Mise à jour : 16 septembre 2014. Catégorie : Buenos Aires.

Article écrit par Matthias Cheval.

El Mercado del Progreso :

Dans le quartier de Caballito, el Mercado del Progreso (Marché du Progrès) constitue l’un des poumons « cachés » de la ville de Buenos Aires, il constitue un point d’attrait extrêmement intéressant, aussi bien pour les portègnes, qui y trouvent à peu près tout ce dont ils peuvent avoir, que pour les touristes ayant poussé leur visite à plus de 7 km de la Plaza de Mayo et qui veulent s’imprégner d’une atmosphère un peu plus réelle, en s’immergeant dans l’effervescence de la vie quotidienne. Sa structure Art-déco abrite l’un des marchés couverts les plus prisés où les cinq sens sont mis en exergue, entre les escalopes battues à la masse ou les fumées d’empanadas et de tartes fraichement sortis du four. Aujourd’hui, c’est l’un des rares marchés de Buenos Aires qui ait réussi à conserver sa fonction première sans avoir été abattus ou reconverti. Qu’on y aille pour faire ses courses ou s’asseoir à l’une des tables de son petit café et regarder les allées et venues des clients et des commerçants, la visite vaut le détour, d’autant qu’elle est située dans l’un des quartiers les plus important de la ville. 

Un peu d’histoire :

L’initiative est prise par le président de l'Argentine (1886-1890), Miguel Angel Juarez Celman. En 1887, il commande à la Sociedad de Progesso de Caballito, entreprise responsable du développement et de la modernisation du quartier, une structure moderne et fonctionnelle à la manière des marchés parisiens de l’époque, qui favoriserait la libre circulation de l’air grâce à un ensemble ouvert et recouvert de bâches, composé de métal et de brique. Ils choisissent pour emplacement le croisement des Avenidas Rivadavia et Silva (aujourd’hui Barco Centenara), en plein cœur du quartier. L’inauguration se déroule le 9 novembre 1889 : après deux concerts, une double bénédiction de l’Eglise et une grande réception à l’hôtel de Rome, le marché ouvre ses portes.

Le marché se compose alors de deux niveaux. A l’extérieur, une rangée de magasins délimite la structure. A l’intérieur, un grand pavillon central, en quatre parties, délimité par deux grandes galeries latérales. L’étage est réservé à 1200m2 de logements. Si le marché n’est pas le plus imposant par sa taille, ses systèmes d’irrigation et de ventilation en font l’un des plus hygiéniques et des mieux équipés de son époque. Il y a alors 53 échoppes. Le pavillon central de 6,50 mètres de haut est la partie du marché qui respire le mieux : elle est réservée au commerce de viande. L’une des galeries latérales est consacrée aux poissons et produits de la mer, qui pouvaient être nettoyés facilement grâce à la présence d’une multitude de points d’eau, et l’autre accueille les commerces de fruits et de légumes.

 

Vidéo : Destino Buenos Aires. Mercado del Progreso. Emission du 06 novembre 2011. 09mn 07 s.

    

D’un marché au style Baltard passant à l’Art Déco :   

Le marché devient très vite un endroit prisé aussi bien des habitants de Caballito que des voisins d’Amalgro et de Flores. Rapidement, les échoppes libres sont remplies par une multitude de travailleurs, souvent nouveaux migrants, qui viennent y faire leur courses. On raconte qu’en 1890, le lieu servait de point de recrutement pour le soulèvement militaro-civil de la Revolucion del Parque, qui a conduit à la chute du même président qui a fait construire le marché. 4 ans plus tard, en 1894, le marché ferme ses portes de façon temporaire : le propriétaire, Santiago Cangallo, découvre que malgré les efforts d’hygiène mis en place, il vend aux familles une viande indigeste, et publie un communiqué le 13 janvier qui restera dans le souvenir des clients. Plus tard, dans les années 20, seront installées dans le passage Coronda des chambres froides, pour éviter la résurgence de tels problèmes. Entre 1929 et 1930, le système de bâches est remplacé par une grande structure en tôle ; le fronton est revu dans un style Art-Déco, et s’orne d’une horloge d’un grand lettrage à son honneur : le marché est désormais complètement fermé.

Il changera plusieurs fois de mains au cours de son histoire : la société à laquelle il appartenait originellement le revendra à un propriétaire indépendant, et il sera loué dans les années 1950. En 1957, un accord est mis en place entre le propriétaire et les locataires, confiant l’exploitation de l’édifice à une société commerciale encore en activité aujourd’hui.

 Contrairement à la plupart de ses équivalents, il résistera à la désuétude et aux destructions. En 2001, il est reconnu par la municipalité de la ville comme d’intérêt culturel. Aujourd’hui, les 3600m2 d’espace qu’il offre accueillent 174 échoppes internes et 17 magasins intérieurs, et attire des clients venus de tous les coins de la ville. C’est devenu une icône de Buenos Aires, plusieurs chefs reconnus vont y faire leur marché, recherchant des produits de qualités, chez des commerces qui sont souvent tenus par les mêmes familles depuis plusieurs décennies, et qui savent parfaitement conseiller leurs clients les plus fidèles.Le marché est régulièrement le lieu de divers événements prisés des personnalités culturelles, journalistiques et gastronomiques de la ville, entre démonstrations de tango au milieu du pavillon central, dégustations de spécialités, ou conférences sur l’histoire et la vie du quartier de Caballito ; c’est l’un des lieux phares de la culture et de la gastronomie portègne. 

    

Dispositions du marché :

Les 4 entrées du mercado semblent presque cachées par la multitude de coiffeurs, barbiers, bazars, cordonniers peuplant une façade qui n’a pas bougé depuis les années 1930. En face, la Plaza Primera Junta (du nom du gouvernement qui remplaça le vice roi Baltasar Hidalgo de Cisneros après la révolution du 25 mai 1810), l’ambiance du quartier en elle-même est déjà enivrante. Toutefois, derrière les petites portent qui ferment l’intérieur se cache un monde à part ; progressivement se font entendre les bruits de la viande battue sur les établis et des couteaux qui s’aiguisent, des allées et venues entre les échoppes, des scies qui dépècent les immenses carcasses de bovins encore à moitié découpés, et dans lesquels on devine encore un corps, des côtes, une patte… On trouve de tout. En face d’un étal de pomme de terre s’échappe une douce odeur de tartes que l’on vient de sortir du four. Tout près d’un bazar, une vieille dame vent ses produits de beauté, juste à côté, un stand de films piraté, et un maraîcher. La Marina, poissonnier mythique de la ville depuis 1932, installé au marché depuis 1955, propose le meilleur poisson frais ainsi qu’une multitude délices gastronomiques, pâtes aux fruits de mer ou paëlla entres autres. Au centre, de la viande surtout, des saucisses, des escalopes que l’ont bat ; le boucher Nucho est connu depuis 1937 pour son légendaire riz de veau ; mais également des fruits, des légumes, un stand dont se dégage et se mêle à un paysage multicolore une odeur d’empanadas et autres gourmandises.

La structure principale semble avoir peu changée depuis sa création, les murs en briques et les colonnes en métal du pavillon central et des deux allées latérales laissent deviner l’ambiance générale du marché à l’époque où le grand toit en taule n’existait pas encore. Les commerçants travaillent, ou discutent entre eux et avec leurs clients. Angela tient un petit bar au cœur du pavillon central, elle y travaille seule. Elle porte le café aux collègues, et s’occupe des clients qui s’asseyent autour de l’une des quatre petites tables de devant son comptoir. La semaine est plus calme, elle m’explique que le vendredi et surtout le samedi, où l’excitation est à son comble, les allés et retours sont incessants entre son bar et ses clients disséminés dans tout le marché. De fait, on sent que la semaine, les commerçants sont plus enclins à prendre leur temps, certains s’abandonnent pour un instant dans la contemplation du petit téléviseur du bar, et rejoignent les soupirs des clients qui viennent d’apprendre les prochaines grèves de transport, ou s’informent des derniers résultats du tiercé ; des vieilles dames accoudées à leur caisse semblent s’endormir ; des cigarettes s’allument malgré les panneaux d’interdiction. Au contraire, les deux derniers jours d’activité de la semaine sont bien plus frénétiques : c’est à ce moment là que la plupart des clients viennent, tout le monde est actif, le foisonnement est à son comble ; le bruit s’intensifie et les mouvements s’accélèrent.

Les acheteurs viennent des quatre coins de la ville pour profiter de l’expérience d’échoppes réputés et de l’abondance de marchandises en tous genres. Tous se mêlent dans un minutieux examen des produits étalés devant eux, aidés des précieux conseils des commerçants.Les voyageurs, eux, peuvent prendre le temps de s’arrêter pour un café, d’ouvrir les yeux, le nez et les oreilles, et rester un moment s’imprégner de l’ambiance d’un haut lieu de la vie portègne.

    

Conseils du Petit Hergé :

Le Mercado del Progresso est un représentant original de la culture et de la gastronomie de la ville, et peut faire l’objet d’une visite intéressante. La découverte du bâtiment et du quartier qui l’entoure permet à ceux qui le souhaitent de sortir des grandes avenues et des circuits principaux de la ville, et de s’abandonner à une atmosphère typique et très représentative d’un aspect du quotidien des portègnes ; on peut en outre s’y procurer parmi les meilleurs produits que la ville a à offrir aux amateurs de bonne nourriture, et à peu près n’importe quoi dont on peut avoir besoin pour la vie quotidienne et plus. Donc de passage à Buenos Aires, ou fraichement installés en ville, je vous conseille de vous y rendre !

Le marché est ouvert tout les jours, sauf le dimanche : du lundi au vendredi de 7h30 à 13h, et de 17h à 20h30, et le samedi, de 7h30 à 14h et de 17h à 20h. Situé au croisement de Rivadavia et Barco Centenera, il est facilement accessible via la ligne A du métro (station Primera Junta).

    

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