El Picadero : Un théâtre renait à Buenos Aires
20 mai 2012Mise à jour : 28 septembre 2016 (2ème édition). 20 mai 2012 (1ère édition)
Tout débute par une fabrique de bougies :
Lorsqu’on regarde le bâtiment de l’extérieur, le théâtre présente une façade peu habituelle pour un théâtre, en effet il s’agit d’un bâtiment industriel datant de 1926 qui fut construit pour abriter une fabrique de bougies de voiture. Ce premier bâtiment fut construit par l’architecte milanais Benjamin Pedrotti qui était déjà l’auteur des grands magasins Gath & Chaves installés dans le micro centre à l’intersection de la calle Florida et de la calle Sarmiento. On y fabriquait donc des bougies de voitures de la marque Bosch ou plutôt « American Bosch » comme on les désignait ici en Amérique, car au début de la première guerre mondiale, le gouvernement des Etats-Unis expropriait les allemands de leur société pour transformer toutes les succursales et fabriques de la marque en créant une nouvelle société qui gardait le « Bosch » tout en y accolant « American ». C’est ainsi que Don Armido Bonelli représentant et propriétaire de la franchise pour l’Argentine, ouvra dans un passage du quartier de Congreso sa première fabrique. Si on s’intéresse de plus prés à la façade, on aperçoit sur le fronton encore les initiales de la marque « AB » ainsi qu’une figure humaine du « Fritz » qui symbolisait un aviateur allemand. A se demander si justement cette marque n’est pas à l’origine des deux surnoms péjoratifs de nos voisins allemands dès la première guerre mondiale (Fritz et Bosch).
Photo : Même angle, le Teatro Picadero à l'abandon en juillet 2007. |
Photos : A gauche, le passage Rauch dans les années 30. Un marché occupe l'espace, sur le trottoir de droite au centre la fabrique Bosch. En dessous, le logo de American Bosch, au dessous, la figure de l'aviateur Fritz sur la façade du Théâtre.
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Un passage pas comme les autres :
Autre particularité de l’endroit, le passage. En effet il n’est pas comme les autres. Imaginer un passage en forme de « S » dans cette ville rectiligne en damier. Sa forme s’explique par le passage de la première voie ferrée d’Argentine en 1857 qu’empruntait la locomotive « La Porteña » (On la trouve aujourd’hui exposée dans le musée des transports de Lujan). La voie venait de la Station Centrale de la Plaza Lavalle, empruntait la calle Lavalle et au niveau de Callao déviait sur la gauche en un « S » pour rejoindre l’avenida Corrientes et filer sur la Gare de Once pour terminer dans le quartier de Floresta. On nomme alors cet endroit de courbe de l’Ouest (La compagnie des chemins de fer se nommant Ferrocarril del Oeste), ou aussi de Courbe des Oliviers (Curva de los Olivos), et même de Courbe de los Hornos de Bayos (les fours de Bayos). En 1883, la gare de la Plaza de Lavalle est détruite (laissant place au Teatro Colon) et les voies sont démantelées en 1893 jusqu’à la gare de Once qui devient à son tour Gare Terminus. C’est a cette époque que le « S » devient un passage et qu’on le nomme Pasaje Federico Guillermo Rauch, en l’honneur d’un allemand (de son vrai nom : Friedrich August Rauch ) qui, entre 1826 et 1827, organisa trois campagnes contre les indiens Ranquel de la Pampa (Un véritable carnage sans distinctions de sexe ou d’âge). Il est mort entre les mains des mêmes indiens en 1829 durant les guerres de sécession entre Fédéralistes et Unionistes. Le temps passant, il est certain qu’à la fin du XXème siècle, cet illustre « héros » perdant aux yeux de nos contemporains du panache dans ces glorieuses batailles, les autorités de la ville de Buenos Aires décidèrent en 1988 de rebaptiser le passage du nom d’Enrique Santos Discépolo (Un musicien, compositeur de tango, et dramaturge bien plus pacifiste). Une plaque aujourd’hui est fixé du coté de l’Avenida de Corrientes à la mémoire de ce fils de Buenos Aires. Pourtant ce petit bout de rue ne fut pas seulement synonymique de fabrication de bougies, de l’expansion prometteur du rail en Argentine ou d’un lieu de prédilection au développement des arts, car à la fin du XXème siècle, une fois les rails enlevés, la forme en S lui donna une certaine notoriété pour ce qui est le plus vieux métier du monde. En effet les maisons closes s’y installèrent et purent (une façon de parler) y ouvrir grandes leurs portes puisque ce petit bout de rue était en dehors de tout axe de circulation donc très discret. Si jusque dans les années 40, on empruntait le passage ce n’était pas vraiment par hasard. Existait aussi au milieu du passage, une fois par semaine, une « Feria Franca » c'est-à-dire un marché jusqu’à la fin dans les années 50.
Photo : La locomotive "La Porteña" la première à avoir circulé en Argentine et à Buenos Aires et qui prenait le passage de Rauch pour passer de la calle Lavalle à celle de Corrientes. |
Photos : De gauche à droite, Le Teatro del Picadero en 1980 pour l'inauguration. Le même à l'abandon en novembre 2007, et le 06 août 1981 après l'attentat. |
Photo : En novembre 2007. La démolition arrive sur les murs du Théâtre, les pelleteuses s’apprêtent à le détruire. |
Photos : Même angle de vue du théâtre Picadero avec l'ensemble de l'architecte Mario Roberto Alvarez qui se monte progressivement sur l'Avenida Corrientes. De gauche à droite : Septembre 2008 / Février 2009 / Juin 2010. |
Le projet est confié par Sabastian Blutrach à l’architecte Gustavo Keller et le consultant technique est Marcelo Cuervo. Le théâtre possède une seule salle de 296 places et disposera d’un bar et d’une confiteria dans le hall d’entrée. Bien que Blutrach programme des saisons plus commerciales sur ses salles du Metropolitain, son idée est de faire du Picadero une salle « alternative » en mémoire au Teatro Abierto des années 80, la salle est plus petite que celles du Metropolitain et donc peut se permettre de prendre plus de risque sur des œuvres plus originales. Mardi 22 mai 2012, sera l’inauguration officielle, avec autorités de la ville pour la présentation d’une œuvre musicale « Forever Young », adaptation de Daniel Casablanca d’une pièce norvégienne. La salle sera ouverte au public à partir du mardi 29 mai 2012. Bonne chance au nouveau théâtre !
Nous sommes en septembre 2016, et le théâtre a réussi à faire sa place dans le panorama culturel de la ville. Il y a au rez de chaussé un resto-bar qui propose à midi (du lundi au vendredi) comme en soirée (toute la semaine) des plats originaux. Comme le passage est piéton, possible de se restaurer à l'air libre. J'y vais assez souvent ! Le site web : http://www.teatropicadero.com.ar/ |
Vidéo : En 10 minutes en accéléré les mois de travaux pour transformer un lieu vide en un théatre. |
Fiche Technique :
Teatro El Picadero : Latitude : 34°36'13.66"S. Longitude : 58°23'35.88"O Adresse : Pasaje Enrique Santos Discépolo 1857. Métro : Callao (Ligne B) à 100 m.
Il y a des oeuvres tous les soirs.
Photo : Emplacement en rouge du Théâtre. Cliquez pour agrandir. (1024 x 708) |
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