Mise à jour : 25 septembre 2013. Article écrit par Fanny Dumond

nullIntroduction :

Une fois n’est pas coutume, je laisse ma plume à une autre “émigrée » comme moi installée à Buenos Aires depuis 5 ans. Je parle de Fanny Dumond, qui a su très bien sentir les argentins et qui a la capacité de savoir les analyser et donc de se fondre dans l’ambiance porteña.

Fanny a aussi un blog qu’elle complète de ses humeurs depuis septembre 2008. Son blog : http://destinobuenosaires.blogspot.com.ar/

Fanny appelle l’Argentinattitude, l’état d’esprit appliqué à la vie quotidienne qui finalement convient totalement à la vie porteña. Il faut d’ailleurs l’acquérir pour s’y sentir à l’aise.

Je lui laisse la parole ...

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ArgentinAttitude ou quelques trucs pour se sentir mieux :

Depuis presque 5 années passées en Argentine, j'ai souvent été inspirée et admirative devant certaines attitudes que je qualiferais d'"argentines", bien différentes de celles qui sont les miennes et celles de  mes compatriotes, plutôt "françaises" donc. J'ai souvent eu la sensation que la vie était différente ici, même si nous jonglons tous, et partout sur la planète, avec l'amour, le boulot, la santé etc... Ici l'ArgentinAttitude rend la vie plus légère, plus intense, et moins angoissante. Je le vérifie tous les jours et ça marche !

nullVis le moment présent
L'Argentin compte beaucoup moins de certitudes que nous. Pour son histoire, la politique, l'économie, les prix du supermarché, tout cela change d'un mois à l'autre. Les alarmistes depuis 10 ans parlent de la forte probabilité d'une nouvelle dévaluation... Alors, qu'est-ce qu'on fait face à l'avenir incertain ? On s'assoit et on pleure ? L'Argentin, lui, vit le moment présent.
L'Argentin ne prévoit pas 6 mois avant où passer sa 5ème ou 6ème semaine de vacances, car il n'en a généralement que 2, et ne pourra peut-être pas  finalement partir, ou peut-être que si, il le verra sur le moment. Le résultat est qu'en ayant beaucoup moins d'expectatives sur le futur, il sera d'autant plus motivé pour profiter de son mardi soir et pour organiser un dîner de dernière minute. Il aura donc un effet de surprise, lui et ses amis, qui n'avaient pas non plus prévu quoi que ce soit ce soir-là. L'imprévu apporte son lot d'adrénaline et rompt avec la routine. On ne parle pas trop en général de ce qu'on pourrait faire le mois prochain, mais plutôt de quoi faire dans les 3 jours. Du coup pas besoin d'agenda. Il est dur de convenir un lundi ou un mardi  d'un programme pour le week-end. Tu peux essayer, envoyer un mail à tes amis argentins, proposer une sortie pour le dimanche, bide assuré. Réessaie plutôt vendredi. En revanche, tu peux annoncer le jour même que c'est ton anniversaire. Et 80% des invités seront présents. Parce qu'ils sont flexibles, ce qui m'amène au point n°2.

nullFlexible tu seras, et les autres le seront avec toi
Face aux événements de la vie, chômage, crise économique, que fait-on face à l'adversité ? On s'assoit et on pleure ? L'Argentin, lui, s'adapte.  Il ne pensera pas à demander une aide des allocs ou une subvention, parce que ça n'existe pas. L'Argentin lui, recycle, répare, invente, change de métier, entreprend, accepte que cela ne se passe pas comme c'était prévu. Un article récent de La Nacion illustre justement cette extraordinaire faculté. On appelle ça aussi la "viveza criolla", concept qui a même sa page sur Wikipedia. Attention ce terme est aussi utilisé dans le mauvais sens, pour expliquer la tendance à contourner la loi. On dit "Hecha la ley, hecha la trampa" pour dire que dès qu'il y a une loi, il existe le moyen de passer outre. Moi je dirais que la viveza criolla pourrait aussi se résumer à "Hecha la vida, hecha la vuelta". C'est un art de vivre et une philosophie de vie, et une qualité de survivance admirable.
La flexibilité se ressent également par rapport aux impératifs que nous nous mettons en tête, nous Français. Ici on ressent ce confort de pouvoir prendre le train en cours de route, d'en descendre et d'y remonter plus tard. Pas d'obligation de finir tes études à 23 ans. Tu as besoin d'argent et dois travailler, et tu n'as plus le temps d'étudier pour la fac ? C'est pas grave, tu arrêtes une année, ou plus, ou tu décides de ne passer que quelques matières. Tu finis ta "carrera" (ton diplôme universitaire) à 30 passés ? Il est où le problème ? Personne ne jugera que tu es un fainéant. Tu t'es adapté aux circonstances de la vie, comme tout le monde. Et ton employeur comprendra.
Tu veux changer de voie à 25 ans ? A 30 ans ? Vas-y, fais le test, et annonce à tes amis en France que tu veux repartir à zéro et étudier le mandarin. Ici, au contraire, tu sens que quelque soit ton âge ta vie n'est pas encore figée,et que tu as droit non pas à l'erreur (pensée française), mais au changement. Tu ne passeras pas pour le débile de ton groupe d'amis, personne ne considérera que tu as "perdu" ton temps.
 

nullSois enthousiaste
Comment dit-on en français que l'on a passé un bon moment ? C'était "super" ou "génial".
Ici c'est barbaro, (muy) bueno (isimo),  (muy) lindo (isimo), genial, de puta madre, lo pasaste bomba, increible. Comptez-les, avec les variantes "muy" avant ou "isimo" à la fin, on a déjà 10 possibilités. Tout est dit. L'Argentin n'hésite pas à se montrer enthousiaste, quand le Français, lui, a du mal à exprimer son contentement. On l 'entendra souvent dire cette expression horrible "c'est pas mal" (pensez-y la prochaine fois que cette expression vous viendra à l'esprit, faites l'exercice de dire que c'était "très bien").
L'enthousiasme argentin est une sorte de candeur (pas de naïveté, non), d'attitude positive innée, une désinhibition, une propension à se laisser agréablement surprendre et à célébrer les bonnes choses (voir Faites la fête !). On pourra le rapprocher de la tendance anglo-saxonne à dire à tout bout de champ "awesome" ou "great", ou à applaudir le pilote quand l'avion atterrit (qui ne s'est pas déjà moqué des gringos qui font à ça, levez le doigt !)
Dans la vie de tous les jours, l'enthousiasme se traduit par une volonté d'aller de l'avant, une facilité à se lâcher, à parler un peu fort sans gêne, à parler dans une langue étrangère sans honte même avec un accent à couper au couteau, à sourire spontanément, à encourager son interlocuteur (voir Argentine anti-blues), à donner une avalanche d'abrazos et de besos pour saluer quelqu'un . L'enthousiasme, on l'a tous remarqué, est communicatif. La buena onda se transmet ainsi pour le bien-être de tous. CQFD.

nullCultive ton jardin 
Une facette argentine que j'adore, c'est bien ce soucis de remplir sa vie personnelle. Cela passe par une curiosité intellectuelle étonnante, quel que soit l'âge, la situation de famille, le milieu. Ici tu trouveras normal que le menuisier de 50 ans prenne des cours d'italien avec toi, trentenaire désoeuvrée (vécu), ou que ta collègue mère de 3 enfants prenne des cours de danse orientale (vécu). Du coup tu te retrouveras toi-même à prendre des cours de claquettes, comme ça, en cours d'année (vécu). Il faut dire aussi que l'offre culturelle pléthorique de Buenos Aires aide beaucoup, mais quand même. L'attitude est indéniable. On ne choisit pas forcément son job, son gagne-pain, mais ses soirées et ses week-ends si. Pour cette raison, on te demandera souvent ce que tu fais, à côté de ton travail. Car c'est un concept en soi, l'activité, le passe-temps ou la passion, et cela te définit tout autant que tes études ou ton job actuel.
Une autre façon de décompresser, et vivre sa liberté, c'est sortir la nuit. J'ai en déjà parlé ici. Ici les nuits sont longues, et Buenos Aires offre mille et une possibilité pour tous les âges. Les séniors tangueros se mettent sur leur 31 et peuvent taquiner la piste de danse tous les soirs de la semaine jusqu'à 5h du matin. C'est pas beau ça ? Maintenant, pensez à vos grands-mères, en France, qu'est-ce qu'elles donneraient pour connaître ce frisson nocturne et musical ?
L'Argentin cultive aussi ses amitiés. A Buenos Aires, c'est assez frappant de voir que les porteños ayant grandi dans la capitale possèdent facilement plusieurs groupes d'amis depuis l'enfance ou l'adolescence. Chose qu'en France, mobilité oblige, il serait bien plus difficile de conserver. Il ou elle aura donc ses amis du colegio, de la fac, du football, du quartier. Ils ne se mélangeront pas forcément entre eux d'ailleurs, et ne seront pas mixtes (malheureusement, l'amitié homme/femme n'est pas le point fort des Argentins, il faut le reconnaître). Tous ces groupes se suivent donc les années durant, c'est parfois vécu comme un cérémonial obligé, mais la tradition veut qu'on garde contact. Le point d'orgue de cette amistadmania est le fameux Dia del Amigo. On pourra dire que c'est artificiel, marketing, ce qu'on voudra, n'empêche, l'intention est là et recevoir un petit texto ce jour-là est savoureux.
Enfin, en plus de ses amis, de la famille, l'Argentin, et ce en province comme dans la capitale, sait cultiver le lien social en général, il discutera avec le papi qui attend le bus, écoutera les anecdotes du chauffeur de taxi, bref saura parler avec un inconnu et même y prendre plaisir. Un truc de dingue quand on y pense : nouer une conversation avec quelqu'un qu'on ne connaît pas, rendez-vous compte !! Allez-y, faites le test et votre mission sera de parler 4 phrases avec un inconnu. Vous vous sentez capable ? Ou vous avez peur de faire peur à votre interlocuteur ? Haha, bonne question ! Bon pour les trouillard(e)s, j'ai un plan, ça s'appelle faire un stage, destino Buenos Aires :-)

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