Cimetière de Chacarita (Buenos Aires)
12 sept. 2010Mise à jour : 12 septembre 2010. Article écrit par Mathilde Arrault.
Le cimetière de la Chacarita : Les espaces paisibles et propices au recueillement se comptent sur les doigts de la main dans Buenos Aires, « la ville qui ne dort jamais ». Et incontestablement, le cimetière de la Chacarita en fait partie. Avec une superficie de 95 hectares, ce cimetière est le plus grand des 3 cimetières de la ville (les deux autres étant ceux de Flores et de Recoleta), et même plus grand que le parc 3 de Febrero qui s’étend sur 25 hectares. Ce cimetière est l’un des plus grand du monde, et fait indéniablement partie des monuments de la ville de Buenos Aires, au vue de la diversité de ses constructions, sa richesse architecturale et des célébrités qui ont choisi d’y reposer. Photo : Entrée principale du cimetière de Chacarita. |
Le plus grand cimetière de Buenos Aires :
La paix règne dans ce cimetière aux visages multiples. Face à l’entrée, plusieurs cuadras de mausolées qui une fois traversées, offrent à la vue des visiteurs un vaste espace dégagé et verdoyant. Des tombes, mais aussi des galeries de niches funéraires, enterrées ou surélevées, sur plusieurs étages. Au nombre de 27, chaque galerie abrite environ 50 000 niches pour placer ossements ou cendres. Le cimetière de la Chacarita compte également deux secteurs privés : le cimetière allemand et celui britannique. En 1892, les communautés protestantes allemande et britannique obtiennent une concession à perpétuité. C'est l’architecte hongrois Kronfuss qui est l’auteur du portique d’entrée de la partie allemande, en 1915, ainsi que de la chapelle, en 1925. Ces deux édifices font désormais partie du Patrimoine Historique National. Un lieu de repos, de méditation, c'est comme ça que Carlos, fossoyeur au cimetière depuis 20 ans, conçoit son lieu de travail. Il regrette que la plupart des personnes considèrent les cimetières comme des lieux lugubres, de peine, de mort. Car la vie, ce n’est pas ce qui manque à la Chacarita : le cimetière compte un grand nombre d’employés, qu’ils soient fossoyeurs comme Carlos, jardiniers, gardiens de sécurité ou employés chargés de l’administration. |
Un peu d'histoire :
Son nom vient du mot quechua “chacara” ou chacra”, qui signifie grange. Le terrain partage l’histoire des quartiers voisins, Agronomia, Colegiales, La Paternal et Villa Ortuzar. Ces terres appartenaient originairement aux pères jésuites, et après leur expulsion en 1767, elles passent aux mains de l’Etat. La maison de campagne de la Chacarita est alors utilisée comme lieu de vacances pour les élèves du « Real Colegio Convictorio Carolino de Buenos Aires », qui devint ensuite Colegio Nacional sous le gouvernement de Mitre. En 1871, une épidémie de fièvre jaune frappe la ville, quelques années après la peste de choléra. Il devient indispensable pour la municipalité de construire de nouveaux cimetières, ceux existant étant déjà saturés, et le Cimetière Nord (actuel cimetière de Recoleta) ayant été fermé à toute inhumation liée à l’épidémie. Un terrain de 5 hectares, qui correspond aujourd’hui au Parc des Andes, ou plus communément appelé Vieux Cimetière, est donc alloué à cette fin. Le cimetière est inauguré le 14 avril 1871, et Monsieur Munilla en est le premier administrateur. Le premier corps inhumé est celui d’un maçon nommé don Manuel Rodriguez. L’épidémie fut d’une telle ampleur que plusieurs centaines de corps étaient inhumés quotidiennement. D’après un témoignage, jusqu’à 564 corps furent inhumés le même jour, les cérémonies s’étendant sur la nuit, à la lueur des torches. Les corps des victimes de l’épidémie étaient acheminés jusqu’au cimetière par une locomotive, appelée « la Porteña ». Le cimetière souffre donc pendant longtemps d’une mauvaise réputation : un cimetière pour « pestiférés », desservi par le « train de la mort »… rien de bien réjouissant. En 1875, l’activité du cimetière fut suspendue, suite aux plaintes des riverains. Ceux-ci ne supportaient plus les odeurs liées aux conditions d’inhumation massive des corps. L’activité reprend en 1887, avec de meilleures conditions, non plus dans le Parc des Andes mais dans une partie plus récente connue sous le nom de « la nouvelle Chacarita ». Par l’Ordonnance du 30 décembre 1896, le cimetière change de nom et s’appelle « Cimetière Ouest » (Cimentario del oueste) ; et ceci jusqu’au 5 mars 1949, date à laquelle il prend le nom de « cimetière de la Chacarita ». Il abrite le crématorium municipal, en fonction depuis 1904, qui a connu un agrandissement en 1930. Photo du haut : Ancienne chapelle jésuite de la Chacarita. En bas : La locomotive La Porteña tire le train des morts jusqu'à Chacarita. |
Les personnalités qui y reposent en paix … ou presque : Boudé par les guides touristiques bien qu’y soient enterrés Carlos Gardel, Luis Sandrini ou encoré Alfonsina Stoni, le cimetière de la Chacarita reste dans l’ombre de celui de Recoleta. Des visites guidées sont organisées 2 fois par mois ou sur demande, pour les groupes touristiques, majoritairement des aficionados du tango venu se recueillir sur la tombe de Gardel. Malheureusement les tombes des célébrités n’attirent pas que les touristes mais aussi les voleurs qui profanent les sépultures. En 1987, la tombe du général Perón est ouverte, et les mains du cadavre volées. Le mobile économique a d’abord été envisagé (sur la bague que Perón portait au doigt figurerait le code secret permettant l’accès aux comptes bancaires suisses) puis écartée pour un motif politique. Aujourd’hui les restes du corps ne se trouvent plus à la Chacarita mais ont été transférés au manoir de San Vicente. Si cette affaire est bien connue, la grande majorité des profanations ne concernent pas les corps : beaucoup plus fréquemment ce sont les décorations funéraires qui sont la cible de voleurs. Ainsi les plaques commémoratives sur la tombe de Carlos Gardel, des trésors aux yeux des collectionneurs, sont souvent dérobées. La dernière tentative est récente, elle remonte à mai dernier. Il y est actuellement difficile d’empêcher de tels actes, à moins de poster un vigile ou placer une caméra de surveillance devant la sépulture. Photo : La tombe de Carlos Gardel. |
Un monument laissé à l’abandon : Mais alors que la municipalité fait l’éloge de l’excellence architecturale du cimetière, la réalité n’est pas aussi glorieuse. Un simple regard jeté dans les galeries est suffisant pour se rendre compte que le cimetière manque de moyens. Le carrelage y est défoncé, les murs et plafond dégradés, les vitres cassées et certaines niches vides recouvertes de bâches plastifiées. Des ascenseurs servaient autrefois à accéder aux différents étages des galeries. Aujourd’hui ce ne sont plus que des cages en ferraille rouillée, certaines ayant été forcées, et condamnées grossièrement à l’aide de chaînes. On se sent d’avantage dans un entrepôt à l’abandon rongé par l’humidité ; ce qui laisse imaginer que les ossements et cendres déposés ne se trouvent pas dans les meilleures conditions de conservation. Si le cimetière est globalement bien entretenu, certains secteurs périphériques le sont moins. Ainsi des tombes laissées à l’abandon, envahies par les herbes, s’étendent devant l’ancienne galerie donnant sur l’avenue Elcano. Le portique d’entrée est condamné par un mur en brique tagué, et les pigeons se sont appropriés les niches, vidées de sépultures, mais dans lesquelles on peut trouver bouteilles de bière vides et détritus en tout genre. Il semblerait que le cimetière de la Chacarita ne soit pas au cœur des préoccupations de la municipalité, en ce qui concerne le budget consacré aux travaux publics ; contrairement au cimetière de Recoleta, qualifié dans les rapports municipaux de « zone de grande valeur historique et symbolique de la ville ». En 2008 déjà, Sandra Bergenfeld, présidente de l’AGCBA, l’institut d’audit de la ville de Buenos Aires, avait dénoncé la mauvaise gestion du cimetière, notamment le non respect des normes concernant le traitement des dépouilles, et le manque d’entretien de certains secteurs. Un rapport de cette époque souligne la mauvaise gestion des ressources économiques et humaines du cimetière de la Chacarita : à peine la moitié des projets sont effectivement réalisés, et le cimetière souffre d’un manque évident de personnel qualifié. Une tendance se dessine depuis déjà quelques années et pose là encore un défi en termes de gestion : les exhumations diminuent au profit des inhumations, ce qui provoque une hausse des besoins en niches et urnes pour recueillir les cendres. Le cimetière rencontre donc des difficultés à satisfaire la demande en crémation, de stockage et entretien. La municipalité affiche fièrement à l’entrée du cimetière les détails de la restauration du portique en 2008, il serait maintenant temps qu’elle se charge de l’entretien des batiments et sépultures. Parce que si la façade flambant neuve fait illusion auprès des passants, elle ne dupe pas les visiteurs venant se recueillir à la Chacarita. |
Fiche technique : - Adresse officielle : Av Guzmán 680. En fait la porte principale se situe juste à la fin de l'avenida Corrientes à l'angle de l'avenida Federico Lacroze. Pour s'y rendre : En métro Station Federico Lacroze (Ligne B). Juste à la sortie de la station. |
Les liens extérieurs : - Affaire de la profanation de la tombe de Peron. Article de la Nacion du 27 juin 2004. |
A lire dans le Petit Hergé :
- Tourisme dans la ville de Buenos Aires.(Septembre 2008). - Le zoo de Buenos Aires.(Août 2009). - Mercado de Abasto de Buenos Aires.(Septembre 2008). - Musée Fortabat à Buenos Aires.(Août 2009). - Les cantines de Buenos Aires.(Juillet 2009). - Jardin botanique de Buenos Aires.(Août 2009). - Musée National des Arts Décoratifs.(Août 2010). - Les belles demeures de Mar del Plata.(Septembre 2008).
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