Dernière mise  jour : 20 septembre 2021. #Buenos Aires.

 

Le Quartier de La Boca :

 

Me voilà donc parti dans l’élaboration d’un article sur le quartier « dit mythique » de La Boca pour ce qu’il représente dans l’imaginaire collectif de tout touriste débarquant à Buenos Aires.

Je ne suis pas là pour détruire le « mythe » mais peut être pour le dépoussiérer et surtout pour présenter le quartier comme il est, et non comme on voudrait bien vous le présenter. La plupart des sites web abordant le sujet sont tenus par des agences de voyages donc on ne peut pas toujours être à la fois « vendeur » et être dans le réalisme.  A vous ensuite de savoir si vous voulez rester dans le rêve touristique ou connaitre le sujet.

Je ne vous cacherai pas que 99% des touristes (étrangers mais même argentins) préfèrent rester dans le rêve et après tout puisqu’ils sont en vacances ils en ont bien le droit !

C’est donc au 1% restant que je m’adresse pour qu’ils connaissent ce que fut, est et sera la Boca !

Possible de vous faire visiter le quartier de La Boca ("le vrai"), contactez moi par mail !

 

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Fermeture du Bodegon del Obrero (2021).

 

Photos : Quelques vues de La Boca, loin des sentiers touristiques.

Ces maisons datent pour la plupart de 1890-1900. Elles sont toutes encore aujourd'hui habitées.

      

 

Plan ci-dessous : (Cliquez sur le plan pour agrandir). La Boca entre 1870 et 1890 sur un plan actuel. Le "centre historique" est celui édifié entre les calle Brown et Necochea (en rouge) entre 1860 et 1870. L'artère principale, le seul chemin unissant la Boca de Buenos Aires est la calle Brown (en jaune). Les secteurs en orange crayonné représente l'extention du quartier entre 1870 et 1880. Essentiellement des fabriques dans la partie sud, et des logement le long de Brown et autour du Caminito. Enfin en orange clair crayonné, l'extension entre 1880 et 1890. Le tissus urbain est continue vers l'ouest le quartier de Barracas.

 

Vidéo : Montage de Photos anciennes. 

 

 

Photo ci dessous, voilà une photo de 1867. Elle est prise du Parque Lezama (San Telmo) en regardant vers le sud. On peut voir la grosse route filant vers le sud (Avenida Regimiento de Patrios, qui se nommait encore Calle Defensa à l'époque), c'est l'axe principal pour relier le port de Mataderos, quelques maisons longeant cette avenue. A gauche, une autre route, c'est la future avenida Brown qui relie La Boca (tout au loin), très peu d'habitants en 1867, pas une seule maison le long de la route, nous sommes encore à la campagne là bas !

Un peu d’histoire contemporaine :

 

Rentrons un peu plus dans le détail et faisons un tour historique des environs :

Comme je l’ai déjà indiqué précédemment, La Boca était une vaste prairie souvent transformée en lagune suivant la montée du Rio de la Plata et du Riachuelo. Impossible donc de faire des cultures et encore moins d’y habiter. C’est pour cela que les premières installations furent des maisons en bois sur pilotis installées le long du Riachuelo ou le long de l’unique chemin menant à Buenos Aires par San Telmo (ce faubourg installé sur une hauteur ne risquait pas les aléas des crues), cet axe est ce qui devint rapidement l’Avenida Brown.

Pour avoir un semblant d’urbanisation, il faut attendre les années 1860-1865. Et encore j’ai quelques plans du quartier de 1860 ou ne figure aucune autre rue que celle d’almirante Brown. Par contre tous les plans à partir de 1865 comportent au moins 8 « manzanas » construites. Attention quand je dis construites, il s’agit de maisons ou plutôt de masures en bois sur pilotis qui ne sont même pas placées le long des rues, mais plus souvent au milieu de leur terrains. Donc déjà un plan en damier, mais très peu dense. C’est donc sur l’avenida Brown entre l’actuelle Brandsen et le Rioachuelo que l’on peut voir les premières maisons en bois et tôle sur pilotis ou en tout cas bien surélevées pour éviter les crues. L’autre parallèle à Brown à s’urbaniser et la calle Necochea toujours entre Brown et Brandsen.

Si on veut donc trouver les traces les plus anciennes du quartier il faut les chercher sur ces 8 manzanas. Mais voilà, le 27 janvier 1937, les premiers coups de pioches sont donnés sur 4 de ses plus anciennes manzana pour les éventrer afin de laisser passer la rampe qui donnera accès au pont Avellaneda (inauguré en 1940) qui est le premier pont à enjamber le Riachuelo à La Boca.

Avant 1940, l’unique passage entre La Boca et la banlieue sud (Avellaneda) de l’autre coté du Riachuelo était le pont transbordeur Nicolas Avellaneda (construit entre 1908 et 1914) aussi dans l’axe de l’avenida Brown, et avant 1914 on ne pouvait passer de l’autre coté de la rive qu’avec un simple bac !

Bref, tout ça pour vous dire, que si vous vouliez vraiment voir les premières maisons de La Boca vous auriez du venir en 1937 pour pouvoir les admirer pleinement et ceci dans le secteur de la calle Necochea. Aujourd’hui encore on peut trouver de très vielles maisons dans un état de délabrement total, avec des cantinas aux noms italiens dans cette même rues mais allez y vraiment si vous avez déjà une expérience de Buenos Aires. Ce secteur de la Boca est extrêmement dangereux même en pleine journée.

 

Photo ci-dessus : Nous voilà en 1938 lors de la construction de la rampe pour accéder au pont Nicolas Avellaneda. A gauche l'avenida Brown. Avec l'ouverture du pont en 1940, l'avenida Brown va perdre son trafic.

 

 

Photo ci-deessous : Voila à quoi pouvait ressembler La Boca entre 1880 et 1890.

 

 

Des cabanes en bois, les toits en tôles. Les maisons sont encore espacées. Il y a donc encore assez de place autour des maisons pour sécher le linge, faire courir quelques poules. Comme au tout début du quartier entre 1850 et 1860. On peut imaginer que la calle Brown pouvait être ainsi jusqu'en 1880.

En 1900, les maisons seront déjà trop nombreuses et se retrouveront collées les unes aux autres. La photo est en noir et blanc, donc difficile de déterminer les couleurs, pourtant on peut voir que les façade sont homogènes dans les teintes et qu'elle doit donc être peinte de la même couleur sur l'ensemble de ces faces. Nous sommes bien loin du bariolage qu'on nous impose aujourd'hui dans le Caminito.

 

Photo : Prise entre 1875 et 1880, le port de la Boca, nous sommes vraiment encore à la campagne !

 

 

Photos ci-dessous : Aspects de La Boca. Photos 2010

 

    

 

 

Photo ci dessous : Passage d'une train en 1938 dans le quartier.

 

 

Développement du train a partir de 1866

 

Si les rues de Necochea et de Brown ainsi que les perpendiculaires furent urbanisées entre 1860 et 1870, pour voir le reste du quartier se peupler, il faut attendre 1870-1880 pour voir arriver les maison le long du Riachuelo sur la partie englobant le Caminito sans pour autant dépasser la voie ferrée (toujours présente) à l’est.

Disons qu’à l’est de la calle Garibaldi en 1885 c’est encore la campagne. Là où se lève aujourd’hui la « Bombonera » (Stade de foot de Boca Junior), c’est aussi la campagne. Quand à l’ouest c’est toujours la calle Necochea que délimite la campagne.

La ligne de train passant tout proche du secteur touristique du Caminito date de 1866, il faut donc imaginer que lorsqu’elle fut créée il n’y a avait pas une seule maison dans les parages.

La ligne principale partait de la gare centrale se trouvant sur Paseo Colon et calle Venezuela (Colon 650) pour filer plein sud en suivant l’actuelle Paseo Colon puis longeait l’actuelle calle Irala et arrivait au niveau de la calle General Gregorio Araoz de Lamadrid à un aiguillage qui la faisait bifurquer soit vers un terminus sur le quai de la Boca (en passant donc par le Caminito), soit plus vers le sud en continuant vers Quilmes.

 

Photo aérienne ci dessous :  La limite entre La Boca et Barracas, on construit des usines encore à la campagne en 1925 ! (Cliquez sur les photos pour agrandir)

A partir de l’arrivée du train dans le quartier, nous assistons à une explosion d’installations de fabriques et d’usines le long de cette voie ferrée entre La Boca et Barracas dans le secteur de la future calle Garibaldi. Buenos Aires entre de plein pied dans la révolution industrielle. La Boca et Baracas deviennent à eux seuls les principaux lieux de production industrielle de Buenos Aires jusqu’en 1900.

Ce qui explique donc l’urbanisation entre 1870 et 1880 d’un secteur de 20 à 25 hectares à l’ouest de l’ancien Boca jusqu’á la voie ferrée. Puis entre 1880 et 1890 le début de l’urbanisation entre cette voie ferrée et l’avenida Montes de Oca.

On peut estimer qu’en 1895, les deux anciens faubourgs de La Boca et de Barracas sont enfin unifier par un tissu urbain entre eux et avec Buenos Aires.

Il reste enfin une dernière partie « verte » sans aucune édification entre La Boca et Buenos Aires le long du Riachuelo toujours pour des raisons d’inondation. La construction de Puerto Madero (1887-1898) permit de commencer à délimiter de manière précise la limite entre le Rio de la Plata et la berge de La Boca dans sa partie nord et de faire disparaitre les dernières poches de marais. Une partie à l’est de l’avenida Almirante Brown sera occupée par les installations ferroviaires en 1895 et la dernière partie libre de la Boca fut construite à partir de 1963 pour y monter l’ensemble Alfredo Palacios (originellement nommé Barrio Catalinas Sur), des pures tours et barres à la sauce Sarcelle. Le quartier de la Boca est donc aujourd’hui sur toute sa surface (338 hectares) construit.

 

Photo ci-dessous : La Vuelta Rocha. Le quai principal de la Boca. En 1937, encore du trafic maritime mais nous sommes déjà à la fin de l'époque dorée de la Boca. Cliquez sur la photo pour voir les détails.

 

Le défi de remonter un quartier moribond :

 

Boca connu son apogée entre 1890 et 1914, le recensement de 1914 fait apparaître une population de 76.000 habitants. Presque tous travaillant dans les fabriques du quartier, celles de Barracas ou d’Avellaneda. On travaille à la production ou dans le maritime, pour charger, décharger camions, trains et bateaux, entreposer les marchandises à l’export ou à l‘import. Les cheminées des usines fument en permanence, et on y trouve du travail sans trop chercher.

 

 

Le premier coup dur arrive avec l’ouverture de Puerto Madero en 1898 (plus moderne, plus grand, et mieux desservi par les trains), l’activité commence donc à décliner dés la fin du XIXème siècle. Puis ce fut au tour d’un nouveau port installé à Avelladeda (Puerto Dock Sur) de se développer et de prendre aussi une part du trafic. Enfin en 1940, le dernier gros employeur du quartier, la Compagnie de las Catalinas (The Catalinas Warehouses and Mole Company Ltd.) fondé à la fin du XIXème siècle met la clef sous la porte, et ses deux énormes terrains (dont un Boca) restent à l’abandon jusqu’à leur rachat par la ville de Buenos Aires dans les années 60.

La population baisse, les fabriques ferment, de nombreuses « cuadras » se retrouvent en jachère, et l’herbe pousse dans les rues entre les pavés. Les commerces suivent aussi les fermetures, les années 70 furent peut être les pires, le port de Boca cesse totalement ses activités. Dans les années 80, se furent les petits commerces qui suivirent le pas (dont les cantinas de la calle Necochea). Le recensement de 1991 fait apparaître une diminution de population de 40 % par rapport à 1914. (46.000 habitants en 1991). Le dernier recensement de 2010 continue à montrer la chute de la population : 45.000 habitants.

   

Le quartier est délaissé, le nombre de maisons abandonnées continue à progresser, elles deviennent vite invendables lorsqu’elles ne sont plus entretenues depuis plusieurs dizaines d’années. Certaines sont squattées, la délinquance s’installe et l’ambiance ne permet plus à une nouvelle population de sentir l’envie d’y revenir. La boucle est bouclée, aucun programme de réhabilitation, aucun projet privé de développement d’habitat, le quartier se meurt à petit feu.

Il manque une décision politique forte de mettre en place un projet sérieux non plus de réhabilitation, car il est déjà trop tard pour ça (puisqu’il ne reste plus aucune activité, hormis 3 bouts de rue pour le tourisme autour du Caminito), mais de repenser totalement le quartier.

On parle de contrôler au moins une bande « sécurisée » pour rejoindre à partir du secteur du Caminito, la Bombonera et la calle Necochea qui serait piétonnisée pour ensuite atteindre le Parque Lezama.

 

Photos ci-dessous : Aujourd’hui encore des milliers de "porteños" habitent dans les logements vétustes de la Boca.(Photo 2010)

 

 

 

Les conseils du Petit Hergé :

 

J’espère ne pas vous avoir déçu en vous montrant le quartier de la Boca aussi misérablement. Le plus triste est de voir les conditions de vie d’une grande partie des habitants mêlées aux difficultés chroniques de subvenir à leurs besoins.

Loin des clichés touristiques qu'on veut vous présenter, voici la Boca quotidienne et réelle de ses habitants. 

La visite du quartier de la Boca est intéressante si vous restez au moins une semaine à Buenos Aires. Si vous ne restez que 2 ou 3 jours dans la capitale, préférez passer vos quelques heures de découvertes dans d’autres quartiers.

Si vous voulez que je vous serve de guide dans le quartier, c'est possible, vous me contactez sur : petitherge@hotmail.com

 

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