Carlos Loiseau, dit Caloi
02 oct. 2012Mise à jour : 2 octobre 2012. Article écrit par Suzanne Raucy.
Caloi : Le plus porteño des dessinateurs humoristiques ! Pendant presque quarante ans, Carlos Loiseau a publié quotidiennement dans le journal Clarin sa bande dessinée la plus célèbre, Clemente, signée de son pseudonyme, Caloi. S’il est connu de tous les Argentins depuis 1973, c’est en raison de la grande popularité de son principal personnage, Clemente, sorte d’oiseau à rayures, sans ailes ni bec, qui fût le commentateur ironique et satirique des événements politiques, sociaux et économiques de l’histoire récente du pays. Caloi est de fait le créateur d’une des mascottes de l’Argentine. « À travers Clemente, je me reconnais comme Argentin », a pu dire Carlos Nine, ami et collègue de Caloi. En effet, à travers sa créature, Caloi a su interpréter avec perspicacité et humour le sentiment populaire et l’identité des Argentins. Ainsi, une des contributions majeures du dessinateur est d’avoir fait entrer dans l’humour graphique argentin la vie de quartier, avec une tonalité incontestablement porteña. La carrière de Caloi ne se limite pourtant pas à ce personnage : il fût également le dessinateur de la célèbre série graphique du Clarin, Caloidoscopo, dont les dessins déplacent toujours la réalité et les rêves humains avec un humour subtil. Mais c’est cependant avec Clemente qu’il a fait son entrée dans le monde de la télévision, avec son émission éponyme, en 1982, puis avec une autre en 1990, « Caloi en su tinta », dédiée à la diffusion et la vulgarisation d’œuvres graphiques, et notamment des courts métrages d’animation. En tant que péroniste et dessinateur satirique et politique, Caloi a connu la consécration populaire comme les contraintes de la censure, mais ayant dédié sa vie au dessin, il n’a cessé d’être un artiste prolifique et engagé. Depuis le moment où il a été capable de tenir un crayon jusqu’à sa mort récente, le 8 mai 2012, à l’âge de 63 ans, il a retranscrit avec un humour complice, nourri d’un subtil équilibre entre les mots et les images, sa profonde compréhension de la réalité quotidienne des Argentins. |
Un enfant influencé par l’âge d’or de la bande dessinée argentine :
Carlos Loiseau est né à Salta le 9 novembre 1948, de parents d’origine française, belge, suisse, italienne, alors que son père travaillait pour la compagnie pétrolière YPF. Il grandit à Adrogué, ville située dans la partie sud du Gran Buenos Aires, raison pour laquelle il s’est toujours considéré comme étant porteño. Il eût une enfance heureuse, protégée. Comme tous les enfants, il dessina plus que de raison. Vers cinq ou six ans, il se prit de passion pour la bande dessinée, et commença à dessiner des petites aventures réalistes, de cowboys, influencé par les revues de bande dessinée du milieu des années cinquante, comme Hora Cero ou Misterix, racontant l’histoire d’un savant anglais ayant inventé un costume le rendant invulnérable grâce à une pile émettant des rayons atomiques, personnage de super héros créé par le dessinateur italien Paul Campani. D’autre part, les dessinateurs de Rico Tipo, El Gráfico et de Patoruzú l’influencèrent énormément. Ces revues de bandes dessinées, il ne les lisait pas toutes chez lui mais surtout lorsqu’il se rendait chez le coiffeur. Enfant, Carlos Loiseau aimait également dessiner des personnages de Disney, et bien qu’il n’y en ait pas de traces dans ses premiers travaux professionnels, cette influence se fera ressentir vers le milieu des années 1970, au moment de la transformation décisive de son principal personnage, Clemente, qui à l’origine était un oiseau et deviendra une créature inclassable (en perdant son bec et ses ailes). Puis, il se mit à créer ses propres personnages, ses propres histoires sous forme de bandes dessinées qu’il reliait lui-même soigneusement, les destinant à ses proches ou camarades d’école. Deux modèles semblent l’avoir particulièrement influencé durant toute sa carrière : le dessinateur Quino, créateur de Mafalda (son père en était un grand admirateur, et le petit Carlos l’a découvert dans la revue Vea y Lea), et Saúl Steinberg, célèbre dessinateur du magazine The New Yorker (la bibliothèque familiale comptait un exemplaire de son premier livre, Todo en líneas, publié en Argentine en 1945).
Carlos Loiseau suivit un enseignement secondaire rigoureux, assez laborieux, au Colegio Nacional de Buenos Aires. Il n’avait pas alors de vocation professionnelle bien définie, ses amis plaisantaient en disant qu’il deviendrait dessinateur. Et il le devint. Il passa sa dernière année de secondaire au Colegio Nacional de la ville d’Adrogué (qu’il ne finit pas, d’ailleurs). C’était en 1966, et il avait donc 17 ans lorsque le général Juan Carlos Onganía mit fin par un coup d’État au gouvernement du président Arturo Umberto Illia, pour mettre en place sa dictature appelée « Revolución Argentina ». À cette époque, l’adolescent dessinait ses professeurs, des histoires satiriques pour ses camarades, illustrait des affiches pour des clubs de quartier : mais c’est aussi à cette époque qu’il devint un dessinateur professionnel, sans avoir jamais suivi de formation spécifique. |
Vidéo : Entretien en 2011 avec Calo. Canal 7. 7 mn 06 s. |
Vidéo : canal Encuentro, le personnage de Clemente 1ère partie. 2 mn 27 s (2012)
Vidéo : canal Encuentro, le personnage de Clemente 2ème partie. 1 mn 36s (2012)
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Vidéo : Reportage sur Caloi à travers ses amis et ses deux fils."Más conocido como Caloi". 11 mn 41 s.(2011). |
Vidéo : Mai 2012, la mort de Caloi sur Canal 7. 4 mn 03 s. |
L’avis du Petit Hergé : Caloi est certainement incontournable quand on s’intéresse à la fois à l’humour porteño et aussi à la bande dessinée argentine. Son personnage de Clemente reste le plus connu, et je me souviens de mes lectures du Clarin les premières années à Buenos Aires en 1994 et 1995 qui se terminaient toujours en contratapa par les dernières histoires de Caloi, de Guinzburg, de Sendra et de tous les autres …. L’humour est vraiment la partie la plus difficile à saisir d’une nouvelle culture. Caloi avec Clemente et ses clin d’œil à la politique ou tout simplement à la vie quotidienne a commencer à faire partie de ma vie au bout de quelques mois lorsque ses « historietas » arrivèrent à me faire sourire. C’est ce jour là ou je compris que je commençais à comprendre non seulement Clemente mais aussi tout le monde argentin qui m’entourait ! Le 23 septembre 2012, Clarin a publié la dernière « tira » de Caloi, où Clemente retorquait à Bartolo. Comme quoi tout se termine toujours par une fin en boucle….. Caloi avait commencé avec Bartolo son tram et Clemente en 1973….. et il s’en est allé en dessinant une dernière fois Bartolo (qui ne revenait plus que très sporadiquement dans le monde de Clemente). Voici la dernière historieta dessinée par Caloi et publié le 23 septembre 2012 : |
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