenos Aires avec un salaire de 4.544 ARS par mois (après l’augmentation de salaire qui vient d’être accepté avant-hier (28/03/04) par le gouvernement de la province de Buenos Aires), on se demande pourquoi son ambition ne se serait pas de devenir cartonero !

Site web sur des temoignages de Cartoneros : Cartoneros. Imágenes y testimonios - Taringa!

Lexique lunfardo :

 

Lunfardo : masc. Argot ou langue parlée non académique à Buenos Aires. Langue de la rue, qui sans être pour autant vulgaire est aujourd’hui employée à différents niveaux souvent par toutes les classes sociales de la ville.

Cartonero : masc (fem : cartonera) Personne qui ramasse du carton, papier et tous autres éléments recyclables dans la rue pour le revendre et en tirer un moyen de subsistance.

Cartonear : verbe. Action de ramasser des objets recyclables.

Carrito : masc. Dépôt à roulette recueillant les objets trouvés par le cartonero qui s’est agrandit au fil des années. Dans les années 2000, souvent un simple « caddy », aujourd’hui souvent une charrette à bras, à vélo, et même à cheval dans les banlieues de Buenos Aires.

Conurbano : masc. Terme désignant la banlieue d’une grande ville. On parlera donc du Conurbano de Buenos Aires, de Rosario ou de Cordoba.

Changa : fem (souvent employé au pluriel : changas) Petit travail circonstanciel qui permet de ramasser un peu d’argent.

Changar : verbe. Travailler de petits boulots. On peut dire aussi « Hacer changas ».

Villa Miseria : fem. Bidonville, zone marginale à l’urbanisme incontrôlé. Voir aussi : Villas Miserias.

Villero : masc. (fem : Villera) Habitant de la villa miseria. Aussi adjectif. Par ex : Musique villera. 

 

Vidéo : "Cartonero" du groupe Attaque 77. (2007) 3 mn 41 s.

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