Mise à jour : 02 septembre 2011. Catégorie : Buenos Aires. Article écrit par Renaud Dor.

Les différentes Ferias du Parque Rivadavia :

Sur l’avenida Rivadavia, le parc portant le même nom apporte une note verte et colorée au quartier de Caballito. C’est, la fin de semaine, le rendez-vous des promeneurs mais si le parc est connu c’est qu’il est devenu aussi la Mecque des collectionneurs et des bouquinistes. C’est aussi depuis une bonne dizaine d’années le paradis du piratage en tout genre de CD, de DVD, de jeux, de MP3 et de tout logiciel de dernière génération. Un parc, mais plusieurs ferias ! On a du mal à imaginer qu’il y moins d’un siècle s’élevait sur ce même terrain le palais de l’homme le plus riche du pays ! Photo : Les joueurs d'échecs sont présents tous les après-midis ensoleillés.

Le Parque Rivadavia, ancienne résidence d’été de la famille Lezica :

En 1846, Ambrosio Plácido Lezica (1808-1881) achète les terrains compris aujourd’hui entre Les avenues Rivadavia, La Plata et la calle Rosario. L’avenue Rivadavia est encore à cette époque une simple route qui relie le centre de Buenos Aires au village de Flores. La nouvelle demeure est donc installée au milieu de la campagne. Une imposante clôture composée de maçonnerie de ferronnerie et de divers portails entoure le terrain dans lequel, l’homme qu’on dit le plus riche d’Argentine à l’époque fait construire sa résidence d’été. C’est lui-même qui finance le pavement de l’avenida Rivadavia du centre jusqu’à sa résidence. En 1871, en raison de la fièvre jaune, la famille vient s’y établir toute l’année. Ambrosio Plácido Lezica y donne de très grandes fêtes ou il n’est pas rare de voir le président de la république Domingo Sarmiento jusqu’en 1874. En décembre 1881, Ambrosio Plácido Lezica meurt, et la famille doit réduire son train de vie. Les domestiques se font moins nombreux, le parc est moins entretenu puis la famille déménage dans la résidence du centre de Buenos Aires. Vers 1890, la famille Lezica n’y vient presque plus et en 1900 la résidence comme le parc sont totalement abandonnés. Personne n’ose s’y aventurer car on dit qu’il n’est occupé que par des voleurs et des fantômes. On parlait alors entre 1900 et 1920 de la « Quinta de los fantasmas ». Alors que la propriété devient peu à peu un terrain vague et que les bâtiments s’écroulent, la ville de Buenos Aires essaye a plusieurs reprise entre 1910 et 1920 de l’acquérir sans succès. Finalement c’est après une loi d’expropriation, en décembre 1927, que la Ville récupère le terrain pour en faire un parc, la famille demande qu’il prenne le nom de Lezica, mais finalement c’est celui de Rivadavia qui sera choisi une semaine avant l’inauguration. C’est encore le français Charles Thays qui sera chargé de transformer ce terrain totalement à l’abandon en parc municipal. Il ne reste plus rien des bâtiments de l’ancienne résidence, seule une « noria » (terme espagnol aussi utilisé en français qui désigne une roue à eau) est encore visible (Cherchez du coté du monument central de Bolivar). Après quelques mois de chantier, le parc Rivadavia est enfin inauguré le 17 juillet 1928.

Photo : En 1880, Ambrosio Plácido Lezica dans sa quinta à l'emplacement de l'actuel Parque Rivadavia.

Photos : En 1920, la Quinta Lezica n'est plus que ruines. A gauche une vue du portail principal d'entrée sur la calle Rivadavia. A droite, le jardin d'hiver totalement détruit.

La Feria del Ombu :

La plus ancienne, elle a lieu dans la partie centrale du parc du coté de l’Avenida Rivadavia, c’est la « feria de los Coleccionistas del Ombú del Parque Rivadavia » ou « Feria del Ombú ». Cette feria dominicale qui existe après quelques années d’existence du parc, débute en 1943 sous le patronage d’une revue « La Revista Rojinegro”. C’est la plus ancienne feria de Buenos Aires et se consacre exclusivement à la philatélie, aux vieilles monnaies, aux partitions de musiques, et aux cartes postales puis depuis les années 90 aux cartes  téléphoniques. Plus de quarante stands différents se retrouvent autour du vieil « Ombú » (un arbre appelé Belombra en français) le dimanche de 9h30 à 14h30. Vous trouverez des informations précises sur chacun de ces stands au www.ombudelrivadavia.com.ar

Le troc et la débrouille entre 1998 et 2003 :

A partir de 1998 mais surtout pendant la crise en 2001-2002, le parc est envahi, pendant la fin de semaine, d’habitants du quartier qui viennent vendre ou troquer tout ce qui peut l’être. Une simple couverture par terre sur laquelle on vend de tout ! C’est l’époque de la débrouille qui pousse alors chaque samedi et dimanche des milliers de personne à transformer le parc en un immense marché d’objets de tout type. Le gouvernement de la Ville y mettra fin à partir de janvier 2003, en entourant le parc de grille et en posant des portails pour ne plus y avoir accès la nuit. Le parc est ensuite entièrement replanté et redessiné, plus de 6 mois de travaux et enfin en juillet 2003 les portes sont de nouveau ouvertes, et le marché de l’Ombu est à nouveau ouvert !

 Photo : Dans la Feria de los Libros, il y a aussi des kiosques spécialisé dans les manuels scolaires. Photo : Renaud Dor. Août 2011

La Feria de « los libros » et de « los discos » :

A l’extrême Est du parc, en dehors de l’enceinte, du coté de la station de métro entre l’avenida Rivadavia et la calle Rosario sur 200 m s’étend une autre féria, la plus importante, celle des livres et des vieux disques vinyles qui au fil des années s’est enrichie de vente de CD-DVD (pirates et officiels).

Son histoire et sa formation reste encore un peu floues. Certains disent que c’est en 1953 pour la première fois, les habitants du quartier avaient l’habitude de se réunir le dimanche face à l’église de Caacupé de l’autre coté de l’avenue. Il s’agissait à ses tout débuts uniquement de vendre des vieux magazines, journaux et autres revues. Il n’y avait pas encore de livres. Depuis, la feria s’est étoffée et s’est développée surtout dans les années 70 avec des hauts et des bas au fil des crises pour enfin devenir stable et commencer à posséder ses propres kiosques à la fin des années 80. D’un simple rendez vous dominical, à partir de ces années 80, les kiosques ouvrent tous les jours sauf le lundi. Il convient cependant de noter que si ce marché dans les années 80 etait consacré à la vente de livres en tout genre l’offre, il s’est fortement diversifiée à partir des années 90 proposant K7 puis CD et enfin dans les années 2000, Dvd, Mp3 et toutes sortes de programmes informatique plus ou moins légaux.

Apres la ré-inauguration de la partie « fermée et grillagée », du parc en juillet 2003, la municipalité mit aussi un peu d’ordre dans les kiosques de la feria du libro qui se sont dressés les uns à cotés des autres se développant anarchiquement comme un bidonville. Je me souviens dans les années 90, que certains dimanches ensoleillés, il était presque impossible de pouvoir se frayer un chemin dans les allées délimitées par deux lignes de kiosques. Un grand nombre de Kiosque étaient illégaux et fonctionnaient sans même une seule autorisation ! La seule manière d’y mettre bon ordre fut tout simplement de le raser !

En 2004, la feria de los libros est renait dans un alignement bien plus germanique qu’avant et surtout avec de nouveaux kiosques flambant neuf portant numéro et patente. Ne croyez pas qu’elle ait perdu de son charme, bien au contraire, ce fut de nouveau un redémarrage fulgurant, et les après-midis ensoleillés apportent des milliers de visiteurs.

 

La Feria des collectionneurs :

Enfin la troisième feria, la plus petite et aussi la plus récente puisqu’elle ne date que de 1966, c’est celle des « coleccionistas » c'est-à-dire des collectionneurs mais uniquement de jouets, et de personnages de plombs, plastique et bois. Cette feria ne s’installe que les dimanches de beau temps du matin à l’après midi.

Le royaume du piratage :

Un visiteur non avertis serait surpris de voir sur les étales de la feria du parc Rivadavia des catalogues proposants des centaines d’albums de musiques, la plupart des jeux-vidéos aujourd’hui sur le marché quelque soit votre console de jeux, la quasi-totalité des programmes informatiques existants et bien sur une quantité inimaginable de films (Dvd, Blue Ray, DivX…) y compris des films très récents, à des prix défiants toutes concurrences. Le secret de ce marché si spécial réside bien évidemment dans le côté « piraté » de tous ces produits. Même si certains vendeurs s’appliquent à reproduire les pochettes des différents films ou albums, vous n’aurez pas le droit à un Cd original mais bien à une copie gravée. La qualité n’est cependant pas plus mauvaise et quand on connait les prix du marché officiel, en particulier des programmes informatiques (tels que Microsoft Office, Photoshop ou même Windows) l’offre parait plus que tentante. D’après ce que j’ai pu voir, comptez environ 10 pesos pour un film, 5 pesos pour un Cd de musique, et 15 pesos pour un jeu. Le prix des programmes informatiques peut varier en fonction du dit programme. A titre d’exemple, vous trouverez Microsoft Office et Windows 7 pour 20 pesos. Les personnes qui téléchargent déjà directement sur leurs ordinateurs ce genre de produits me diront que cette feria n’a pas d’intérêt, en effet, pourquoi payer ne serai-ce que 10 pesos alors que l’on peut télécharger tout ça gratuitement. A cela je réponds que  l’avantage de ce « marché pirate », en plus du côté financier, est la facilité d’accès. Finis les longues recherches sur des sites douteux dont on ne sait si elles vous donneront ce que vous cherchez. Ici vous trouverez absolument tout et n’importe quoi et ce très facilement. Il vous suffit de feuilleter les gros catalogues disposés sur les stands et de voir ce qui s’offre à vous. Se pose ensuite la question délicate de la légalité de cette offre et de tous les problèmes de droit d’auteur. Je ne m’aventurerai pas sur ce terrain glissant et ne prends en aucun cas partie dans ce débat, j’informe simplement de ce que propose la Feria du parc Rivadavia.

  

Bouquins et vielles revues :

Il convient d’ailleurs de souligner que ce côté « marché pirate » ne constitue pas l’intégralité de la feria. De nombreux stands sont en effet de simples bouquinistes. Là encore l’offre est diverse et très variée avec quand même une grande majorité de produits d’occasions. Certains étalages sont spécialisés dans la littérature classique, d’autres dans les vieux policiers, un homme propose uniquement des comics (« historietas » en Argentine)(et cachent peut être quelques merveilles pour un connaisseur), certains vendeurs se sont spécialisés dans les magasines et gardent les anciens numéros, un stand est composé de cartes de jeux de rôle (Magic, Yu-Gi-Oh, Pokemon…), un autre est un mélange totalement foutoir de tous ces produits avec des piles désordonnées de livres en tous genre, le stand lui-même semble être fait en bouquins et abrite un vieille homme barbus  qui semble être ici depuis la nuit des temps protégé des vents et marrées par ses murs de papier jaunit. Vous trouverez également des Dvd et des Cds de musique (originaux) en grande quantité. Comptez cette fois entre 15 et 30 pesos pour un film, et en moyenne 25 pesos pour un album. Certains stands de musique sont d’ailleurs particulièrement impressionnant tant la quantité de Cd est grande ! Vous pourrez voir en effet des piles et des piles de Cds du sol au plafond, devant, derrière, de toutes parts du vendeur.

Firmin Belli : Kiosque nº 67

Je m’approche donc d’un de ces stands et entame la discussion avec son vendeur, la cinquantaine, t-shirt « Iron Maiden », cheveux gris frisés mis-long : la parfaite caricature du vieux métaleux Argentin. Firmin Belli du poste N°67 s’avère très sympathique et nous commençons à parler musique. Comme on pouvait s’y attendre son stand cache de nombreuses merveilles et va bien au-delà des limites du rock ou du métal. Il me parle ainsi de plusieurs groupes de reggae Argentin, de blues, de jazz, de soul… Grâce à son ordinateur branché à la sono du stand il me fait écouter différents artistes et me parle également un petit peu du fonctionnement de la feria. Les stands de Dvds, programmes ou musiques piratés n’ont pas l’air de déranger Firmin outre mesure, et il m’explique que ce côté pas vraiment légal du marché se maintient grâce à un petit arrangement avec la police. Chaque stand proposant des produits piratés doit payer 1000 pesos par semaine à la police locale pour ne pas avoir d’ennuis. Après cela, il n’y a aucun problème et tout se passe très bien. La discussion continue, Firmin m’avoue qu’il est là tous les jours de la semaine et qu’il à toujours voulu être disquaire. Je m’éclipse quand le débat s’oriente vers la politique et que Firmin commence à me parler de révolution.

  

Photos : le Kiosque de Firmin Belli. Aout 2011. Cliquez sur les photos pour les agrandir.

Fiche technique :

L’adresse exacte : Rivadavia entre les 4700 et 4900.

Pour s’y rendre : Metro ligne A. Station Acoyte.

Les horaires : Le parc secteur grillagé ouvre au lever du soleil pour fermer au crépuscule.

Feria del Ombu : Uniquement le dimanche matin jusqu’à 14h30

Feria du Collectionneur : Uniquement le dimanche matin et après midi.

Feria du livre : Tous les jours (le lundi c’est quand même un peu mort), les plus gros jours : vendredi, samedi et dimanche.

Les conseils du Petit Hergé :

A l’inverse des autres ferias de Buenos Aires, celle des livres et des disques est ouverte toute la semaine avec un léger passage à vide le lundi ou seuls un tiers des kiosques ouvrent. Donc dès qu’un rayon de soleil pointe son nez, filez dans le quartier de Caballito pour y passer un bon moment ! Même pour les francophones, on trouve des vieilles revues françaises. Pour les livres, un peu plus cher que la feria du Parque Centenario, mais bien moins cher que celle de San Telmo ou de la Plaza Italia. Pour les films et les programmes informatiques, pas de doute, tout se passe ici !

Le parc est bordé sur son périmètre de bars et de glaciers, donc c’est un endroit excellent pour y passer quelques heures.

Photo : "La Calesita" Le Manège du Parque Rivadavia. Août 2011. Photo Petit Hergé.

A lire dans le Petit Hergé :

Rosario : Boutiques, marchés et shoppings- Marchés, Ferias et Shopping à Rosario.(Septembre 2010). Il existe sept marchés en ville, presque tous dans le centre, donc facile de s'y rendre à pied. Toujours installés le dimanche en plein air sous quelques tentes, certains ouvrent aussi le samedi.

La Feria de Mataderos à Buenos Aires- La Feria de Mataderos à Buenos Aires.(Août 2011).Se rendre à la feria de Mataderos, c’est l’occasion de sortir un peu du centre ville pour profiter du folklore Argentin.

 

Tilcara (Jujuy) - Tilcara à Jujuy.(Juin 2010). Le nom du village de Tilcara vient du nom même des indiens habitant dans les parages : les tilcaras. Ceux-ci faisaient partie des omaguacas.

 

Bar El Británico (San Telmo - Buenos Aires)- Bar Britanico de Buenos Aires.(Août 2011). Sa façade recouverte de bois, et ses miroirs muraux en font probablement l’indéniable charme. Mais que l’on soit un habitué du quartier, ou simple promeneur de passage, une halte au Britanico est toujours l’excuse pour prendre le temps de boire un café.

 
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