Buenos Aires en 1750
08 mai 2009 ![]() Petite recherche pour recouper quelques infos concernant le gros village de Buenos Aires en cette année 1750. Comment peut on y vivre, quels en sont les habitants, quel était le poid politique et commercial de cette communauté qui se developpe. Comment était sa physionomie, son extention, et ses nouvelles constructions. De nombreuses questions que je me suis posé. Voici les premiers infos, comme si nous y étions en temps réel en cette belle année 1750. |
Depuis près de deux siècles (1580), les espagnols y sont établis d’une manière permanente. La ville est capitale de la province du Rio de la Plata depuis 1617, mais il faut encore attendre 26 ans pour que le Roi d’Espagne confère un rôle plus important à la nouvelle colonie en créant le Vice Royaume du Rio de la Plata (en 1776). Pour le moment en 1750 Buenos Aires est une grosse bourgade (en la comparant à Cordoba) qui n’existe que par son port pour recevoir d’Espagne et de ses autres colonies, esclaves et marchandises, et envoyer vers la métropole cuir, peau et minerais. Buenos Aires est aussi une place forte contrôlant l’embouchure des Rios Parana et Uruguay et permettant à l’Espagne d’avoir une position stratégique en Atlantique Sud. Si on pouvait résumer d’une manière succincte le rôle de Buenos Aires en 1750, on peut affirmer que cette ville à pour but de retenir les portugais dans leur progression vers le sud, occuper le terrain pour que les français et les anglais n’y débarquent, assurer une voie maritime vers l’Espagne pour le commerce des provinces de l’intérieur (provenant des actuels Cordoba, NOA et Bolivie), et s’enrichir de manière illégale avec tous les trafiquants qui sillonnent l’Atlantique sud. |
La population progresse que doucement entre sa fondation au XVIème siècle et 1750. Seulement 9.000 habitants en 1720 et la barre des 10.000 habitants est passée en 1744. C’est à partir de ces années 40 et 50 que la population explose puisqu’en 1778, Buenos Aires est peuplé par 24.000 âmes. La population aura donc presque triplé en 60 ans ! Il suffit de regarder le développement urbains et la quantité d’Eglises qui sont édifiées entre 1730 et 1780 pour comprendre que la Capitale du Vice Royaume du Rio de la Plata connaît une période de forte croissance. Tout comme Cordoba et les autres villes existantes le long du Rio de la Plata, les espagnols sont minoritaires dans la ville (10 à 15% de la population), l’énorme majorité est composée de métis de mulâtres et de noirs. L’esclavage est autorisé, et Buenos Aires est même l’un des 3 ports de la couronne espagnole (les deux autres étant Vera Cruz au Mexique, et Cartagena en Colombie) d’où il est permis d’importer des esclaves noirs pour les vendre dans les colonies d’Amérique. La population est donc totalement mélangée dans les rues de Buenos Aires, et a donné des métissages entre noirs, espagnols et indiens rarement atteint dans une quelconque autre colonie espagnole. |
Dès sa fondation en 1580, le plan en damier, avec rues parallèles se coupant à angle droit est tracé, sur le modèle des cités romaines. D’ailleurs toutes les villes espagnoles d’Amérique seront ainsi créés et ensuite les français et anglais en feront de même pour leurs possessions américaines. Juan de Garay en 1580 avait vu large, car les limites de « sa » ville en 1750 ne sont toujours pas dépassées. Il ne suffisait pas de tracer 144 pâtés de maisons (manzanas) soit plus ou moins 14 rues coupant 10 autres, pour que celles-ci se peuplent et se construisent seules. Il aura fallu presque un siècle et demi pour y arriver car entre 1720 et 1750 on dépasse pour la première fois le plan originel.
En 1720, les limites de ce qu’on appelle le centre de Buenos Aires sont au sud et au nord les deux « Zanjónes » de Granados et de Matorras (il s’agit de deux cours d’eau), à l’est le Rio de la Plata, et à l’ouest l’équivalent aujourd’hui des calles Piedras – Esmeralda.
En 1580, les « manzanas » sont carrées et ont une surface de 100 varas par 100 varas (83,59m x 83,59 m), espacées chacune par une rue d’une largeur de 11 varas. Les mesures dans les colonies espagnoles sont exprimées en Vara. Il s’agit de la vara Castellana qui mesure exactement 0,8359 m. 1 Vara = 2 Codos = 3 pies = 4 Palmas. (En français : 1 vara = 2 coudes = 3 pieds = 4 palmes). Toutes les villes coloniales espagnoles sont crées sur l’unité de la Vara. Un terrain ou plus exactement un pâté de maison délimité par 4 rues à une surface de 10.000 varas carrés. (Soit 6.987,29 m2). A sa fondation par Juan de Garay, chaque famille espagnole (ou ordre religieux) reçoit ainsi un terrain de 10.000 varas carrés ou si ils sont dans le centre d’un ¼ de « manzana » appelé aussi « solar ». (Une manzana = 4 solares). Entre 1580 et 1720, les terrains restent entiers, des ventes ou des échanges sont faits, mais il n’existe donc que des terrains de 10.000 ou de 2.500 varas carrés. Mais pour la première fois entre 1720 et 1750, dans le centre, la population augmentant, le prix du terrain aussi et certains n’ayant pas besoin d’utiliser la totalité de leur « solar », on commence à diviser les manzanas et les solares pour les vendre en plusieurs lotissements. On passe ainsi de maisons de plein pied possédant jardin, verger, étable à des maisons dites de style colonial ayant quelquefois un étage mais ayant au sol une emprise plus réduite. |
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Légendes du plan de Buenos Aires de 1750 (Ci-dessus).
La ville de Buenos Aires est délimitée au sud (gauche) par le Zanjon de Granados (en bleu), et au nord (doite) par le zanjon de Matorras. La zone la plus rouge est la zone comptant le plus d’habitations, ensuite le tissus urbains s’effiloche en s’éloignant du centre. En rouge : Le Camino Real (aujourd’hui calle Rivadavia) partant de la Plaza Mayor En bleu : Tous les cours d’eau, ruisseaux et autres qui souvent n’existait que par temps de pluie. Cercles rouges : Les 3 faubourgs (hors les murs) existants en 1750. De gauche à droite, Alto de San Pedro, Concepcion et Montserrat. Rectangle vert : Numerotés de 1 à 3. Les 3 emplacements de ce qui sont aujourd’hui places à Buenos Aires. Plaza Dorrego à San Telmo (1), Plaza Congreso (2), Plaza General Lavalle à Tribunales (3). Ecrit en noir : Emplacements avec nom des 11 églises existantes à Buenos Aires en 1750.
Légendes :
a : Plaza Mayor (Aujourd’hui, Plaza de Mayo) b : El Fuerte, la place forte de la ville. (Aujourd’hui détruit et occupée par la Casa Rosada) c : Calle Santo Domingo (Aujourd’hui avenida Belgrano) d : Camino Real puis Calle de las Torres en centre ville (Aujourd’hui calle et avenida Rivadavia). e : Calle San Nicolas (Aujourd’hui Avenida Corrientes) f : Déjà chemin en 1750, emplacement de la future avenida Córdoba. g : Entre les deux traits jaunes, emplacement de la future avenida 9 de Julio. h : Calle Mayor (Aujourd’hui calle Defensa), il n’y a pas en 1750 de pont pour enjamber le Zanjon de los Granados. i : Déjà chemin en 1750, emplacement de la future avenida Santa Fe. j : déjà chemin en 1750, emplacement de la future avenida Callao. k : Calle de la Compañia (Aujourd’hui calle San Martin)
Le point rouge (4) : Futur emplacement de l’Obelisque. L’ensemble des maisons au nord de Buenos Aires (à gauche) avec (4’), Retiro, alors en 1750, centre de réception des esclaves noirs. |
La seule place, la Plaza Mayor (actuelle Plaza de Mayo), tout s’y passe, procession, défilés des militaires, contestations, marchés, fêtes et corridas. On y va pour voir, pour être vu, pour se renseigner, et pour connaître les derniers ragots. De la Plaza Mayor trois rues principales en partent. La plus importante la Calle de las Torres (actuelle Rivadavia) qui part plein Ouest et qui au bout de 7 cuadras (ou manzanas) se transforme en Camino Real, la seule route existante dans le Rio de la Plata et qui relie Buenos Aires à Cordoba puis au NOA. La plus commerçante, vers le sud, la calle Mayor (actuelle Defensa) qui relie la Plaza au port vers l’Alto de San Pedro (Actuel San Telmo), et enfin la calle de la Compañia vers le Nord (actuelle San Martin).
Il existe bien en 1750 encore trois autres rues avec quelques maisons et sensiblement urbanisées, mais elles ne portent pas de nom, il s’agit des actuelles rues de Pellegrini, Cerrito et Salta-Libertad.
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Les vitres apparaissent aux fenêtres et aux portes, et de plus on commence à enduire les maisons de cal pour les blanchir. Les premiers à le faire furent les moines de l’église de San Francisco. Dans la partie centrale de la ville, il n’y a plus en 1750 que quelques rares maisons encore couvertes de paille, la majorité sont maintenant couverte de tuiles. Seules les habitations à l’extérieur de la ville (aux limites des zanjones), sont encore rustres, en paille, bois, chaume ou adobe, comptant comme au XVIIème siècle que deux pièces, une de jour (qui sert de cuisine, salle à manger) et une de nuit (qui sert de chambre à toute la famille). On commence même à voir apparaître dans la partie centrale de Buenos Aires quelques terrasses. Les magasins disposent d’une large ouverture sur la rue, quelques uns ont même une vitrine. On récupère de plus en plus l’eau de pluie (d’où l’intérêt des tuiles et des terrasses qui servent de récolteur d’eau et qui permet ensuite le stockage dans des jarres). Jusqu’à présent on achetait l’eau à des marchands, mais cette eau provenait du Rio de la Plata qui est chaque fois plus polluée par le développement de la ville. Il faut dire que les marchands vont la chercher sur les berges aux mêmes endroits ou les lavandières lavent le linge ! |
![]() Dessin : Vente publique d'esclaves devant le Cabildo vers 1760. En ville : Le centre de la ville est délimité par Le Rio de la Plata à l’Est, El Zanjon de los granados au Sud, la calle Pellegrini (en 1730), la calle Cerrito (en 1740), la calle Libertad (en 1750) à l’Ouest, bien que celles-ci soient même en 1750 que peu construites, en fait on pourrait dire qu’en 1750 le tissus urbain dense s’arrête à la calle Pellegrini, et par le Zanjon de Matorras au Nord. Il y a plusieurs églises à Buenos Aires mais les paroisses n’existent pas encore, il faudra encore attendre 19 ans (en 1769), pour voir la création officielle des 5 premières paroisses de La Piedad, Catedral, San Nicolas, Montserrat et Concepcion qui donneront le nom aux futurs quartiers. Pour le moment, on donne plutôt le nom de l’Eglise la plus proche pour se repérer. J’ai pu dénombrer au total, 10 églises en cette année 1750 plus une autre en construction qui sont : San Pedro, Santo Domingo, San Francisco, San Ignacio, Concepcion, Iglesia Mayor (la Cathedrale), San Miguel, la Merced, San Nicolas de Bari, Santa Catalina et Montserrat en construction. La Cathédrale, qui a encore son ancienne façade terminée en 1682, celle qui va s’écrouler dans deux ans (en 1752). On la nomme encore en 1750 : La Iglesia Mayor. |
On désigne alors comme faubourg les regroupements de maisons et petits centres urbains (donc avec Eglise) ne se trouvant pas dans le centre de la ville. Au sud de la ville il en existe deux, le plus important El Alto de San Pedro (futur San Telmo) et plus à l’ouest El Arrabal de Concepción. Tous juste cette année 1750 voit le jour un nouveau faubourg très proche de celui de Concepcion, celui de Montserrat. Le catalan Juan Pedro Sierra finance la nouvelle église en construction cette année, Nuestra Señora de Montserrat. |
Il y avait au bas de l’actuelle Plaza San Martin, une demeure qui appartenait à Agustin de Robles, nommé Retiro, que les français louèrent pour y en faire le centre d’arrivée des esclaves d’Afrique, puis il déménagèrent en 1706 sur l’actuelle Calle Brasil en face du Parc Lezama. En 1713, lorsque le roi d’Espagne Felipe V donne la licence aux anglais, ceux-ci s’installent à leur tout dans la propriéte de Robles à Retiro. Pendant tous le XVIIIème siècle, Retiro fut le centre de toute l’activité du commerce des esclaves mais aussi de toute la contrebande qui souvent passait entre les mains des anglais. |
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