Mise à jour : 03 septembre 2010. Article de Martin Texier.

Plus d’importation, moins d’investissement

 

Les mesures protectionnistes prises par le gouvernement argentin ces derniers mois pour réduire les importations (taxe sur les produits électroniques, etc...) visent à réduire le déséquilibre de la balance commerciale argentine, due à la forte augmentation des importations en comparaison aux exportations. D’après les chiffres officiels, au premier semestre 2010 les importations ont augmenté de 43% comparé à la même période en 2009, tandis que les exportations ont augmenté de 18%. Cette évolution est à due à plusieurs facteurs, souvent liés à l’importante inflation.

 

Coût du crédit inférieur à l'inflation :

L’augmentation de la consommation en Argentine fait croître naturellement les importations, de même que l’existence de crédits à la consommation à taux négatifs (coût de l’emprunt qui devient négatif avec l’inflation) qui poussent à la consommation – les argentins consomment toujours plus bien que les prix augmentent : achats à crédit de voiture, d’immobilier ou souvent de produits partiellement importés.

Les investissements dans les entreprises sont insuffisants pour permettre de suivre la demande de production, car les investissements à long terme sont risqués en Argentine.

Tous ces facteurs sont ainsi liés à l’inflation en Argentine que ne suivent pas ou peu les cours de change internationaux; de ce fait, les argentins ont plus de pesos donc plus de pouvoir d’importation et exportent toujours plus difficilement.

 

 

A la limite de la production et en manque d'energie :

Certains secteurs de l´économie argentine voient leurs commandes augmenter fortement, comme les secteurs de l’industrie lourde. Cependant, les capacités de production de l’industrie argentine atteignent leurs limites et sont confrontées au manque d’investissement. C’est pourquoi certaines entreprises continuent à demander au gouvernement, en plus du protectionnisme qu’il a développé, des plans d’aide au financement et au développement de leur activité, afin de protéger à la fois le marché et l’emploi en Argentine, comme cela c’est passé dans les pays occidentaux ces dernières années.

D’un autre côté, les secteurs de l’ISI (industrie de substitutions aux importations, comme le textile, le papier ou l’industrie chimique), qui ont pendant longtemps été le fer de lance des pays latino-américains, voient leur activité stagner.

Enfin, l’industrie agro-alimentaire argentine peine à se maintenir à niveau. Certains représentants parlent de pertes chroniques et affirment que le production est toujours en baisse. L’Argentine importe de plus en plus de produits étrangers qui deviennent moins cher que les produits argentins – et cette année pour la première l’Argentine importe de la viande !

La crise énergétique vient elle aussi contribuer à ce déséquilibre. Les chiffres de l’importation de combustibles ont fortement augmenté ces derniers temps, surtout depuis l´hiver où l’Argentine ne peut plus se fournir seule en gaz : il est importé de Bolivie à des prix toujours plus élevés et certains secteurs d’activité se retrouvent sans énergie.

Photo : Acheter aujourd'hui en pesos et payer sur 5 ans en spéculant sur une dévaluation de la monnaie. Un système dangereux qui pousse à la consommation donc à la production et à l'importation de biens.

 

Freins à l'importation au lieu d'une aide à l'investissement :

Tous ces signaux d’alerte ont poussé le gouvernement à prendre des mesures protectionnistes et à faire pression sur les entreprises qui importent pour freiner la croissance des importations.

Guillermo Moreno, ministre du Commerce Intérieur, est à l’origine de plusieurs lois qui ont favorisé le protectionnisme argentin ces derniers mois.

Bien que ces lois permettent à l’industrie argentine de continuer à vendre, elles bloquent une part croissante des activités argentines qui vivent des importations.

 D’après les économistes du pays, les lois de Moreno ne sont pas une bonne solution car ce ne sont pas des freins à l’importation dont a besoin l’industrie argentine, mais d’un fort investissement dans ses capacités de production, que le gouvernement de Kirchner semble encore refuser à opérer bien qu’un plan de huit milliards de pesos argentins destiné à relancer l’économie argentine ait été annoncé en cette année du bicentenaire de la nation argentine.

 

Une seule solution : Dévaluer le peso !

Cette situation est plus ou moins similaire à celle qu’ont connu les pays européens dans les années 60-70: crise énergétique, inflation et importation croissantes. A l’époque, la quasi totalité des gouvernements européens avaient imposé des plans de rigueur, de lutte contre l’inflation et avaient souvent décidé de dévaluer la monnaie nationale. C’est sans doute ce à quoi ce à quoi doit s’attendre l’économie argentine même si on peut douter de la volonté de la présidente, Cristina Kirchner, de prendre des mesures impopulaires à un an des élections.

Même si l’Argentine se présente comme un des géants de demain, les argentins vont sans doute passer par de fortes restrictions avant de pouvoir relancer leurs exportations.

Infographie : Inflation de près de 100 % en 2 ans et demi. Pour maintenir la compétitivité des exportations argentines, il faut dévaluer le peso.

 

Protectionnisme contre bonne entente internationale

Enfin, le protectionnisme dont fait preuve le gouvernement argentin tend à irriter ses partenaires commerciaux et notamment l’Union Européenne. La Grèce s’est par exemple vu refuser plus de 70% des exportations de produits de pêche prévues cette année.

Fin juillet 2010, Debora Giorgi (Ministre de l'industrie argentine depuis 2008) a répondu aux accusations européennes en disant qu’il n’y avait aucun embargo sur aucun produit d’un quelconque pays, mais que l’Argentine se prémunissait contre les produits émanant d’une “concurrence déloyale”. La Chine par exemple exporte de moins en moins en Argentine, ce qui accroît encore plus les tensions en l’Argentine et la Chine.

Il est possible que bientôt l’OMC prenne des mesures de restriction au protectionnisme contre l’Argentine.

En attendant, les discussions entre le Mercosur et l’UE en sont affectées et l’Argentine continue de se placer comme une “victime” du dumping dont elle accuse d’autres pays et notamment la Chine.

 

 Liens externes :

- L'investissement croit peu. Article de la Nacion 10 juillet 2010.

- L'avalanche des importations. Article du Cronista Juillet 2010.

 

A lire dans le Petit Herge :

- Quand un employé gagne plus que son patron.(Août 2010).

- Franchises et marques argentines à l'export.(Août 2010).

- La mafia chinoise.(Août 2010).

- Buenos Aires, la ville des entrepreneurs.(Juillet 2010).

- Sergio Corbucci.(Mai 2010).

- Le décès de Sandro.(Janvier 2010).

- Vivre sa vie (1962) .(Octobre 2009).

- Jardin japonais de Buenos Aires.(Août 2009).

 

Photo : "Vous êtes ici" (Entre deux crises).

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