Une journée particulière
15 juin 2008Photo : Autoroute 9 entre Buenos Aires et Rosario. Km 240. Dimanche 14 juin 2008.
Nous pensions avoir en ce beau samedi ensoleillé, une journée tranquille, une journée de routine, une première journée de week-end long (de trois jours), avec un dimanche de fête des pères dans toute l'Argentine, prétexte pour oublier ne serait ce qu'un moment "El conflicto del campo".
En ce beau samedi matin, tout allait normalement dans ce pays chaotique, routes coupées (100 barrages en ce samedi matin), approvisionnements difficiles de carburants et d’aliments, annulation des réservations hôtelières de la part des argentins pour ces 3 jours puisque l’essence est difficilement trouvable, etc… Bref un monde dans lequel les argentins arrivent à trouver un nouvel équilibre.
Et puis…
Photo : La gendarmerie arrête De Angeli à Gualeguaychu dimanche 14 juin 2008. (Cliquez pour agrandir).
A 14h tout à coup, alors que la route était (une nouvelle fois) coupée sur la RN14 au niveau de Gualeguaychu, un escadron de gendarme reçoit l’ordre d’arrêter les fortes têtes ruralistes pour obstruction de route. En ligne de mire : De Angelo. Les ruralistas reculent les bras levés en l’air pour montrer qu’ils ne sont pas armés et les gendarmes après s’être emparé du « meneur » enlève aussi une bonne dizaine d’autres ruralistas pour les monter dans les camions bâchées.
Quelle bonne idée, rien de tel à travers le pays en l’espace de quelques minutes pour remonter les barrages de plus belle sur les routes. On passe aussitôt de 100 à 400 barrages, de plus à travers les villes et villages (Buenos Aires compris), on assiste aussitôt à quelques casserolades de la part des argentins qui descendent dans la rue. Entre 14h et 15h, les coups de cuillère retentissent dans tout le pays.
Video de gauche : Detention de De Angeli vers 13h. Vidéo de droite : Réaction des habitants du quartier de Belgrano à 16h00
Photo : Casserolade à l'intersection des avenues Callao et Santa Fe à Buenos Aires, contre l'arrestation de De Angeli.(cliquez pour agrandir).
Bien entendu, que peut faire le gouvernement avec un « De Angeli » en prison ? En faire un « martyre » ? Il n’a pas une seule journée ou le gouvernement argentin n’en rate pas une pour faire un « bourde » de première et s’enfoncer encore un peu plus dans les sables mouvants de sa superbe idée de rétention. Bien entendu en arrêtant De Angeli, et en le libérant à 18h (car que faire d’autre ?), il devient en cette journée le représentant incontesté et incontestable du mouvement agricole de cette crise de 2008. Jusqu’alors toutes les réunions entre syndicats et gouvernements s’étaient faites sans lui, mais depuis hier, il est devenu « incontournable » et c’est maintenant lui, ses idées et son discours qui priment sur tout ce que les 4 syndicats officiels peuvent annoncer.
Nous allons maintenant assister à une bataille Kirchner – De Angeli, dans laquelle Kirchner ne peut plus gagner et qui ne va se résoudre que par un recul du gouvernement ou pire par une démission de Cristina Kirchner. Elle, et son mari ont réussi à se mettre eux même dans une situation sans avenir quant à leur futur politique et précipiter tout un pays dans une crise sectorielle qui aujourd’hui déborde sur tous les autres secteurs économique.
La panique du sauve qui peut !
Photo : Nestor Kirchner traverses ses piqueteros sur la Plaza de Mayo en début de soirée le 14 juin 2008.(Cliquez pour agrandir).
Le gouvernement n’essaie pas de désamorcer sa propre bombe qu'il a entre les mains, il ne pense pas non plus s’attaquer aux problèmes de la rétention ni même aux autres problèmes du secteur agricole. Sur le coup de 20h30, on annonce une déclaration des deux Dupond(t), Anibal et Alberto Fernandez (ministre du cabinet, et ministre de la justice) prennent la parole, on s’attend alors peut être a une inflexion du gouvernement pour calmer le jeu ! Et bien non, pendant 15 minutes, ils nous rabâchent à nouveau un discours déjà répété depuis des jours et des jours…… pour le bien de la patrie, pour la redistribution des richesses, etc… une sorte de discours digne d’une réunion de Comecon, où tout le monde se tient à carreau en ayant peur même de son voisin. Des phrases en langue de bois des plus pures. Vers 19h, les piqueteros K se sont donnés rendez vous sur la Plaza de Mayo pour « sauver la démocratie contre le coup d’état économique », avec déclarations style années 50 de la plus pure Albanie, de Luis D’Elia et de sa femme.
Franchement, en les regardant, j’avais l’impression qu’ils se trompaient de bataille et d’époque. Et puis coup de théâtre, on annonce : le Compañero Nestor Kirchner va venir nous rejoindre sur la Plaza de Mayo, un peu dans le style : lui aussi, est avec nous pour la « démocratie ».
Pathétique …Le Nestor arrive entouré de quelques ministres du gouvernement pour traverser en l’espace de 5 minutes la place, où les 2.000 sympathisants de ses propres mouvements K. l’ovationnent.
Mon Dieu, comme le gouvernement est tombé bien bas !
Les répercussions :
Photo : La Terminal de Retiro à Buenos Aires, sans bus en ce samedi 14 juin 2008.
- A 17h samedi, la UTA (Union des bus de longue distance d’Argentine), annonce un arrêt total sur tout le territoire du pays de toutes les liaison, en un mot : plus un seul bus ! Mais ça tombe mal. Quelques argentins veulent tout de même rejoindre ou même revenir chez eux pour passer le dimanche fête des pères. Alors après une nuit où la Terminal de Retiro s’est transformé en Terminal fantôme sans un bus, la UTA a déclaré ce matin (dimanche) donner la responsabilité à chaque entreprise de reprendre certaines lignes pour permettre aux argentins de pouvoir rentrer chez eux.
- Toujours aussi difficile de trouver de l’essence et du gasoil une fois sorti de Buenos Aires et de la banlieue.
- Les ruralistas et les routiers sont encore plus motivés pour couper toutes les routes, on dénombre ce dimanche matin plus de 400 coupures de routes. Cette semaine les coupures étaient encore cantonnées à 5 provinces « dures » (Buenos Aires, La Pampa, Entre Rios, Santa Fe, Cordoba), depuis hier d’autres provinces ont suivi le mouvement : Corrientes, Chaco, San Luis, Tucuman, Salta.
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En attendant :
Photo : Quand une station reçoit du carburant, aussitôt une longue file de voiture se forme. Ici à Perez (Province de Santa Fe).