Mise à jour : 27 novembre 2014. Catégorie : Buenos Aires.

Les 36 billards, une histoire de décadence et de renouveau !

 

Début 2014, le bar des 36 billards de l’avenida de Mayo avait fermé. Rien n’y avait fait et malgré le lancement de quelques soirées tangueras, les consommateurs se faisaient de plus en plus rare. Il faut dire que je notais à chacun de mes passages une sorte de décadence qui rendait la salle de plus en plus obscure certainement en raison d’économie sur la facture électrique. Quant aux « mozos » (garçons de café), le service à la clientèle laissait désirer et les matchs passant sur les téléviseurs captivaient plus leurs attentions que les gesticulations des clients pour attirer leurs regards. C’est ainsi que j’ai vu la salle des 36 billards sombrer dans l’oublie, l’endormissement et dans la poussière. J’y passais de temps en temps amenant quelques voyageurs lorsque mes pas me poussaient à déambuler sur la cuadras des 1200 de l’Avenida de Mayo, et mon plaisir s’amenuisait à chacune de mes visites. On n’y allait plus depuis des lustres, quelques vieux porteños d’origine espagnole arrivés a Buenos Aires dans les années 50 et 60, y allaient encore pour y jouer aux dominos ou boire des alcools que la majorité des moins de 40 ans ne connaissent même pas de nom (comme le Pineral, le Cynar ou l’Esperidina).

Poussiere et fantômes :

 

Les 36 billards ou plutôt le fantôme de cette salle datant de 1914, arriva à persister jusqu’au 28 novembre 2013, ou la nouvelle de la fermeture de la salle tomba telle un météorite sur le Yucatan. Les porteños apprirent que le célèbre café venait d’être vendu à la chaine de pizzas « La Continental » et que cette nouvelle société avait dans l’idée de fermer le lieu pour y faire des travaux en vue de l’ouverture d’une de ses succursales. Vous savez, c’est un peu comme toujours, tant qu’une chose, une personne, ou un lieu existe, on l’oublie à force de passer devant ou de la voir, le jour ou elle disparaît on s’étonne ou plus on s’insurge face a son départ !

Tout d’abord la réaction des habitants et des habitués des lieux fut épouvantable. Une perte du caractère centenaire de cette partie de l’avenida de Mayo, un café emblématique de la ville déjà classé comme « café notable de la ville », classification qui empêche tout changement d’affectation des lieux (gastronomique), mais qui n’empêche pas de faire des travaux allant de rénovation à la modernisation complète des lieux, ce qui peut (tout en étant réglo) transformer un café de la Paix en Mac Do !

Vidéo : Les porteños apprennent la fermeture prochaine des 36 billards au début du mois de décembre 2013 et se mobilisent contre cette decision. On peut comprendre alors leur préoccupation, mais quelques mois plus tard, le bar renaitra de ses cendres apres une rénovation totale. 2 mn 55 s. TELAM. 1er décembre 2013.

Fermeture des 36 billares le 03 janvier 2014 :

Le vendredi 03 janvier, on ferme donc définitivement la vielle salle des 36 billards, celle du rez-de-chaussée, car en parallèle au sous sol la salle de billard ne ferme pas de suite et ne subit pas les répercussions de la disparition du café. Elle appartient tout de même aux nouveaux propriétaires mais ceux-ci décident de la laisser fonctionner encore quelques mois sans y toucher car elle « marche », du 11h du matin a 04h (du matin), elle ne désemplie pas, à se demander si quelques fois les porteños vont travailler. Il n’est pas rare en effet à 14h ou 15h de voir toutes les tables de billards occupées. La salle du sous sol abrite en effet de très nombreux billards (sans pour autant arriver au chiffre de 36, il n’y en a que 14), et elle avait subsisté en devenant au fil des années l’un des temples de la capitale en matière de pools et de billards français. Donc l’escalier donnant directement de la porte d’entrée au sous sol reste ouvert, mais la devanture sur rue du bar est recouverte de papiers annonçant la prochaine modification de la salle. Personne n’est alors en mesure de savoir combien de mois restera fermé le bar. Le temps étant a Buenos Aires difficilement chiffrable, des projets de quelques semaines ou mois peuvent durer ici une décade ! Inutile de remuer le couteau dans la plaie et de se souvenir de la fermeture "provisoire" de la Confiteria del Molino en 1996 pour « rénovation » qui en 2014 est toujours en « rénovation ».

Bref, les journalistes se précipitent ce vendredi 03 janvier 2014 pour filmer les persiennes baissées et tâter du passant avec leurs micros comme on va a la pèche tâter du goujon pour savoir si ça mort. « Alors ca vous fait drôle de savoir qu’un des grand lieux vient de fermer ? »  La nouvelle passée, janvier et février voient arriver les premiers ouvriers pour le grand déménagement et les premiers coups de marteau. En mars, les travaux sont en cours et se poursuivent à guichets fermés, et quelques petits papiers arrachés collés à la devanture permettent de glisser un œil pour voir « où ils en sont ». Je me demande d’ailleurs si ce n’était pas voulu pour justement calmer le « râleur de voisin » et le rassurer sur l’avancée des travaux. Je reconnais que j’en faisais partie et que tout passage a nouveau sur le 1200 de Avenida de Mayo devait forcement se ponctuer pour moi d’un arrêt a la recherche d’un « trou d’œil » !

Photo : La salle avant les rénovations. Photo juillet 2010.

  

Photos : Les 36 billares apres renovation. Photos Novembre 2014.

La rénovation meilleure que la salle originale :

Entre décembre 2013 et avril 2014, la « Continental » et la ville de Buenos Aires marchent en fait main dans la main et pour le bien des lieux. D’une part la Continental qui compte déjà une bonne vingtaine de succursales dans la ville (dont déjà une à une cadra de là) tient à conserver une bonne image de marque, et plus, devenir un peu le défenseur du patrimoine historique de la ville et donc se plie à toutes les recommandations de la ville. D’autre part, La ville de Buenos Aires cette fois, n’a pas le droit a l’erreur après le cafouillage de la Confiteria Richmond (qui aura changé d’affectation en y plaçant une chaine de vêtements de sport !). Donc des deux cotés, ca doit être un sans faute !

Début avril 2014, il y a même une audience au parlement de la ville de Buenos Aires pour expliquer les changements et le projet de réouverture des 36 billards. De quoi satisfaire les plus réticents. La « Dirección de Patrimonio del Ministerio de Cultura de Buenos Aiers » aura même une bonne trentaine de réunions avec les dirigeants de la Continental. On met la barre haute, et on évite les frictions de tout poil. En parallèle en rappel, il est mené en même temps des réunions pour un deuxième lieu emblématique de la ville sur la même avenida, le « London City », qui est aussi en rénovation ! Deux projets, deux pièges où il ne faut pas tomber. Je rappelle qu’en 2015, le président de la ville, Mauricio Macri aspire à se lancer dans la présidentielle du pays. La ville de Buenos Aires est donc l’exemple d’expérience positive à donner pour la proposer au niveau national !

Vidéo : Inauguration de la salle de billards le 24 septembre 2014. 3 mn 28 s.

Inauguration de la salle de billards le 24 septembre 2014 :  

La première partie qui se rouvre est le sous-sol et ses 14 billards (français et américains). Le sous sol est resté fermé bien moins longtemps que le café du rez-de-chaussée. On y refait tout de même les sols, l’illumination, et un bon coup de peinture fraiche. Le 24 septembre 2014, les fous de billard peuvent descendre à nouveaux les marches pour apaiser leur passion ! Les amateurs rassurent : « L’esprit (des lieux) est resté intact ! ». Le « billarista » Osvaldo Berardi (83 ans) reste le président des lieux et mène à la queue (heheheh) le salon ! (Voir : http://www.clarin.com/ciudades/Hizo-renueve-juego-billares_0_1229877069.html)

Le mercredi 19 novembre, c’est la ré-inauguration de la grande salle du rez-de-chaussée des 36 billards en grandes pompes si on peut dire car tout est fait pour qu’on en parle ! Tout d’abord pizza gratuite toute la journée (de 19h a 21h), ce qui rassure un estomac gagne forcement les esprits. Alors il y a queue pour avoir droit à sa portion de mozzarella. On fait ça bien comme il faut, La « Continental » a même le chic pour se faire tout petit car en rien (même sur son Facebook) n’est là pour rappeler que les 36 billards appartiennent à la fameuse chaine de pizzeria. Tout d’abord les 36 billards restent « Los 36 billares », tasses, assiettes, décors, et même sur le menu qu’on vous tend le nom de « Continental » n'apparait pas, on met uniquement en avant que vous êtes au « 36 billares » et que ce lieu existe depuis la nuit des temps. La Continental sait communiquer, puisque même sur le site web de la Continental, les « 36 billares » n’apparait pas du tout. A se demander même si la Continental en est la propriétaire !  Le Facebook de « 36 billares » est le même que celui de 2010 (du temps des anciens proprios). On laisse même les anciens articles, ce qui permet de replonger en 2010 et 2011, du temps de la décadence, peut être une façon de montrer qu’aujourd’hui c’est rudement meilleur ! ;-)

Photos : le 24 septembre 2014. ré-ouvertuire de la salle de billard du sous sol. 

Photo : Le jour de la ré-inauguration, le mercredi 19 novembre 2014.

Passage obligatoire :

La semaine du 19 novembre 2014, toutes les journaux et les chaines de télévision y sont allés, on est donc au courant ! Youtube est plein de vidéos de la journée, et on vante le retour d’un lieu historique. On ne va pas s’en plaindre c’est médiatique mais dans les faits il est certain que finalement une chaine de pizzerias a sauvé un lieu poussiéreux de l’oublie !

Que dire de plus ? Allez-y ! Sans faire aucune pub, les pizzas de la Continental sont bonnes ! Et puis en sous sol, une salle de billards comme celle la, il n’y en pas beaucoup sur Buenos Aires, donc descendez l’escalier et installez vous à une table regardez les joueurs, ou encore mieux jouez !

Photo : Pizzas gartuites le 19 novembre 2014 lors de la ré-inauguration.

Conseil du Petit Hergé :

Vous êtes à Buenos Aires même que pour deux ou trois jours, vous passerez forcement sur Avenida de Mayo qui regorge de curiosités architecturales et de bars historiques emblématiques (comme on dit !). Renoncez au Tortoni si il y a la queue habituelle de brésiliens frénétiques qu’on y dépose en combis, allez plutôt du coté du nouveau London City Bar (av de Mayo 599). Si vous êtes plutôt en haut de l’avenida de Mayo (donc entre 09 de Julio et la Plaza Congreso) c’est forcement un passage au bar de l’Hotel Castelar (Avenida de Mayo 1152), un déjeuner au Plaza Asturias (Av de Mayo 1199) et un café au 36 billares (Av de Mayo 1271). Voila, je vous ai occupé pour une journée. Pour se rendre au 36 billares, métro Saenz Peña. On peut y manger et s’y désaltérer tout le temps du matin au soir (08h-02h du matin). Prix modiques, bon service et bonnes pizzas pour les amateurs. Demandez les fugazzas, taille dite « chicas » si vous êtes 2, et les « grandes » à partir de 3 personnes (jusqu’à 4). Ici on prend une pizza pour tous et on partage. On ne prend pas une pizza par personne. Quand on a fini et si on a encore faim, on en reprend une autre (aussi pour tous à partager !). J’aime bien aussi les Calzones. Prix novembre 2014 entre 150 et 200 ars une grande. (Ca fait 10 a 15 euros une grande pizza pour 4, ce n’est pas la ruine !).

Prenez votre temps, on ne visite pas Buenos Aires avec un chrono à la main ! L’avenida de Mayo ne se compte pas en musées mais en bars ! Donc de la Casa Rosada a Congreso c’est au moins 6 à 8 haltes pour petit déjeuner, déjeuner, gouter, apéro, diner et souper entre le matin et le soir sur 2 km de long !

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