Mise à jour : 11 avril 2015. Catégorie : Buenos Aires.

L'univers du Once :

 

Me voila parti aujourd’hui dans l’univers du Once ! Je dis bien univers car il est à la fois vaste, aux limites imprécises, à géométrie variable, je parle du temple de la fringue, des rouleaux de tissus, des produits importés de Chine, aux ateliers textiles plus ou moins clandestins, aux galeries innombrables de chaussures, de sapes et d’articles d’ustensiles en tout genre. On y croise les jouets, la maroquinerie, le textile d’ameublement et de décoration, la coutellerie, la papeterie, les accessoires de réveillon et de carnaval, le monde du cotillon, et bien évidemment de la chaussure de sport, de sous vêtements, et de la mode.

Le Once c’est le secteur qui s’étale sur plus ou moins 50 hectares situé dans la partie centre et centre-nord de Balvanera. Ne cherchez pas sur un plan officiel de la ville, le « Once » n’existe pas ! Mais les porteños ont pris l’habitude (allez savoir depuis quand ?) de nommer la zone s’étalant autour de la gare du « 11 septembre » (en mémoire au coup d’état du 11 septembre 1852) le « Once » (11 en espagnol).

Le Once est même à décliner en plusieurs « Once » car les commerçants se sont regroupés par rues ou par galeries pour offrir le même type de produits ou de service. Nous aurons à la fin de cet article tout la place nécessaire pour faire le tour des principales zones d’activités.

 

Photo : Plaza Misere, au centre le tombeau de Bernardino Rivadavia datant de 1932.

Comment cela a-t-il commencé ?

 

Vraisemblablement, tout a commencé simplement à l’intersection de l’axe Rivadavia (ancien camino Real joignant le centre de Buenos Aires à 3 km à l’est) et de l’axe Puyrredon-Jujuy (anciennement Avenida Centroamerica) qui délimitait l’entrée de la ville vers 1850.

En 1850 s’édifie à l’endroit de l’actuelle place Miserere, un marché nommé Mercado del Oeste. Il faut dire que su ce marché est créé en 1850 c’est que ce secteur fut toujours extrêmement commerçant, puisque dés la période coloniale espagnole, les produits provenant de la campagne (ouest en direction de Rosario et de Cordoba) et ce dirigeant a Buenos Aires passent par ce camino real, et s’arrête irrémédiablement à cette endroit pour devenir un lieu de stationnement des charrettes les plus grandes et aussi un lieu d’échange et d’achat en gros. La plupart des commerçants de Buenos Aires viennent à Miserere pour faire des achats en gros pour leur négoce.  Et même ce créé des échoppes de semi gros qui approvisionnent les négociants du centre de Buenos Aires qui ne veulent pas s’y déplacer. Il y a du cuir, des viandes, du lait, de la volaille ainsi que tous les légumes et fruits existants.

Depuis la fin du XVIIIème siècle, l’endroit se nomme la Quinta de Miserere (La propriété de la Miséricorde), on y abat aussi de temps en temps du bétail sur place, pour avoir de la viande fraiche, le lieu prend le nom de Mataderos de Miserere lorsque le pays se soulève contre l’Espagne (1810), on parle aussi des corrals de Miserere car les bêtes sont chaque fois plus nombreuses. Apres le coup d’état du 11 septembre 1852, le pays se modernise, et la première ligne de chemin de fer du pays « Ferrocarriles Oeste de Buenos Aires » partant de la Plaza Lavalle (au niveau de l’actuel Teatro Colon) rejoint le village de Flores en 1857 (aujourd’hui quartier de Flores dans Buenos Aires) en passant par la Plaza Miserere. On y place donc une station de chemin de fer (en bois) du nom de « 11 de septiembre ». C’est donc à partir de 1857 que le secteur est nommé à la fois Miserere et « 11 de septiembre ». En 1883, la gare en bois s’agrandit car la gare de « Once » devient le terminus de la ligne (celle de Plaza lavalle est démolie), et en 1895-1896 est construite la gare qui existe encore aujourd’hui. On peut dire donc que la physionomie de la Plaza Miserere n’a que très peu changé depuis.

L'arrivée du train : 

 

L’apparition donc de la première ligne de chemin de fer en 1852 a accru le commerce sur la place et le déménagement du terminus de la ligne en 1883 accroit son importance et surtout voit arriver toute la collectivité juive de la ville qui jusqu’a présent vivait dans le quartier de San Nicolas (calle Libertad, Lavalle, Talcahuano, Sarmiento,…)

En fait la démolition de la gare de la Plaza Lavalle en 1883 (on la nomme Estacion Plaza del Parque) et le démentiellement des voies, fait augmenter le prix des terrains dans le secteur de San Nicolas. Le secteur s’embourgeoise entre 1883 et 1890. On y parle de démolir l’ancienne caserne et d’y construire un palais de justice (Tribunales), plus la construction du nouvel Opera (Teatro Colon). Cette partie de San Nicolas abrite la communauté juive qui préfère vendre leurs terrains à un très bon prix, pour suivre le déménagement du terminus de la gare et s’acheter des terrains plus grand à Balvanera proche de la Plaza Miserere.

Quant aux juifs pauvres de San Nicolas, devant l’augmentation des loyers ils préfèrent aussi déménager et rejoindre Once moins cher. La seule présence aujourd’hui de la collectivité juive dans leur ancien quartier de San Nicolas, est la grande synagogue (sur Libertad 769) et les bijoutiers et vendeurs de métaux précieux de la calle Libertad (cuadras 000, 100, 200 et 300).

 Photo : A l'angle de Viamonte et de Azcuenaga dans le Once. 

 

Installation des juifs à Once :

 

L’immigration européenne s’intensifiant  entre 1890 et 1910, tous les juifs d’Allemagne mais surtout d’Europe Centrale (Pologne et Russie) viennent grossir la diaspora autour de Once. San Nicolas devient vraiment trop cher, on estime qu’entre 1904 et 1912 (en 8 ans) le prix du m2 est multiplié par 7,5. Les nouveaux juifs arrivant  à cette époque (et donc tous pauvres) n’ont pas d’autres choix que de se replier dans le Once, que certains mouvements antisémites argentins (La Légion Patriotique) en 1919 qualifie de ghetto juif. 

Le commerce se transforme, de moins en moins de local de bouche pour de plus en plus d’ouverture de magasins juifs de tissus. Les premiers ateliers de coutures font leurs apparitions puis des magasins de prêts à porter toujours appartenant aux familles juives.

Jusque dans les années 1920, les juifs les plus orthodoxes et religieux s’installent à Once (C’est l’époque ou l’on compte le plus d’ouvertures de Synagogue dans le quartier) alors que les plus « laiques » préfèrent un autre quartier, celui de Villa Crespo.

On peut dire que le Once devient presque exclusivement juif à partir de 1930-1935. En 1936, une étude est faite par la municipalité de Buenos Aires qui recense 73.606 juifs étrangers (nés à l’étranger) et 46.589 juifs argentins (nés en Argentine) soit 120.195 juifs a Buenos Aires. Sur la totalité 22 % des juifs de Buenos Aires résident dans le Once (soit 24.000 juifs).

A partir des années 40 et 50, les juifs de Once sont considérés (comme ceux qui sont restés a San Nicolas) les plus riches de la collectivité. Les juifs pauvres donc récemment arrivés (ouvriers pour la plupart) résident plutôt à Villa Crespo, à Paternal, voire même en banlieue près des usines et des fabriques.

Photo : Le secteur le plus dense du Once, l'avenida Puyerredon. (Mai 2013).

Photo : Once au niveau du métro Pueyrredon. (Mai 2013).

Once la fringue :

 

On comprend maintenant pourquoi à partir des années 1890 l’activité textile (donc juive) mélangé a l’activité de bouche (antérieure à 1870) se mêle, et transforme tout le secteur de la Plaza de Miserere en un centre commercial inégalable. Once c’est en 1900-1930 la fois les marchés de proximités en alimentation (Kasher ou autre), les grossistes en tissus, les détaillants en vetements, les bazars pour la maison et la cuisine. A cela se mêlent de plus en plus de banlieusards arrivant par la Estacion Once pour venir travailler en ville- Once devint donc aussi un nœud de communication par bus, tramway et metro de l’ouest de la ville et de la banlieue vers le centre de Buenos Aires.

 

Photo ci dessus : Plaza Once, en regardant l'avenida Pueyrredon, a droite, la gare de 11 se septiembre. Photo vers 1925.

On y passe, on y court, on s’y restaure sur le pouce. La quantité de bars, restaurants (plus ou moins chic, pour le bourgeois) mais aussi de ventes ambulantes pour l’ouvrier se multiplie au cours de cette periode.

Once c’est avant tout le système D, la plupart des emplois sont au noir, tout nouvel émigré y va chercher du travail avant de trouver mieux. C’est le passage presque obligé dans le monde du commerce et de la vente. Toute société y a une succursale, ne serait ce que pour avoir un pas de porte, les loyers sont fables, et nous ne sommes pas loin du centre, avec des transports a portée de main, que demander de plus ?

Dans les années 50 et 60, c’est l’émigration intérieure qui débarque à Buenos Aires, de l’intérieur comme on dit ! Aux conventillos des années 1900-1930 succèdent les meublés que l’on nomme souvent « Hotel Pasajeros », ou « Hotel Familiar », qui propose des chambres au mois ou a l’année. Once est gorgé de « Familiares », On vient seul de Jujuy, Corrientes ou Formosa tenter l’aventure a Buenos Aires pour espérer une vie meilleure qu’au pays et ensuite on fait venir, le frère, la femme et les enfants ! On loge dans le quartier, ce n’est pas cher et puis on est sur place pour travailler.

 

Photo ci dessus : Les arcades de l'Avenida Pueyrredon. Photo années 60.

 

Dans les années 90, c’est au tour des aventuriers des pays limitrophes a venir s’installer a Once, de Bolivie, du Paraguay, puis du Perou. Les petites mains derrière les machines à coudre sont boliviennes ou paraguayennes, ceux qui déchargent les containers de tissus, ou les camions sont les maris. A ce sujet, je fais une petite appartée, un "nouveau" secteur de quartier se monte dans le quartier de Liniers qu'on nomme déja "Little Bolivia" (encore un pretexte pour écrire un article).

Ce qui se font un peu d’argent, change de « rubro » et se lance a leur compte. Tout autour de Once c’est l’explosion des cantinas boliviennes ou péruvienne.

Entre 1990 et 2010, Once devient sud américaine. La population devient "typée", les « sudacas » (terme péjoratif pour désigner les sud américain métissés) viennent travailler avec (ou pour) les commerces juifs, arméniens,.. du quartier.

 

Photo : Vendeurs ambulants à Once, souvent boliviens ou péruviens.(Mai 2013).

 

Derniers arrivés à partir de 2000, les chinois, les experts en importation, d’ailleurs ils ne font que ça dans le quartier. Boutique après boutique, ils ouvrent et vendent tout ce qui peut se produire en Chine (donc de tout !). La matière noble pour eux : le plastique ! Donc jouet, calculette, outils, décoration etc…. Ils n’osent pas trop empiéter sur le textile (en tout cas dans le Once). Les Chinois du Once c’est le plastique !  Par contre il n’y a plus de place, on ne peut plus construire en hauteur, plus de m2 de libre, les nouveaux chinois (depuis 2010) eux, délaissent le Once et préfère le quartier de Floresta a la limite de Flores (c’est la nouvelle Mecque du tissu, et la bas Le Chinois concurrence le Coréen et le Juif).

Autrefois (c’est a dire il y a 10 ans)  le secteur Flores-Floresta autour de l’avenida Avellaneda était surnommé avec humour « cinco y medio » (5 et demi) car la production et sa surface était deux fois plus faible que « Once » (11). Aujourd’hui (2015), on est plus tenter de la surnommer « veintidos » (22), vous aurez compris pourquoi ! 

 

Aujourd’hui :

 

Alors Once mute (il l’a d’ailleurs toujours fait). Les gros ateliers (aux mains de familles juives) déjà existants à Once déménagent par manque de place à Flores, les nouvelles marques (aux mains des chinois ou coréens) eux vont directement s’implanter a Flores. Le commerce de Once tend à passer de la vente en gros à la vente au détail. Le niveau des vêtements vendus tend à monter en gamme. Le bas de gamme se cantonne à des « saladitas » (des sortes d’énormes halls ou plusieurs marques ou négoces sous-louent les emplacements) soit dans le Once, Flores mais aussi à La salada (partido de Lanus).

Once tend au niveau du textile à devenir la vitrine alors que la production tend à déménager sur Flores-Floresta, Liniers ou en banlieue. 

Par contre pour ce qui est des importateurs (chinois), ils restent sur Once.

Photo : Avenida Corrientes (2014)

Plan : En jaune, l'ensemble du quartier de Balvanera. En orange, le secteur de "Once". Vous pouvez agrandir en (2109 x2379) en cliquant dessus. Relevé avril 2015.

 

  

 

Les secteurs :

 

L’avenida Corrientes (entre 2100 et 2800) ont les loyers les plus élevés donc uniquement boutiques de marques qui ont déjà fait leurs preuves. Presque exclusivement boutique de prêt à porter.

La mode pour enfants ou bébé sur Avenida Corrientes assez regroupés vers Corrientes 2500 à 2700. Pour tout ce qui est poussettes et accessoires Planeta BB Corrientes 2340.

Toujours sur Avenida Corrientes, mode et chaussures presque exclusivement pour femme, vous trouvez les 3 plus importantes galeries qui sont (de la plus petite à la plus grande) Paseo Imperial (Corrientes 2510), Galeria Via del Sol (Corrientes 2582), Galeria del Siglo (Corrientes 2570). Ce sont les marques et fabricants qui n’ont pas les moyens d’avoir une boutique sur l’avenue mais qui préfèrent s’installer dans une galerie plutôt que dans une rue qui a moins de passage.

Le tissu au mètre (Telas) :

Donc vendu au mètre, tout choix, toute matière, sur Junin 400 ou sur Lavalle  2300, 2400, 2500 et 2600

Les merceries (Mercerias) :

De très nombreuses sur Lavalle 2500 et 2600. Uriburu 400.

Les cotillons articles pour fêtes et anniversaires (Cotillon) : Surtout sur Lavalle 2100, 2200, 2300 et quelques boutiques sur 2500

Bijou de fantaisie (Bijou ou Bijouterie) : Lavalle 2200, Uriburu 400,

Papeterie (Papeleria) : Lavalle 2200, Uriburu 400

Chaussures pour homme :

Un grand Classique : La Babel (Corrientes 2201)

Photo : A l'angle de Paso et de Sarmiento (Photo de mars 2008). En 2015, la façade est toujours la même.

 

Les Conseils du Petit Hergé :

 

Il n’y a aucun doute à avoir, il faut y aller !

Surtout allez y les mains dans les poches, rien de valeur au cou, au poignet et pas de sac a dos. Tout se fait cash dans le quartier, des sommes des fois faramineuses passent de main en main, donc les pickpockets trainent aussi dans le coin.

Ca se bouscule, ça se marche dessus, les galeries grouillent et les saladitas sont de véritables fourmilières. Même si vous ne voulez rien acheter, vous ne pourrez pas vous en empêcher longtemps ! Tout produit importé dans le pays se vend forcement dans le Once et avant tout autre endroit. Tous les vêtements que l’on peut trouver partout en Argentine, se fabriquent à Once et s’y vend !

Donc inutile de faire vos achats sur calle Florida, dans les shoppings ou même sur avenida Santa Fe, vous trouverez tout soit sur Once soit sur Flores.

Il y a souvent un minimum d’achat dans les boutiques (mais ridiculement bas, souvent le minimum demandé est de 10 ou 20 euros)

Attention, le vendredi c’est shabbat, donc les persiennes baissent tôt, privilégiez donc du lundi au jeudi entre 10h et 18h. Vendredi entre 10h et 16h. Le samedi uniquement l'avenida Corrientes est ouverte que sur la partie 2400-2700.

Pour vous y rendre, métro "Pasteur" ou "Pueyrredon" sur la ligne B. 

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