On peut en parler comme ça
24 juin 2008Mise à jour : mardi 24 juin 2008
Comme prévu, après un apaisement sur les routes d'Argentine demandé par De Angeli le vendredi 20 juin, Cristina Kirchner a pu dès le lendemain envoyer aux 4 syndicats ruraux, une invitation à la Casa Rosada pour "dialoguer". Il faut dire que pour trouver plus "susceptible" qu'un argentin au monde, c'est difficile, alors il y a des codes à suivre, et pour que personne ne puisse avoir l'air "d'avoir perdu ou reculer", il faut prendre l'attitude du "che, on peut voir ça tranquille, parler n'engage à rien". Le tout est d'avoir quand même pu mettre au point (après 100 jours de perdu) comme certains aimeraient définir une "spirale de désamorcement".
La spirale de désamorcement :
Etape 1 - Cristina Kirchner et le gouvernement ne veulent plus depuis mardi dernier (officiellement) se mêler du problème de la rétention sur le soja (appelé aussi "résolution 125"), mais la confie au parlement.
Etape 2 - Comme le problème ne dépend plus (officiellement) du gouvernement, le campo n'a plus à devoir bloquer les routes depuis vendredi mais doit convaincre les députés du bien fondé de leur désaccord.
Etape 3 - Comme les routes sont débloquées, le samedi Cristina Kirchner peut inviter les syndicats à venir "dialoguer" à la Casa Rosada, le lundi 23 juin.
Etape 4 - Les syndicats se rendent à la Casa Rosada le lundi pour dialoguer pendant 1 heure 45 mn avec LA Cristina Kirchner de tout et de rien ("puisque ça ne dépend plus d'elle"), mais bon on peut toujours en parler comme ça, non ?
Le début de la paix ?
Photo : les 4 syndicalistes ruraux à gauche, Cristina Kirchner en bout de table. On s'écoute parler.
Est ce le début de la paix ? Peut être, mais pas forcément ! Ce n'est pas parce qu'on parle pendant près de 2 heures de "tout et de rien" que pour autant le problème va être résolu. La balle est pour le moment entre les pieds des députés, les retentions y sont pour le moment débattues, et le vote aura lieu "si tout va bien" dans les deux semaines. Il y a de forte chance que la résolution sur les rétentions soit rejetée par le parlement. Une enquête du Clarin auprès des députés révèlent que ce matin sur 129 députés (exactement la moitié de l'assemblée) interrogés par le journal, 76 sont contre le projet, 45 en faveur et 8 ne savent pas encore. La question est : Si le projet est rejeté, quelle sera la position de Cristina Kirchner ?
Option 1 - Ok, le parlement n'est pas en faveur de la résolution 125, et celle ci ne sera pas appliquée puisque non ratifiée par le parlement. Et dans ce cas là le campo aura démontré que la rétention était "une mauvaise idée" du gouvernement, et que le pays a souffert plus de 100 jours pour rien ! Il est certain que l'image de la présidente souffrira durement (non pas pour les argentins, puisqu'elle est déjà au pus bas dans les sondages), mais pour l'appareil du PJ et de sa direction par son mari.
Option 2 - Ok, le parlement n'est pas en faveur de la résolution, mais je m'en fou, car je suis la présidente, je vous balance un veto dans la figure et on applique quand même la résolution 125. Dans un cas aussi "dramatique" (mais elle en est capable), je ne vous cache pas, qu'on rentrerait véritablement dans une crise politique et institutionnelle sans précédent.
Les petites phrases :
Voilà pourquoi la réunion d'hier entre syndicat et Cristina Kirchner était importante, non sur le fond, mais pour sentir comment était la position du gouvernement sur "l'évolution des débats au parlement".
Les journalistes tout frétillants se sont rués sur les syndicalistes à la fin de l'entretien pour décrocher les "phrases qui tuent". Les 4 syndicalistes ont déclaré :
- Hugo Biolcati (Sociedad Rural), (Le grand chef de cette entité syndicale n'étant pas en Argentine en ce moment, c'est son second qui l'a remplacé) : "La présidente assure que le projet de loi sur les rétentions mobiles qu'elle a envoyé au parlement sera traité sans limitation. (c'est donc un bon signe).
- Fernando Gioino (Coninagro) : "J'ai toujours été en faveur du dialogue, il est temps de remettre en marche la "machine à produire de la richesse" pour le pays".
- Mario Llambias (CRA) : "Quand j'ai demandé à la présidente d'annuler la résolution 125, elle m'a regardé fixement et n'a rien répondu".
- Eduardo Buzzi (FAA) : "Nous avons demandé que se suspende la résolution 125 pendant le débat au parlement".
Au parlement :
Photo : De Angeli debout derrière les syndicalistes ruraux dans une salle de travail du parlement, archi pleine. Lundi 23 juin 2008.
Hier ont commencé les discussions entre députés et syndicalistes au sein du parlement. Chaudes et passionnées avec comme vedette Alfredo de Angeli qui durant 2 heures micro en main a réagit aux députés et pro et anti "résolution 125".
De Angeli : " Ici il faut parler en premier des rétentions mobiles et les suspendre 60 ou 90 jours, le temps que le Parlement trouve une solution".
Huée des députés Kirchnéristes
De Angeli qui s'adressent à eux "Ils veulent que l'on s'affrontent à la société mais nous ne voulons pas de division"
Le "conducteur de cession" Alberto Cantero (kirchneriste) s'adressant à De Angeli et voulant calmer le jeu : "Vous devez vous adresser au président de la commission"
De Angeli :"Excusez moi, mais c'est la première fois que je parle au sein du parlement" (rire de la salle).
Les discussions se poursuivent aujourd'hui, demain mercredi et jeudi. Nous ne sommes pas encore au bout de ses séances aux envolées lyriques qui n'ont rien à envier à celle de la IVème République.
Les 5 prochains articles sur le sujet :
- 29 juin 2008 : Comme un air de la Foire du Trône
- 02 juillet 2008 : On marche sur des oeufs
- 04 juillet 2008 : Des nuages sur le parlement
- 05 juillet 2008 : Le vote après un débat marathonien
- 06 juillet 2008 : Analyse du vote du 05 juillet 2008
Les 5 derniers articles sur le sujet :
- 21 juin 2008 : La bataille change de terrain.
- 20 juin 2008 : Réunions à tout va
- 19 juin 2008 : Un acto bien triste
- 17 juin 2008 : La bonne, la brute et le truand
- 16 juin 2008 : Le Cacerolazo du lundi soir
En attendant :
Photo : Les vaches arrivent enfin au marché de Liniers (à Buenos Aires), hier sont entrées 28.346 vaches.