Le dernier jour ?
26 mai 2008
25 mai 2008 – 25 de mayo 2008.
En cette journée fériée, commémorant le renversement du pouvoir espagnol sur le Rio de la Plata en 1810, les ruralistas ont tenu dans la ville de Rosario un meeting réunissant 200.000 personnes.
Il est certain, au delà même de la crise agricole, que pour la première fois depuis des années (certains parlent du 17 octobre 1945) un mouvement contre un gouvernement en place réunit une foule aussi nombreuse.
Tous les syndicats agricoles, les ruralistas et les politiques de l’opposition (restant discrets dans la foule) se sont dirigés en ce 25 mai 2008 à Rosario pour assister à ce qui est peut être (et restera sûrement dans l’histoire argentine) comme le point culminant des protestations de la crise agricole débutées en mars 2008.
Je ne crois pas que même les organisateurs pensaient déplacer autant de personnes sur l’esplanade du monument au drapeau (Monumento a la Bandera). Les chiffres de la défense civile annonce 200.000 personnes, les organisateurs montent à 300.000.
75 jours de conflit, 75 jours d’ignorance de la part du gouvernement parti sur la contestation d’un impôt concernant le soja, et qui au fil des jours s’est amplifié à d’autres thèmes agricoles, et qui maintenant met à mal la crédibilité de la présidente de la république.
75 jours de conflit, 75 jours d’ignorance.
- Mauvaise connaissance du dossier agricole de la part de Cristina Kirchner.
- Mise ne place d’un impôt que l’on n’appelle même pas « impôt » mais « rétention », afin de le faire passer rapidement par décret et non pas par vote devant l’assemblée nationale.
- Ignorance des premières réactions du monde agricole en mars dernier, pire que ça : total dédain et arrogance de la part des hommes politiques péronistes envers «ceux » qui ne pensent pas comme eux.
- Enfermement dans l’idéologie péroniste de Cristina Kirchner et faire passer la contestation non pas comme un conflit sectoriel, mais pour un conflit politique. Elle a réussi à jeter de l’huile sur un feu de paille pour ensuite crier à la « conspiration de l’opposition » ou à une « manipulation de l’oligarchie rurale prête à la renverser, elle et la démocratie argentine ».
- Appui de sa part, non sur une base représentative d’une catégorie sociale ou sur une logique explicative de ses idées, mais sur « l’appareil péroniste » des gros bras, syndicalistes véreux de la CGT et des piqueteros kirchneristes. Au fil des manifestations, on a pu peu à peu s’apercevoir que le pouvoir de la « Casa Rosada » ne reposait plus que sur l’intervention intimidante de « ses gros bras ».
Aujourd’hui même si le conflit s’achève par une pirouette diplomatique, Cristina a :
- Perdu une crédibilité face au peuple argentin. Elle est tombée à moins de 25% d’opinion favorable. Elle a fait paraître une enquête (totalement truquée) qui lui donne 60% d’opinion favorable. A force de tout truquer (chiffres inflation, pauvreté, chômage, investissement, croissance du PIB,….), elle perd même la notion de la réalité.
- Perdu la crédibilité face aux homme politiques péronistes de son propre parti, dont bon nombre a déjà rejoint le mouvement des ruralistas (ex : gouverneur de Cordoba).
- Mis à mal son parti, qui au fil des jours se vide, ne restant plus que les plus « gros bras » et mafieux de service.
- Perdu la crédibilité internationale, aucune visite officielle en Argentine depuis 3 mois d’aucun chefs de gouvernements étrangers.
- Perdu la crédibilité économique face aux investisseurs nationaux et internationaux, qui préfèrent en ce moment tout miser sur le Brésil, Chili et Uruguay.
Cristina Kirchner, on gardera d’elle l’image d’une série de zéro sur toutes les lignes.
Cristina Kirchner à Salta :
Alors que l’a réunion des ruralistas convoquait 200.000 personnes, Cristina Kirchner s’est rendue à Salta pour fêter le 25 mai, après le Te Deum (qu’elle aura fini par accepter) à la Cathédrale de Salta, elle a parlé 15 mn devant un parterre de 20.000 « casquettes » rapportées comme des pièces détachée des villas miserias de Buenos Aires et du NOA. C’est un peu comme si aujourd’hui pour « réussir » un meeting politique péroniste, vous achetiez tout en main : installation du podium, ballon, confettis, baffles audio, service de sécurité et mise en place de 20.000 figurants pour faire la foule. Car le Péronisme s’essouffle tellement qu’il faut maintenant payer les syndicalistes de la CGT et des piqueteros de D’Elia pour qu’il puissent déplacer comme du bétail 15.000 villeros dans 300 bus de 50 personnes. (Chiffres annoncés par le Clarin et la Nacion ce matin).
Ça en devient pathétique. Le seul aspect positif, est qu’au moins ces 15.000 personnes ont pu en 2 jours faire un voyage gratis (repas et boissons payés) et visiter Salta.
Comment prendre maintenant au sérieux un gouvernement, même sur d’autres sujets quand on sait que tout est « pipo ». Nous assistons en ce moment à la fin Kirchner et à la fin d’une période politique appelée le péronisme dans sa période la plus décadente.
Discours de Alfredo de Angeli à Rosario le 25 mai 2008.
A relever les phrases suivantes lors de son discours :
- 0 mn 42 s : "Quand la Presidente de la République dit que c'est pour redistribuer la richesse, a qui la donne t'elle ? Aux grands ! aux industriels ! A ceux qui vont ensuite l'applaudir à ses réunions ! Ce n'est pas ça l'Argentine que nous voulons !!!"
- 01 mn 07 : "Vous mentez Madame la Presidente ! Avec votre TGV, pourquoi vous ne vous occupez pas plutot des ouvriers des banlieues qui doivent aller dans des trains chaotiques rejoindre leur travail ? J'ai des doutes sur le TGV, vous savez où il est le business ? Dans le projet, car jamais ils vont le mettre en oeuvre ! Et sinon ce n'est pas lui qui va transporter les pauvres ! Et pendant que vous y etes, vous aller aussi subventionner votre TGV ?"
- 02 mn 05 s : " Si il y a bien des personnes interessées qui veulent que nous coupions les routes et qu'arrive le chaos ce sont les membres du gouvernement ! Car ils ne savent pas diriger ce pays, ils ont perdu le nord ! Ils veulent que ça soit nous les responsables de ce chaos, de l'inflation, du chomage, du manque d'energie, de tout ça ils veulent que l'on soit les responsables !!!
- 03 mn 30 s : "Si demain (lundi 26 mai 2008), il n'y a pas de solution, le mardi nous reprenons l'action !"
- 03 mn 55 s : "La société va le (le gouvernement) condamner, ils ne savent plus quoi faire pour gouverner, ils veulent que nous affrontions la société mais nous n'allons pas entrer dans votre jeu !"
- 04 mn 13 s : "Nous allons defendre notre pays, pour la dignité de notre travail, pour la memoire de nos parents, pour tous ceux qui ont "fait" l'Argentine, ce n'est plus seulement la rentabilité de l'agriculture qui nous intéresse, ce que nous voulons maintenant c'est un pays pour tous ! Pas pour quelques-uns !!!
- 05 mn 40 s : "Messieurs les gouverneurs, vous êtes là pour défendre la population de la province, vous êtes des republicains et vous devez representer le peuple ! Messieurs les politiques, quand plus tard vos enfants ou vos petits enfants vous demanderons si en 2008 vous étiez du coté de la province qui vous avait élu, ou du coté du pouvoir central, qu'allez vous leur répondre ?
- 06 mn 28 s : "Aujourd'hui, messieurs les maires, messieurs les deputés, messieurs les gouverneurs, ici (A Rosario) se trouve le peuple, et celui ci est venu seul ! (allusion aux syndicalistes payés pour amener des villeros aux meetings de Kirchner).
- 07 mn 00 s : La politique comme le syndicalisme sont des causes nobles, ceux qui sont mauvais ce sont quelques politiques et gouverneurs, mais cela on peut les changer ! Et si on en est arrivé là, c'est la faute du gouvernement, mais aussi la notre de ne pas avoir bougé avant !
Les petites phrases :
Phrases entendues lors de la manifestation de Rosario :
- Eduardo Buzzi (Président de la Fédération agricole) : « Le gouvernement des Kirchners est un obstacle pour que le développement (économique) soit possible ».
- Luciano Miguens (Président de la Société rurale) : « Il faut continuer à lutter jusqu’à ce que les solutions apparaissent. Il n’y a plus de place aux mesquineries politiques. Ils (les dirigeants) nous doivent une réponse ».
- Mario Llambias (Président de la CRA, syndicat agricole) : « Ceci (la manif) n’a rien de politique, nous ne sommes pas l’« Union Democratica » (union de partis d’opposition), comme eux (les Kirchners) ne sont pas Peron et Evita. Nous, on ne nous paye pas pour venir (allusion aux 15.000 casquettes payées par les péronistes pour aller à Salta) ».
- Alfredo de Angeli (représentant des agriculteurs de Entre Rios) : « Madame la Presidente, arrêtez de mentir, je vous le demande du fond du cœur, arrêtez de nous confronter au peuple. Si demain (lundi 26 mai 2008) il n’y a pas de solution, mardi nous commencerons les actions ».
Lundi 26 mai 2008, le dernier jour de négociation avant la bataille. La balle est du coté de Cristina Kirchner. Si ce soir lundi, il n’y a pas d’accord. Demain mardi, les agriculteurs monteront d’un ton et commenceront d’autres actions de protestations. Ce qui revient à dire que si Cristina ne lâche pas cette idée de « rétention flexible » sur le soja et d’autres productions, le conflit montera d’un degré et plus uniquement sur des questions agricoles, mais directement sur la scène politique.
Le pouvoir de Cristina Kirchner pourra maintenant être remis en question.
Les 5 articles suivants :
- 26 mai 2006 : Achetons à crédit
- 26 mai 2008 : En attente d'une réponse de Cristina Kirchner
- 29 mai 2008 : Il fait froid chez les Kirchner
- 01 juin 2008 : Quand la faim sert d'arme
- 02 juin 2008 : Le premier qui montre ses dents a perdu
Les 5 articles précédents :
- 18 mai 2008 : Entre dialogue et durcissement.
- 12 mai 2008 : Les gouverneurs s'en mèlent.
- 08 mai 2008 : Le campo : Le retour
- 05 mai 2008 : Le scepticisme du campo
- 27 avril 2008 : Carlos Fernandez