Mise à jour : 19 septembre 2011. Catégorie : Buenos Aires. Article écrit par Leo Sounigo.

Une balade à priori ordinaire :

Il est presque midi, San Telmo a l’air calme ; en apparence du moins. Dés lors que l’on déambule dans la rue Umberto I (prononcer Humberto Primo), en s’efforçant de remonter cette rue en pente, on aperçoit très vite, un restaurant caractérisé par son plus haut modernisme. A droite, il y a un club de foot dans lequel les jeunes du quartier s’entraînent régulièrement, et si l’on continue tout droit, on peut apercevoir une école. C’est en fait le son de cloche de l’Eglise de San Pedro Telmo qui guide nos pas. Arrivé devant l’un des édifices les plus anciens de Buenos Aires, il est alors difficile de résister pour y rentrer, tant le bâtiment est impressionnant de l’extérieur.

Un peu d’histoire :

S’il est vrai que la construction débute en 1734, sous l’autorité de l’architecte jésuite Andres Bianchi, le bâtiment n’a pourtant pas cessé d’évoluer avec le temps, tout en conservant néanmoins une identité originelle. Les architectes se sont ainsi succédés, Antonio Masella à partir de 1760, qui en profite pour édifier contre l’église, la Casa de Ejercicios Espirituales et la Capilla doméstica, qui devint ensuite la prison et aujourd’hui forme ce qu’on appelle le musée pénitencier. Après l’expulsion des jésuites en 1767, l’église passe aux mains de couronne espagnole, elle n’est alors qu’un vaste chantier interrompu lorsqu’en 1795, le pouvoir de la colonie préfère remettre toute la manzana (le pâté de maison) à l’Ordre des frères de Notre Dame de Bethléem, dont la mission première est d’assister les pauvres et les malades. L’indépendance puis les guerres intérieures argentines ne permettent pas de reprendre la construction et il faut attendre 1858, pour que l’architecte italien José Della Valle termine la nef et surtout la coupole. Finalement, en 1876, on peut dire que l’Eglise se termine avec la construction des deux tours, orchestrée par l’architecte et ingénieur français Pierre Benoît.

Enfin dernière intervention, due à l’architecte Pelayo Sanz, qui n’est pas du goût de tous, c’est celle de 1916 à 1931 qui redessine la façade dans un style neo colonial, mais qui du fait efface le véritable style colonial conservé jusqu’alors.

La dernière modification est toute récente, puisqu’en 2005, on ouvre au public un des cloîtres, dans lequel est présenté aux visiteurs des objets trouvés lords des dernières fouilles et travaux réalisés dans l’ensemble architectural de San Pedro. On a trouvé par exemple une chaise en cuir que les jésuites utilisaient en 1734 ainsi qu’une table en marbre que les frères Bethléemites utilisèrent comme table d’opération lors des invasion anglaises de 1806 et 1807.

En gravure : La calle alors nommé Belem (aussi Bethlem) avec l'église Nuestra Señora de Belem, à sa droite le cloitre de la Casa de Ejercicios Espirituales au fond duquel se dresse La Capilla Dómestica (aussi surmontée d'une coupole, qui existe toujours).

 

Plan : Plan de la partie sud de Buenos Aires vers 1770. Entouré en rouge, la manzana des frêres de Bethléem. En jaune l'entrée de l'Eglise. La Calle Humberto Primo se nomme alors calle Bethlem. Le quartier de San Telmo est encore à l'ecart du centre de Buenos Aires et de la Plaza Mayor (Plaza de Mayo) face au fort (#1 sur le plan). Pour rejoindre Plaza Mayor a San Telmo, il faut prendre la calle San Martin (aujourd'hui Defensa) et enjamber le Zanjon de Granados (en bleu). 

Un peu d’architecture :

Si cette Eglise a bien quelque chose de particulier et de singulier, c’est peut être d’abord et avant tout en raison de cette façade, qui possède toutes les caractéristiques du mot « beauté ». Belle par son esthétisme, par son histoire ; bref, par ce qu’elle renvoie au spectateur : restauré, entre 1916 et 1931 par l’architecte Palayo Sainz, dans un style néo baroque colonial, elle conserve sur ses murs de nombreuses plaques, témoignant ainsi de sa riche histoire. Dés lors qu’on l’examine un peu en détail, on s’aperçoit que la face avant dispose de deux importantes tours, faisait à peu prés 40 mètres de haut. Entre ces deux tours, on peut alors voir une statue de San Telmo Pedro Gonzales. Pour la petite histoire, San Pedro Telmo Gonzales, était un prêtre catholique espagnol, qui était vénéré des marins et des immigrants espagnols. En réalité, et au commencement,  le nom initial de cette Eglise était « Iglesia de Nuestra Señora de Belén » (Eglise Notre Dame de Bethléem).  Le sur nom « San Pedro Telmo » est donc venu au 18ème siècle. San Telmo étant le patron des navigateurs.

La construction du temple (octobre 1734) reste impressionnant : l’espace est grand, trop grand, diront certains. Loin des sentiers battus, et loin d’être construite comme une Eglise traditionnelle, les mots peuvent parfois manqués pour décrire ce que l’esprit humain est capable de faire en transformant la matière : dessinée selon un plan en croix latine on peut y voir un dôme qui couvre tout l’ensemble de la surface. Ce dôme couronne ainsi les chapelles dans les allées. Achevé en 1858, il mesure environ 39 mètres de haut, et contient une ouverture avec quatre fenêtres et une lanterne. Par ailleurs, si l’on se penche d’avantage sur le nerf de gauche, on pourra observer une grande œuvre : la chaire (qui est une plateforme surélevée dans les Eglises pour pouvoir se faire entendre), mise en œuvre par l’artiste Manuel Hernandez.

L’ancien autel qui a été placé en 1903. (Le graveur Jossé Hadock a largement contribué à sa conception à partir de 1833) couronné par l’image de la Saint Trinité. Le bas de l’autel est quant à lui décoré de petites feuilles.

La sacristie est l’annexe au sein de l’église où le prêtre se prépare pour célébrer la messe. Celle-ci a été construite en 1734 et elle conserve encore ses murs et ses portes d’origines. Elle comporte également un dôme magnifique orné d’une lanterne et où pend un lustre de 1901.

 

Juan, le sans domicile fixe :

Ce lieu, plein de vie, déborde de sens et de significations ; elle a un coté mythique pour tous les Portenos qui se respectent. Enigmatique, diront certains, comme Juan, cet homme d’une cinquantaine d’année et sans domicile fixe. Cela fait déjà presque cinq ans, que Juan erre autour de l’Eglise. « Cette église, c’est un peu ma maison à moi, c’est la maison de Dieu », dit-il. D’ailleurs, Juan est un des fidèles des services de sociaux de San Pedro Telmo; il vient en effet régulièrement le jeudi soir, pour profiter du déjeuner organisé par l’Eglise, pour aider les personnes défavorisées. En discutant, avec Juan on se rend donc vite compte que le champs d’action de l’Eglise de San Pedro Telmo est multiple : associatif, social et religieux.

Les activités de l’Eglise :

San Pedro Telmo entreprend dans plusieurs domaines et son action ne se cantonne pas uniquement au domaine du religieux :
En matière sociale, tout d’abord, cette Eglise organise des rencontre hebdomadaires (le samedi de midi à 16heures) pour les enfants (âgés de cinq à quatorze ans) du quartier qui peuvent alors se divertir, à travers des cours de théâtre, de dessins ou de musiques, mis en place par les autorités religieuses. Dans le domaine associatif, l’Eglise est aussi très active. Plusieurs associations se réunissent régulièrement, comme l’association des alcoolique anonyme ou des drogués anonymes. Il faut également mentionner, l’ALCO,  une association qui lutte activement contre l’obésité, ou encore une association en charge du soutient scolaire pour les jeunes en difficultés. Enfin, San Pedro Telmo, dirigé actuellement par le prêtre Ernesto Salvia (depuis une dizaine d’années), connaît aujourd’hui une vie religieuse animée : une messe pour les malade a lieu par exemple le jeudi à 19 heures ! Du Lundi au Vendredi, la messe a lieu à deux moments différents dans la journée : le matin, à 8 heures et le soir à dix neuf heures. Le Samedi et Dimanche, l’office est à 11heures et à 19heures. En semaine, les prières réuniront principalement des argentins du quartier de San Telmo ; le week end et notamment le dimanche, on aura l’occasion de prier avec des Brésiliens, des français et des Italiens. En effet,  le Dimanche, la Iglesia de San Pedro Telmo, profite de la diversité culturelle des 10 000 visiteurs de La Feria du quartier.

Photo : Vue de San Pedro de Telmo du patio de l'ancienne prison de femme.

 

Dessin : Axonométrie écorché de l'église San Pedro de Telmo

Les conseils du Petit Hergé :

San Pedro est sans nul doute peut être la paroisse la plus ancienne de la ville. Elément sans age de la période coloniale espagnole oublié pendant des années et qui semble aujourd’hui revivre une deuxième étape grâce à l’apport touristique du quartier. Venez y deux fois, la première durant la semaine pour voir le quartier calme et promenez vous aux abords de l’église en imaginant encore que San Telmo était en dehors de la ville de Buenos Aires dans ces années 1730-1740. Lorsque les chaloupes, des navires espagnols restés au large, accostaient au pied de cette calle Humberto Primo qui se nommait encore juste au coin de l’actuelle calle Balcarce. On remontait les tonneaux en les faisant rouler devant l’Eglise jusqu’à la place principale servant de marché. Puis revenez y un dimanche matin, quand antiquaires et touristes brésiliens en bermudas envahissent l’espace, le temps de transporter le barrio en 1930 au son d’un air de tango. L’Eglise de San Pedro est aussi un point obligatoire pour la visite du quartier, tout comme son marché couvert, son musée pénitencier et ses conventillos.

Fiche pratique :

Adresse : Humberto Primero 340.

Pour y aller : La station de métro est assez loin, donc en bus, ou à pied à partir de la Plaza de Mayo.

Site web :   http://www.parroquiasantelmo.org/inicio.html

Horaires : Du lundi au vendredi, messes à 8h et à 19h. Le samedi et dimanche à 11h et 19h.

Photo : Mariage à l'église de San Pedro de Telmo. 

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