Photo et chronique d'un jour à Buenos Aires : 03 juin 2015
05 juin 2015Mise à jour : 05 juin 2015. Catégorie : Photo d'un jour.
Photo et chronique du jour : 03 juin 2015
Nous sommes presque à la fin de l’automne et à quelques semaines de l’hiver (le 21 juin) et pourtant cette année le froid ne décide pas à arriver. Les magasins au beau mettre en avant cache-cols, gants et bonnets, ce n’est pas pour autant qu’ils arrivent à influencer le courant d’air venu du nord (donc chaud, dans l’hémisphère sud). On voit d’ailleurs en pleine après midi sur les trottoirs les gens encore en T-shirt ou polo d’été vaquer à leur frénésie urbaine alors que d’autres portent au bras, pulls et manteaux qu’ils avaient tout de même sorti pour affronter la matinée plus fraiche. Cette année est chaude, on nous annonce, que la température du mois de mai 2015, fut à Buenos Aires 5 degrés supérieur à la moyenne effectué depuis 1872, date de la création de la Météorologie Nationale. Mai 2015, est d’ailleurs le mois de mai le plus chaud aussi depuis cette date ! Alors que je vous écris cet article, (le 05 juin), on attend aujourd’hui 24 °C cet après midi ! Tout cela fait que Buenos Aires a plus l’aspect printanier et nonchalant qu’une ville s’engourdissant dans la grisaille et submergé par un vent froid austral polaire. Une aubaine pour mes jambes de pouvoir donc me faire déambuler le nez en l’air et l’appareil photo à la main. Cette fois ci, mes pas m’ont porté du coté du Barrio Norte (comme on dit ici), mais qui se trouve en fait dans le quartier de Recoleta, juste à l’angle de deux des avenues les plus prisées de la capitale, je parle de l’Avenida Santa et de celle de Callao. L’avenue élégante depuis plus d’un siècle, rendez vous des belles boutiques et des confiterias et autres salons de the affectionnés par la bourgeoisie porteña de la première moitié du XXème siècle. Cette partie du quartier était aussi le rendez vous privilégié des habitués de la zone, puisque une succession de théâtres et de cinémas déversaient en après midi et en soirée une foule de spectateurs qui alimentaient à leur tour les bars et les confiterias. Un mouvement pendulaire de plusieurs heures par jour entre spectacle et café. Depuis, les cinémas et les théâtres ont fermé leurs portent, on le regrette mais c’est ainsi. Pourtant les salles de cinémas ne se sont jamais aussi bien portées à Buenos Aires depuis les années 70, mais celles-ci sont maintenant regroupées dans d’énormes complexes. Quant aux théâtres, toujours au nombre de 300 dans la ville, le pole principal reste et continue même à gonfler du coté de l’avenida Corrientes. Pendant ce temps là, Recoleta vieillit, la population bourgeoise se déplace vers d’autres quartiers, et les beaux appartements se transforment en bureaux, en hôtels, en chambre d’hôtes ou studios pour touristes étrangers. Les temps changent ! |
Photo : Avenida Santa Fe 1800. 03 juin 2015. Photo Petit Hergé.
Cette photo date du mercredi 03 juin 2015 et fut prise juste à l’angle de Callao et Santa Fe et montre la cuadra des 1800 de Santa Fe. Vous savez celle du Teatro Grand Splendid transformé en énorme librairie. Le Gran Splendid n’apparait pas mais se trouve hors champs à deux immeubles à droite. Alors me direz-vous, en quoi cette photo peut être intéressante ? Justement elle l’est sans l’être ! Vous savez, c’est un peu comme si vous passiez mil fois au même endroit entre votre domicile et votre travail, et que vous n’ayez jamais levé les yeux. Tout y est, tout peut être expliqué, on peut tout comprendre, pourtant on ne regarde pas. Au lieu de faire la photo du monument (ou de la superbe librairie Splendid), on décale l’objectif de quelques degrés sur la gauche et hop un cliché. Une photo banale, sans grand intérêt (à « première vue », c’est le cas de le dire) et pourtant ! La voila donc cette photo. Un horrible immeuble à gauche très années « 70 », une succession de boutiques au look totalement anarchique ou chacun a voulu faire « moderne » mais qui au fil des années donne un assemblage totalement hétéroclite de couleurs, de formes qui donne du « n’importe quoi ». En fait je pense même que si on avait voulu le faire consciemment (par exemple un décor de film) on n’aurait jamais pu arriver à ce résultat. Il a même quelque chose de sublime dans ce tableau ! Bref, je m’égare et revenons à ce qui importe dans cette photo. |
Le Solarium :
A gauche, juste à l’angle donc de l’avenida Callao, au premier étage, une succursale de « Miami Sun Solarium », bravo, vous avez devinez c’est un solarium. Dans un pays comme l’Argentine ou nous avons des pointes de 50 °C en été (dans la province de Santiago del Estero) et dans une ville de Buenos Aires ou il y a 300 jours de soleil par an et avec un taux UV bien plus important qu’en Europe ou même qu’au Maghreb (Latitude 34° Sud ici contre une latitude 36° nord a Alger). Bref vous avez compris, installer un solarium a Agadir ou à Djerba, ca me fait doucement rire. Mais voila, le solarium c’était le nec le plus ultra dans les années 80. Imaginez bien que les belles bourgeoises de Recoleta en 1988 pouvaient donc à la fois se protéger du soleil, vivre avec air conditionné, mais se payer quand même des séances de Solarium. Signe extérieur de richesse au début du retour de la période de démocratie. Quand à « Miami », ca va de soit, puisque tout ce qui vient de « Miami » (prononcez May-ami) est bonissimo dans l’imaginaire collectif porteño. De toute façon dans les années 90, avoir un pied à terre à May-ami va de soi quand on habite à Recoleta, histoire de faire du Shopping dans un Mall avant d’aller à Disney. Les belles de 30-40 ans des années 80-90 en ont maintenant 30 de plus, et le Solarium a vécu ! Il y a encore 14 succursales de Miami Sun à travers l’axe Recoleta-Belgrano, mais aujourd’hui ca fait un peu « has been » d’y aller (par contre aller à May-ami, c’est toujours à la mode). Alors bien sur, même si les chambres solaires se sont modernisées, le look de la façade, lui est resté à l’époque de Starsky et Hutch. (Même leur logo fait gentiment ringard).
Le Bar :
En dessous, en plein travaux, car ce n’est pas encore ouvert, c’est, comme son nom l’indique « Tienda de Cafe », un café ! Ou plutôt une chaine de café qui va bientôt ouvrir une de ces innombrables franchises. Voila depuis 5 ans, qu’on se bouscule au portillon à Buenos Aires pour ouvrir des franchises de café. On avait déjà depuis un bon nombre d’années des « Bonafide » et des « Havanna » plutôt boutiques de vente de café et d’alfajores, mais ceux-ci dès le début des années 2000 ont compris qu’ils faisaient mieux marcher leurs caisses enregistreuses en se transformant aussi en café. Bref, à chaque coin de rue (dans le centre presque tous les 100m) on a donc des « Martinez », des « Coffee Stores » (chaine argentine, mais en anglais dans le logo pour faire un peu May-Ami, ils viennent même d’ouvrir une succursale au Chili), puis on a eu Starbucks qui a débarqué en 2008 dans un secteur déjà ultra concurrentiel, sans parler de Mac Donald qui a déjà ouvert (en 1999) les premiers Mac Café tout azimut (certains plus grands que le Mac Donald dont la surface s’est vu empiétée). Bref, aujourd’hui en 2015, on ouvre des « cafés », avec des produits standardisés, ca va durer 10 ans, 20 ans nous voila donc tranquille avec « Tienda de Café » jusqu’au moins en 2035. Donc avec l’ouverture d’un « Tienda de Cafe » sur la photo en 2015, on colle à mort avec l’époque ! Il faut dire qu’au même endroit, vous imaginez un super coin d’avenue hyper passant Callao-Santa Fe, nous avions eu depuis plusieurs décennies « Fillipo ». La confiteria « Fillipo » qui était devenue le lieu de réunion des octogénaires du quartier. Comme on dit, son public avait vieillit. Dans les années 80, pendant que madame bronzait à l’étage sous son solarium, monsieur sortait sa secrétaire à Fillipo. Ils avaient eu beau changer même la « marquise » (enseigne) en 2009 pour rajeunir la marque, comme le décor intérieur était restait fidèle à son jus années 70 paillette à la Enrico Macias tout doré, et tout cristal, les clients ont continué à partir un à un à Recoleta (le cimetiere) sans que la nouvelle génération la remplace ! Le Fillipo était moche, donc je ne le regrette pas. J’ai hâte de voir la tête du nouveau « Tienda de Cafe ».
La Librairie :
Juste à sa droite, Le « Cuspide ». Une autre chaine de vente (on adore les chaines à Buenos Aires). Mais cette fois de livres. En effet Cuspide est une librairie depuis 1962. Aujourd’hui 30 librairies Cuspide en Argentine dont la moitié à Buenos Aires. Le groupe appartient au quotidien Clarin depuis 2011. Donc en pleine expansion, le groupe ouvre tous les 3 mois une nouvelle librairie. A Buenos Aires on adore lire, à l’inverse de ce qui se passe dans les autres grandes villes d’Europe (ou une librairie n’est pas rentable), à Buenos Aires ça ouvre ! On lit, on lit, on lit, surtout avec la quantité de bars que l’on possède maintenant, ils sont tous avec une tasse à la main les yeux posés sur un journal ou sur un livre ! Le petit édifice du Cuspide de la photo est le plus ancien dans un rayon de 200 m dans le quartier. Le seul à avoir survécu ! J’ai sorti ma collection de vieilles photos et il apparait déjà sur une carte postale des années 1890.
Le Glacier :
A droite, Volta, le grand Volta, le lieu de débauche total quand vous aimez la glace à Buenos Aires. Chic et donc cher, vous ne vous payez pas une glace, vous vous payez une « Volta » ! Dans le même genre vous avez aussi les glaciers « Freddo ». Arrivez chez quelqu’un quand vous êtes invités à diner avec une glace de chez Freddo ou de chez Volta ca prouve que vous ne vous fichez pas de votre invitation. Le cadeau est à la hauteur de la richesse de votre hôte ! A l’inverse, arriver avec 1 kg de glace de chez « Griddo » ou de chez « Per te », même si elles sont bonnes, ca fait nettement plus prolo ! Bref dans les glaces aussi on aime aussi les chaines et les franchises, et la chaine Volta est la plus chère donc (pour un porteño) la meilleure ! J’ai lu il y a quelques mois que la consommation de glace est en Argentine la plus importante au monde (même devant les Etats Unis). Donc la glace est un sujet sérieux a Buenos Aires, on ne plaisante pas avec.
De quoi parler des heures :
Vous voyez, une simple photo et on passe des années 70 à 2015, sur des sujets les plus divers on arrive a faire plusieurs constatations, Recoleta viellit, la nouvelle génération ne jure que par les franchises en tout genre, la lecture est importante mais la bouffe, le café et la glace c’est quand même ce qui fait marcher le porteño ! Tranche d’un simple instant de ce mercredi 03 juin 2015, il était 13h03. Ca a duré un simple clic, quelques centièmes de seconde, mais de quoi ensuite en parler pendant des heures ! En bonus, deux photos du même angle en 1890 et en 1920. Ou apparait le bâtiment du Cuspide sur Avenida Santa Fe 1818. Pour ceux et celles qui sont intéressés par la petite histoire de Buenos Aires, celle de la vie quotidienne à travers les époques, vous pouvez prendre contact avec moi ! |
Photos : En haut et bas l'avenida Santa Fe 1800. L'actuelle Librairie Cuspide est au 1818 de l'avenue. Le seul batiment encore debout aujourd'hui de tout le secteur. En haut la photo date de 1890 en bas de 1920. On peut remarquer que le Teatro Splendid (inauguré en 1919) est l'immense batiment déjà construit sur la photo de 1920 |
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