Mise à jour : 26 septembre 2011. Article écrit par Elodie Charrier.

Los "chicos country" de Buenos Aires :

Loin de l’effervescence de Buenos Aires, mais aussi de sa pollution, de son bruit, et de sa criminalité, il existe des quartiers ultra sécurisés appelés «country» ou « Barrios cerrados ». Ces quartiers verdoyants, souvent luxueux, sont en règle générale peuplés de grandes maisons avec piscine, d’immenses jardins, et de nombreuses installations sportives. Les plus grands possèdent même leurs propres collèges et lycées. On pourrait avoir l’impression de se promener dans n’importe quelle banlieue résidentielle située en périphérie d’une grande ville européenne. Les enfants sont dans les rues, font du vélo et du skateboard sans que les parents ne s’en inquiètent. Tout est très calme. Les voitures roulent au pas. Mais la grande différence avec nos quartiers résidentiels européens, c’est que ces quartiers sont fermés et surveillés. Caméras, hautes clôtures, barbelés, gardiens. Tout est là pour assurer une sécurité maximale aux habitants du quartier. Cependant la question qui se pose aujourd’hui est celle de l’éducation et de l’ouverture d’esprit des adolescents nés dans ces quartiers ultra sécurisés dans les années 1990 et n’en étant presque jamais sortis. Qui est-on lorsqu’on a vécu toute sa vie dans une chimère ?

De résidence de vacances à résidence principal :

Au début des années 70, ces quartiers résidentiels étaient constitués de résidences secondaires. Les familles les plus aisées de Buenos Aires venaient y passer leur week-end. Les enfants profitaient de la piscine, du club de football, d’équitation ou de golf. Les parents se détendaient, oubliant le stress de la capitale. Dans les années 90, quelques familles s’y installèrent, prônant un même slogan : « la qualité de vie ». Sécurité, verdure, loisirs, tout est réuni pour séduire les classes aisées. Depuis lors, de plus en plus de familles ont quitté leur appartement à Buenos Aires pour venir s’installer définitivement dans un des barrios cerrados situés en périphérie de la ville. La tendance s’est donc petit à petit inversée, si bien qu’aujourd’hui 63% des villas de ces barrios sont des résidences principales, et non plus des résidences secondaires. La qualité de vie et la sécurité l’emportant sur le brouhaha de la capitale, l’Argentine compte aujourd’hui près de 600 countries qui rassemblent ainsi près de 300 000 personnes. Dans ces familles vivent de nombreux jeunes, et la plupart vivent dans ces « country » depuis leur plus jeune âge. Ainsi, nombreux sont ceux qui n’ont presque jamais mis les pieds à Buenos Aires, quand bien même leur parents s’y rendent tous les jours pour le travail. Ces sont les « Chicos country ».

     

Se sentir touriste dans son propre pays !

A l’âge de 11 ou 13 ans, ils se sont souvent rendus une à deux fois à la capitale, pas plus. Le plus souvent ils ont pu visiter l’obélisque, ou la casa Rosada dans le cadre d’une visite scolaire. A l’âge de 15 ans, ils ne rêvent que d’une chose : aller à la capitale pour sortir, faire du shopping ! Car il est très difficile de faire sa crise d’adolescence dans un monde aussi fermé. Tout se sait. Mais bien entendu, s’ils souhaitent aller danser dans un boliche de la capitale, ou simplement se promener au centre ville, ils sont dépendants de leurs parents. Il y n’y a pas ou peu de bus pour rejoindre le centre ville, et même lorsqu’il y en a, ces adolescents n’osent ou ne savent tout simplement pas utiliser les transports en communs.

Leur collège et lycées sont assez sélectifs, souvent privés, et chers. La plupart des « chicos country » apprennent l’anglais depuis leur plus jeune âge, environ trois ans. De nombreux échanges sont proposés avec des écoles et plus tard des universités anglaises de bon niveau. Un enseignement spécialisé et personnalisé est également proposé dans nombres d’entre eux. Un accompagnement des surdoués, ou des dyslexiques est par exemple proposé. Dans l’éducation de ces adolescents, un fort accent est mis sur les loisirs. En effet, ils bénéficient de beaucoup de temps libre pour faire du sport, apprendre la musique, ou lire, le plus souvent en anglais. Cependant cela ne fait pas de ces adolescents ou jeunes adultes des gens cultivés pour autant. Rares sont ceux qui ont déjà visité plus d’un musée, qui vont à la bibliothèque ou qui suivent l’actualité. Conscients de ce problème, certains collèges les poussent pourtant à lire l’actualité, et à se tenir informés. Ces collèges et lycées ne sont en rien une représentation fidèle de la réalité, puisque les chicos country d’un barrio apprennent à y connaitre les chicos country du barrio voisin. Ils deviennent amis, et tissent des liens entre chicos country. Peu d’entre eux connaissent des adolescents de l’extérieur. Tous sont un peu perdus lorsqu’il faut rejoindre la capitale fédérale. En effet tous ces jeunes se sentent comme des touristes à Buenos Aires. Ils ne connaissent ni les feux rouges, ni les bus, ni le métro… Certains ont peur de sortir la nuit, c’est-à-dire après 16h30 en hiver… D’autres ont même peur de traverser la route.

Problème d'intégration à partir de 18 ans :

En grandissant, ils doivent le plus souvent aller à l’université dans la capitale fédérale. Mais là encore, cela ne résout pas toujours le problème de l’homogénéité de leurs relations. Si certains parviennent à s’intégrer, l’intégration reste un problème majeur pour nombre d’entre eux. Soit parce que l’université reste un leurre, une bulle, un cocon, puisqu’ils s’y rendent en voiture, qu’ils y retrouvent d’autres chicos country, avec qui ils sortent à Palermo Viejo uniquement, et que leur université est située à Puerto Madero… Soit parce que même en ayant toute la bonne volonté du monde, certains les considèrent comme des fils à papa, des attardés jamais sortis de leur enclave.

De l’ouverture d’esprit des parents dépend généralement la capacité d’intégration des enfants.  Si les parents sont suffisamment conscients de ce problème de fermeture au monde auquel sont confrontés leurs enfants, et qu’ils essayent de leur en faire prendre conscience, et de leur montrer que le lieu dans lequel ils ont vécu jusqu’alors est peut être idéal pour eux, mais non conforme à la réalité, alors les enfants sauront sûrement s’adapter. Non sans difficultés, mais ils y parviendront. La réalité dans ces Barrios Cerrados n’est donc pas toujours aussi simple et idyllique que ce qu’on croit. La plupart des enfants sont élevés dans la peur du monde qui les entoure. Ils deviennent craintifs et tout aussi paranoïaques que leur parents.

 

On va à Buenos Aires, comme si on allait à l'étranger :

Il existe d’autres « countries » que ceux de Buenos Aires. Cependant les « countries » portenos apparaissent comme bien plus fermés et conservateurs que ceux de Cordoba par exemple. Les psychologues ont parfois des témoignages effarants provenant des enfants de ces quartiers. Certains ne savent pas qu’il existe des maisons dépourvues de piscine, d’autres n’ont jamais mis les pieds dans la capitale fédérale, si bien que la visite de la ville fait partie des activités extrascolaires proposées à certains chicos country.

La délinquance existe pourtant bien dans les country :

Si l’avantage principal de ces quartiers semble être la sécurité, ils ont cependant eux aussi leur lot de criminalité. La sécurité est avant tout un élément marketing pour attirer les familles dans ces quartiers fermés. Des agressions, des vols, et même des meurtres ont été recensés en nombre croissant depuis 2007. Cependant la mentalité qu’adoptent les habitants de ces quartiers fait que peu de délits sont réellement recensés. En effet, rare sont ceux qui appellent la police. Sauf en cas d’extrême urgence ou de problème majeur, les faits ne sont donc pas rapportés. Le barrio cerrados devient donc l’endroit parfait pour quiconque souhaite réaliser un délit.

  Très bonne vidéo à voir : http://tn.com.ar/sociedad/0006404/los-chicos-country

Vie monotone et déprimante :

La vie dans les countries répond à des valeurs très conservatives. Les hommes travaillent, mais la plupart des femmes sont femmes au foyer. Parfois elles le sont par envie, mais le plus souvent c’est par nécessité compte tenu des distances qui les séparent de la grande ville la plus proche, de leurs travails, et du manque de transport en commun qui les oblige à prendre en charge tous les déplacements des enfants. Occupées à faire des allers et retours pour emmener les enfants à l’école ou à leurs diverses activités extrascolaires, elles passent le plus clair de leur temps à faire du sport, à lire, ou à voir leurs amies : les autres mères du country. Une fois les enfants arrivés à l’âge critique d’aller à l’université, la vie de ces femmes devient bien plus morose. Elles ne savent plus comment s’occuper et la solitude se fait cruellement ressentir. Un nombre croissant de dépression a d’ailleurs été recensé chez ses femmes qui finissent par tourner en rond dans leur quartier éloigné de la civilisation. Nombreux sont les films et les livres qui traitent du sujet des barrios cerrados. Les films « Una semana solos », “Cara de queso”, ainsi que le court métrage «  la ciudad que huye », ou encore “Las viudas de los jueves”, issu du roman homonyme de Claudia Piñeiro, parlent de la vie à l’intérieur de ces quartiers.

L’avis du Petit Hergé :

Il existe trois types de « country » en fonction de la surface du terrain qui entoure la maison. Les terrains les plus petits sont dans ce qui est nommé le « Barrio Cerrado » (Quartier bouclé). Au fil des années comme l’adjectif « cerrado » est devenu péjoratif, on emploie aujourd’hui plus souvent « Barrio Privado ». Ce sont en général des parcelles très petites (entre 300 et 600 m2) qui ne disposent que de très peu de jardin, ou d’un simple espace pour pouvoir y placer une piscine. Ensuite viennent les « country », proprement dit, qui disposent de parcelles plus grande, ou le gazon entoure la maison, ces parcelles sont plus ou moins aussi étendues que celle d’Europe (600 à 1000 m2). Ensuite viennent des « country » situé un  peu plus loin de Buenos Aires (presque à la campagne) et qui a l’avantage de pouvoir offrir des parcelles nettement plus étendues (jusqu’à 1 hectare), ce sont les « Club de campo » ou « club de chacras ». Il existe aussi les « Megaemprendimientos », qui est le concept de recréer totalement un village de toute pièces, avec shoppings, restaurants, des fois ciné, centre commercial, golf, terrains de sports….. (Jusqu’à hippodrome), et puis le nec plus ultra, c’est le « Resort Countrie Club » qui souvent mêle aussi des installations hôtelières.

Très difficile pour un touriste d’entrer dans un country, il faut montrer pate blanche, c'est-à-dire être invité par une personne qui y habite. Aussi autre solution, aller dans un country qui dispose de restaurants et demander à l’entrée du country si il est possible d’y déjeuner. Il faut bien sur impérativement posséder une voiture pour s’y rendre !

Chaque samedi dans le quotidien Clarin, existe un supplément « Countries » (Country est hispanisé depuis longtemps !). Toujours intéressant de jeter un coup d’œil dessus pour voir  ce qui se passe dans ce microcosme.

La majorité de ces countries (60%) à Buenos Aires se situent en banlieue nord, on compte au total dans les banlieues et jusqu’à 70 km de la capitale, presque toujours le long des autoroutes. Il existe en septembre 2011 dans les environs de Buenos Aires, 357 barrios privados, 149 countries,  46 clubs de chacras, 20 Megaemprendimientos, et 2 Resort Countrie Club.

Pour en lire plus sur le sujet en espagnol :

- Article du Clarin sur les Chicos Country daté du 19 février 2007.

- Article de la Nacion sur les Chicos Country daté du 1er avril 2007.

- Article de la Voz de Córdoba sur les Chicos Country daté du 08 mai 2011.

- Article de los Andes de Mendoza sur les Chicos Country daté du 04 sept 2011.

- Article du Clarin sur les Chicos Country daté du 04 septembre 2011.

  A lire dans le Petit Hergé :

La mode argentine 1ère partie : A & B- La mode argentine.(Juin 2009). Rubrique suivant une actualité dans un domaine où une mode en remplace une autre. Depuis la fin de la crise argentine 2001-2002, de nombreuses marques et griffes se sont créées, et ont évoluées. Certaines ont disparues, d’autres se sont lancées à l’export et ouvrent des franchises à l’étranger. La plupart des enseignes sont porteñas et Buenos Aires concentre la créativité et représente le fer de lance du monde du design et de l’industrie vestimentaire sud américaine...(Pour lire la suite)

 

L'immobilier de Buenos Aires remplace les économies- Les achats remplacent les économies.(Juillet 2010).Les argentins achètent à tout va (et surtout à crédit), la classe moyenne supérieure achète donc des produits électrodomestiques (téléviseur, frigo, lave-linge, etc. …) quitte même à en acheter plusieurs et les revendre dans quelques mois. Le marché de l’automobile explose pour les mêmes raisons (quelques 4x4 sous bâche dans le parking attendront ainsi quelques mois pour être revendu), et puis bien entendu l’immobilier à Buenos Aires, dont les prix dans les quartier les plus chics de la capitale atteignent des sommets...(Pour lire la suite)

Villa El Chocón (Neuquén)- Villa El Chocon à Neuquen.(Mars 2008). Villa El Chócon est un nouveau village créé à partir de 1968 lors du début de la construction du complexe hydroélectrique du Chocón sur le río Limay et de Cerros Colorados sur le Rio Neuquén. Il faut attendre le 30 octobre 1975, pour qu’il puisse avoir une reconnaissance officielle et dispose d’une mairie. Ce village est très peu peuplé, pas plus de 1.000 habitants, mais prend de l’ampleur les fins de semaine et durant les vacances, car de nombreux habitants de la ville Neuquén y ont des résidences secondaires...(Pour lire la suite).

Les guides d'Argentine- Les guides d'Argentine.(Juillet 2011).

Voilà une liste de quelques livres et guides qui vous aideront à comprendre l’Argentine et surtout à la visiter ! Inutile d’acheter des livres avant votre départ, profitez de vos premiers jours à Buenos Aires pour vous les procurer…(Pour lire la suite).

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