Mise à jour : 16 juillet 2011. Catégorie : Buenos Aires.

Article écrit par Leo Sounigo

La librairie Teatro Grand Splendid de Buenos Aires :

Au cœur de la foule et du bruit de Santa Fe, on peut y apercevoir une simple librairie… ou presque. En pénétrant dans El Alteneo, au numéro 1860 de l’Avenue Santa Fe,  l’endroit suscite de l’intérêt : s’offrent à nous des dizaines de rangées de livres, des canapés sur lesquels les visiteurs, bien décidés à rester, sont plongés dans leur lecture et une grande salle centrale à l’allure majestueuse, ornée de moulures et délimité par un café moderne ; elle présente également une impressionnante fresque au plafond. Librairie énigmatique, ou même mystérieuse, ce lieu plein de symboles, offre une véritable vision d’un mariage inattendu entre le moderne et l’ancien, et dans laquelle une véritable vision de l’homme et de sa supériorité sur la nature transparait.

A voir absoluemnt lors de votre visite de Buenos Aires ! Ouvert tous les jours !

Photo : Façade de l'Ateneo Splendid sur l'avenida Santa Fe.

Le Théâtre du Grand Spendid (1919) :

Cette librairie est originellement un théâtre, de 2000 mètres carrés et pouvant accueillir jusqu'à 1050 spectateurs. Le théâtre du Grand Splendid, a été construit sous les ordres de Max Glucksmann et  a été inauguré en mai 1919: ce dernier, d’origine juive autrichienne et arrivé à Buenos Aires au début du siècle, est un pionnier de l’industrie cinématographique et phonographique. Il a rendu possible la construction de ce théâtre grâce à la fortune qu’il a gagné au cours de ses premières années ; fortune rendue possible grâce à la création d’une comédie musicale. C’est ainsi que Glucksmann fait appel aux deux architectes, inconnus du grand public : Pero et Tores. Mais lorsque l’on lève les yeux, on peut alors apercevoir un dôme majestueux, conçu par l’artiste Italien Nazareno Orlandi .Ce dôme est une allégorie qui illustre la fin de la première guerre mondiale, dans un style très particulier qui réconcilie le romantisme et le maniérisme. La particularité de cette coupole est que l’on peut observer  avec précision chaque personnage, et cela de n’importe quel endroit du théâtre.

Radio Splendid (1924) :

La force Max Glucksmann aura également été de fonder sa propre radio en 1924 : Radio Splendid dont les bureaux seront situés tout en haut de l’ancien théâtre. Grace à cette radio, il a produit de nombreux enregistrements qui se sont propagés dans toute l’Europe : c’est ainsi qu’Enrique Delfino, un des grands du tango et qui a directement travaillé avec Glucksmann aura été auteur d’un morceau de piano en 1922 « Splendid Grand » et que fera office d’hymne pour le théâtre du Splendid.

Pendant un moment, on pourra y voir de nombreuses représentations théâtrales avec notamment des comédiens du moment, comme Gardel ou Corsini. Mais dès la fin des années 20, le théâtre se transforme en cinéma et à partir de 1929 : le premier film parlant d’argentine, « La Divina Dama »  (La Dame Divine) est projeté.  L’histoire du Splendid semble en fait  osciller entre le théâtre et le cinéma, puisqu’au début des années 70, le lieu est à nouveau reconvertit en un théâtre ; effet,  en 1964,  Clement Lococo racheta le lieu pour lui donner toute cette dimension théâtrale. C’est un théâtre dans lequel Mirtha Legrand, fera des apparitions assez fréquentes. La dernière représentation aura alors lieu à la fin des années 70, avec la comédie « 40 quilates », dans laquelle Mitha Legrand joue le rôle principal. Cette comédienne semble toujours avoir entretenue une relation particulière avec le théâtre, puisqu’elle animait avec sa sœur dans les années quarante une émission de radio (Le club de l’amitié) sur la station crée par Glucksmann.

 Photo : Oscar Aleman et son quinteto de jazz dans les studios de LR4 Radio Splendid.

La télévision (1931) :

Un des premiers essais de télévision :

Depuis 1926, se font à travers le monde des essais de Télévision. L’annonce le 27 janvier 1926 par le scientifique écossais John Baird de premières expériences lance à travers le monde une course effrénée à des améliorations techniques pour que chaque nation montre sa suprématie nationale dans ce domaine. En France la première retransmission a lieu à Malakoff le 14 avril 1931, d’images de 30 lignes. Quelques mois plus tard, en Argentine et plus précisément dans les studios de Radio Splendid ont lieu la premier retransmission de l’image de Carlos Gardel, c’était le 11 aout 1931. L’image est reçue uniquement par de fanatiques radioamateurs qui s’empressent d’envoyer des courriers à Radio Splendid pour confirmer la bonne réception. (De la ville de la Plata, un autre de la province de Corrientes, enfin un autre du Chili).

Ci contre (cliquez pour agrandir et lire), un article de Radio Revista de septembre 1931, expliquant la retransmission d’un court extrait de film de Carlos Gardel.

 

Du cinéma au livres :

Des planches au grand écran, le Splendid diffusera des films comme « Hacia la felicidad » de Ingmar Bergman (1950), les 400 coups de François Truffaut, ou encore  le film American Beauty de Sam Mendes en 1991.  A cette époque, l’économie argentine est en pleine crise, et le secteur du bâtiment va mal. Le théâtre était alors destiné à la démolition. Heureusement, alors que le groupe ILHSA , alors propriétaire de la chaine de librairie Ateneo argentin, a repris le théâtre.  En 2000, l’architecte Fernando Manzone est  en charge de la restauration du théâtre qui avoisine un montant d’environ de trois millions de dollars. Le magasin est alors parvenu à conserver sa beauté et sa structure originelle, afin que le Grand Splendid, soit rapidement reconnu comme l’une des librairies les plus incroyables du monde. Le 11 janvier 2008, le journal Britannique, The Guardiann classait El Ateneo Grand Splendid comme la deuxième plus belle librairie du monde, juste derrière la librairie hollandaise Boekhandel Selexyz Dominicanen, située dans une église. Le succès de cette librairie, si originale n’est pas prêt de s’arrêter : en 2007, plus de 700 000 livres ont été vendus et plus d’un million de personnes pénètrent dans le lieu chaque année.

 

Photo : Vue de la salle à partir du troisième balcon aujourd'hui fermé au public.

La plus grande librairie d'Amérique du sud :

C’est ainsi qu’aujourd’hui El Ateneo Grand Splendid est la plus grande librairie d’Amérique du Sud, puisqu’elle reçoit environ plus de 3000 personnes par jour et est ouverte jusqu'à 22 heures ou minuit le week end.  Il faudra donc désormais parler d’un magasin de plus de 2000 mètres carrés, sur quatre étages, contenant environ 200 000 livres et 10 000 DVDs. Au 2ème étage, El Ateneo semble avoir conservé une certaine tradition musicale puisque sont en ventes plus de 25 000 Cds ; dans la cave, en revanche, on a accès à des Cds concernant une musique plus populaire. On peut compter environ 4000 titres non espagnols. Sur les étages supérieurs, les couloirs latéraux mettent en avant des photographies en noirs et blancs des grands du tango qui se sont représentés sur la scène du Splendid comme Fransisco Canaro, Carlos Gardel ou encore Ignacio Corsini.

Ce lieu magique, et énigmatique, semble apparaître comme l’un des lieux les plus spectaculaires de Buenos Aires. C’est un lieu dans lequel, l’activité culturelle reste remarquable : en effet, de nombreuses célébrités nationales et internationales, ont visité cet édifice,  participé à des évènements organisés par le théâtre ou encore présenté leur travail. Pour n’en citer que quelques uns : Paul Auster, Gustavo Santaollada, ou encore Silvio Rodriguez. El Ateneo est donc bien plus qu’une simple librairie : c’est un lieu complexe, qui déborde de sens et de significations.

Un bar sur scène :

Sur la scène, symbole de la réconciliation entre le moderne et l’ancien, on peut aller boire un verre ou manger un morceau, dans un café indépendant de la librairie. Le décor est très moderne. Sur une estrade, et à partir de 18heures, on pourra écouter un pianiste très talentueux et capable de jouer un répertoire très large, alternant entre bossanova et Lettre à Elyse de Mozart. A coté de lui, on peut admirer des tableaux d’une artiste contemporaine Nora Cherna Najovsky représentant des espaces géométriques diverses et variés. Art, musique et dégustation sont donc au programme : en effet, on pourra gouter quelques spécialités comme un bon Frapuchino (30 pesos), ou encore une sublime pizza au jambon cru, roquette et parmesan (42 pesos). Il s’agit uniquement d’une confiteria, il ne faut pas non plus s’attendre à y gouter des plats raffinés. Uniquement pour s’y reposer un moment pour contempler le spectacle des visiteurs et de l’ambiance.

Photo : Le coté bar sur la scène. 

Les conseils du Petit Hergé :

Installé en plein Barrio Norte, anciennement le centre des cinémas de la zone lorsque le quartier des intersections des avenidas Santa Fe et Callao était encore le haut lieu de rendez vous cinéphile de la bonne bourgeoisie du tout Recoleta. Les cinémas ont peu à peu disparu lors de la décennie 1990 et 2000. Le dernier à disparaître fut l’Atlas du coin Ayacucho et Santa Fe en mai 2011 (construit en 1986). Il n’y en a plus un seul dans le quartier !!! Dans quelques mois, ouverture du Mall Recoleta qui va permettre de retrouver des salles non loin de là.

La salle du Splendid est donc le dernier vestige de cette époque. Plus qu’une visite d’une librairie, c'est aussi une manière de découvrir ces anciennes salles qui ont eu la chance d'echaper à la démolition. A voir donc absolument ! A intégrer dans votre visite du quartier de Recoleta !

 

Photo : Le premier niveau de la librairie.

 A lire aussi dans le Petit Hergé :

Centre Commercial Mall Recoleta (Buenos Aires)- Le centre commercial Mall Recoleta. (Mars 2011).

 

 

Alto Palermo Shopping de Buenos Aires- Alto Palermo Shopping. (Septembre 2010).

 

 

 

Cimetière de Chacarita (Buenos Aires)- Le cimetière de Chacarita. (Septembre 2010).

 

 

- Musée d'art espagnol Enrique Larreta de Buenos Aires. (Septembre 2010).

 

 

 

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