Mise à jour : 09 mai 2009.

Le métissage à Buenos Aires pendant l’époque coloniale :

Le mélange entre espagnols, esclaves noirs et indiens produit rapidement à Buenos Aires un brassage des populations qui apportent toute une palette de couleurs de peau et de métissages que les autorités coloniales espagnoles classent en plusieurs groupes : Les espagnols (aussi nommés les peninsulares), les criollos, les indigenas (ou indios), les negros, les castas (aussi nommés mestizos).
Dessin : Tout le monde se mêle das la calle de la Imprenta (Emplacement dans cette rue de l'imprimerie Niños Expósitos). Aujourd'hui Calle Perú. Cliquez pour agrandir.

Los españoles :

Ceux qui étaient nés en Espagne (et non à Buenos Aires) avait au sein de la colonie les meilleurs privilèges et étaient autorisés a assumer les postes les plus élevés dans l’administration, le gouvernement, l’armée et l’Eglise.

Bien entendu lorsque les espagnols d’Espagne n’étaient pas assez nombreux, on donnait les titres et les charges à ceux qui étaient nés dans le Rio de la Plata. Certains arrivaient à se faire anoblir d’un titre de « Hidalgo », un des plus bas dans l’échelle de la noblesse espagnole.

Parmi les espagnols existaient aussi une différenciation en fonction de leurs provinces de provenance, c’est ainsi que les castillans (de la Castille) accédaient aux meilleurs postes au détriment des catalans ou mallorquais (de l’ile de Mallorca). Enfin dernière ségrégation entre espagnols en fonction du nom et des biens de la famille.

Los criollos :

Ce nom provient du portugais « criullo » qui signifie « qui est élevé comme (sous entendu le blanc)» Ce terme désignait les descendants d’espagnols, et d’autres nationalités (essentiellement portugais et quelques italiens) qui étaient nés dans le Rio de la Plata.
Au début de la colonie (XVIème et début XVIIème siècle), ils étaient peu nombreux puisque les arrivées d’espagnols d’Espagne étaient encore plus nombreuses que les naissances locales de ces mêmes espagnols. Mais à partir de la fin du XVIIème et XVIIIème siècle) les criollos devinrent plus nombreux que les espagnols. Les criollos font partie du groupe des privilégiés car ils sont « hombres blancos », mais les naissances hors mariages (nombreuses et réels) entre blancs et indigènes laisseront toujours des doutes surtout si le bébé a une peau plus foncée que la mère et le présumé-père. On acceptera donc le criollo dans le groupe des blancs sans pour autant lui donner les mêmes postes à responsabilité dans la fonction publique.

Cette discrimination fut souvent motif à des conflits chaque fois plus forts entre une population espagnols moins importante au fil des années et criollas plus nombreuses à chaque génération qui passait. Les criollos exigeant les mêmes droits que les espagnols.
Dessin : L'allumeur de lanterne. 

Les indiens telhueches à Buenos AiresLos Indios : (Indigenas)

Ils étaient libres de par le droit espagnol et l’Eglise. Donc aucun esclave indien à Buenos Aires. Ils devaient se convertir au catholicisme, changer de nom et de prénom, être éduqués dans la foi et les coutumes espagnoles. Un mélange de paternalisme et de devoir chrétien reposaient sur l’administration coloniale et sur les nobles et principaux propriétaires terriens. Dans les faits, bien que libres et ayant donc une âme puisque eux aussi catholiques, ils étaient à la fois par les espagnols et les criollos considérés comme inférieurs, et à ce titre ne pouvaient que rarement exercer des charges même des plus minimes.

On les poussait à se vêtir de manière espagnole (en ville), et on leur interdisait de parler la langue de leurs ancêtres et encore moins de pratiquer leurs rites d’origine.

Dessin : En 1806, les Tehuelches de la Pampa viennent en renfort pour combattre avec les morenos et les pardos (voir à métissage ci-dessous) renforcer les troupes des criollos et des espagnols pour combattre les anglais qui viennent de débarquer à Buenos Aires.

Los negros : (africanos)


Au XVIIème siècle, il y avait trois ports d’accès d’esclaves noirs pour les colonies espagnoles d’Amerique. Cartagena (Aujourd’hui en Colombie), Vera Cruz (Au Mexique), et enfin Buenos Aires.

Les africains ont été amenés de force à Buenos Aires venant essentiellement d’Afrique centrale et équatoriale par des entreprises privées portugaises, françaises et anglaises. Ce négoce a toujours été tenu non par des états mais toujours par des sociétés et des compagnies.

Les esclaves avaíent pour tâche de devoir participer aux travaux les plus pénibles qui ne pouvaient être confié aux indiens (bien souvent physiquement moins forts et moins résistants). On choisissait donc de préférence les noirs de sexe masculin les plus robustes. De plus, comme hommes libres, les indiens aurait du être payés, donc moins rentables que les noirs.

Pour ce qui est de la province du Rio de la Plata entre 1590 et 1776, les noirs servent presque exclusivement aux travaux des champs et à l’élevage. Ils remplacent au fur et à mesure les indiens pour les remplacés si ces derniers ont été exterminés. C’est ainsi que les noirs sont très nombreux à Buenos Aires et à Cordoba, mais le sont très peu à Salta, Corrientes ou à Misiones, où les indiens sont très présents.

Ils n’ont aucun statut légal ni social, ils sont tous simplement considérés comme biens de leurs propriétaires. Quelques cultes chamaniques ou animistes ont perduré au XVIIème siècle puis le mélange avec le christianisme et les cultes indiens ont à partir du XVIIIème siècle donné le candomblé. Enormément d’influence aussi dans la musique (percussion, tambour).

Jusqu’en 1789, Il n’y a aucune règle régissant le transport, la traite, la vente et l’emploi des esclaves noirs dans les territoires espagnols. (En France, c’est Louis XV en 1724, qui est le premier à écrire un code sur l’esclavage). Coté espagnol, il faut attendre 1789, pour qu’un Código Negrero o Código Negro soit promulgué, totalement copié sur le code français.
Dessin : Les lavandières de Buenos Aires, étaient presques exclusivement noires.

Las Castas : (mestizos)

C'est un véritable casse tête pour l’administration coloniale espagnol, car au fil des années chaque fois plus nombreux et surtout les métissages chaque fois plus « métissés ». De plus, comme ne pouvant entrer dans aucunes des 4 catégories déjà précités, il était difficile de les répertoriés et de pouvoir leur attribuer des fonctions ou même de leur trouver une place dans la société. Les espagnols ont tout de même mis en place une catégorisation des plus compliquées à la hauteur d’un labeur à la fois inutile (pour notre logique de 2009), et inutile. Mais elle exista au moins pendant les  XVII, XVIII et XIXème siècles, même après l’indépendance de l’Argentine.

La base reste simple (à première vue) :

Les enfants des blancs et des noirs sont des mulatos (mulâtre en français).

Les enfants des blancs et des indiens sont des mestizos (métis en français)

Les enfants des noirs et des indiens sont des zambos (il n’y a pas de mot en français pour les désigner).

Bien entendu, lorsqu‘il s’agit de la première génération tout est clair dans la logique coloniale espagnole. Il y a trois nouvelles castes.

Mais dès que la seconde génération apparaît et que les mulatos, les mestizos et les zambos ont eu la mauvaise idée en plus de ne pas vouloir procréer entre eux. Nous voilà avec 3 nouvelles autres castes, mélange de mulato avec mestizo, mulato avec zambo et mestizo avec mulato. Nous entrons dans un monde ubuesque où une fois de plus l’administration trouvera de nouveaux termes pour les désigner. Et puis imaginez aussi qu’il puisse avoir un autre métissage entre un blanc et un zambo, un indien avec un mulatre …..



 

Le métissage en délire à Buenos Aires :

Rapidement passons à quelques combinaisons possibles (nous sommes maintenant dans le monde des mathématiques et des probabilités) :

 Les métissages entre espagnols et noirs :

Un Espagnol avec une noire donne un mulato.

Un Espagnol avec une mulata donne un morisco.

Un Espagnol avec une tercerona donne un albino.

Un espagnol avec une albina donne un « negro marcha atras ».

A ce niveau de métissage, l’administration espagnole considère le « salto atras » comme « presque un blanc », il sera rangé dans le groupe Criollo. Cela nous fait mathématiquement pour une personne possédant 15/16 de sang criollo, et 1/16 de sang noir, un criollo.

 Les métissages entre criollos et noirs :

Un Criollo avec une noire donne un “mulato”.

Un Criollo avec une « mulata » donne un « tercerón »(aussi désigné comme « morisco ».

Un Criollo avec une tercerona donne un cuarterón (aussi désigné comme « albino ».

Un Criollo avec une cuarterona donne un quinterón.

Un Criollo avec une quinterona donne un salto atrás (un saut en arrière).

A partir de ce niveau, l’administration espagnole considère le « salto atras » comme « presque un blanc », il sera rangé dans le groupe Criollo. Cela nous fait mathématiquement pour une personne possédant 31/32 de sang criollo, et 1/32 de sang noir, un criollo. Donc une génération de plus par rapport au métissage de l’espagnol avec le noir.

 Métissages avec les noirs et indiens donnaient :

Un noir avec une indienne donne un zambo.

Un noir avec une zamba donne zambo prieto

Métissages entre espagnols et indiens donnaient :

Un espagnol avec une india donne un mestiza.

Un espagnol avec une mestiza donne un castiza.

Un espagnol avec une castiza donne … un espagnol.

Sans passer par la case criollo, cela nous fait que mathématiquement pour l’administration espagnole une personne possédant 7/8 de sang espagnol, et 1/8 de sang indien donne un espagnol.

Métissages entre criollos et indiens donnaient :

Un criollo avec une india donne un mestiza.

Un criollo avec une mestiza donne un cuarterona

Un criollo avec une cuarterona donne un ochavona

Un criollo avec une ochavona donne un puchuela enteramente blanco.

On entre ensuite dans le délire avec :

Un Indio avec une Mestiza donne un coyote.

Un noir avec une indienne donne un lobo.

Un lobo avec une india donne un zambaigo.

Un indien avec une zambaiga donne un albazarrado.

Un indien avec une albazarrada donne un chamizo.

afrUn indien avec une chamiza donne un cambujo.

Un indien avec une cambuja donne un “negro marcha atrás con pelo liso » (véridique)

Le criollo avec la mulata blanca donne le mulato morisco. (celui là il pouvait même être blond avec les yeux clairs)

Le noir avec la mulata parda donne le mulato prietro (par contre celui-ci était souvent totalement noir).

A savoir aussi les zambos (et pardos) suivant la coloration de leurs peaux étaient aussi nommés cochos, chinos, cambujos, loros ou jorochos.

En conclusion :


10.000 habitants en 1744. 24.000 en 1778. A la fin du XVIIIème siècle, il ne doit y avoir que 10% d'espagnols ou d'européens à Buenos Aires, tout le reste n'est qu'un mélange infini de métissage.
De manière générale, il fallait avoir la peau la plus blanche possible pour avoir accès à des charges dans tous les domaines de la société. La différenciation dans le port des vêtements était due aussi à la variation du teint de peau, tout comme dans les habitudes de la vie quotidienne et les événements sociaux. Par exemple, les enterrements dans les cercueils étaient exclusivement réservés aux blancs. Autre exemple, les châtiments et les emprisonnements différaient suivant tous les dégradés de la peau entre le noir et le blanc.

On s’aperçoit ainsi de la complexité des us et coutumes locales dans la différenciation des mélanges dans une société porteña qui n’est ni majoritairement blanche, ni majoritairement noire, ni majoritairement indienne.

 A lire dans le Petit Herge :

 

- Eglise de San Ignacio de Loyola à Buenos Aires.(Avril 2011).

- Musée d'art espagnol Enrique Larreta à Buenos Aires.(Septembre 2010).

- La mafia chinoise à Buenos Aires.(Août 2010).

- Buenos Aires en 1750.(Mai 2009).

- La ville de Lujan (Prov. de Buenos Aires).

- Les estancias jésuites de la province de Córdoba.(Mai 2011).

- Photos anciennes de Mar del Plata (Prov. de Buenos Aires).(Septembre 2008).

- Historique de la ville de Tucuman.(Mai 2008).

 

Photo : Histoire des afroargentins. Où sont nos noirs ?

 

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