13 octobre 2009
2
13
/10
/octobre
/2009
16:46
Mise à jour : 13 octobre 2009. Article écrit par Jean Rémy Bost
Un cimetière, un symbole. Ici en Argentine, ce sont les Islas Malvinas (îles Malouines). Au Royaume-Uni, on les appelle les îles Falkland. Un détail qui peut sembler anodin quand on ne sait pas à quel point une double appellation est révélateur d’un triste passé. Pour ces îles, c’est une guerre de 907 morts pour ce qui restera depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le premier conflit entre deux nations occidentales, l’Argentine et le Royaume-Uni. Les Malouines sont encore aujourd’hui la source d’une relation internationale des plus tendues entre les deux pays, le cimetière de Darwin et son histoire pourraient en être le symbole. |
Une affaire d'honneur :
Si la guerre des Malouines commence le 2 avril 1982, il faut remonter en fait en 1833 pour trouver l’origine véritable du conflit. A cette date, le Royaume-Uni reprend à l’Argentine cet archipel formé de deux îles principales, La Malouine orientale (Isla Soledad) et la Malouine occidentale (Isla Gran Malvina), depuis peu héritage de l’occupation espagnole. La question de la souveraineté de ces îles pour les Argentins se pose dès lors, et des négociations commencent au milieu des années soixante aux Nations unies. Mais tout s’accélère dans les années quatre-vingt lorsque la junte militaire et le général Galtieri, se retrouve en grande difficulté face à la crise économique du moment. Pour détourner l’attention et redorer son blason, Galtieri décide alors de récupérer les Malouines, et convaincu du désintéressement du Royaume-Uni pour celles-ci. Malheureusement pour lui, le même intérêt dans une guerre victorieuse nait en face et Margaret Thatcher, alors Premier Ministre, voit dans une riposte l’occasion de flatter l’orgueil d’un peuple au moral austère. Ainsi s’en suivent 3 mois de guerre, jusqu’au 14 juin 1982 et la victoire britannique, qui sans surprise permettra la réélection de la « Dame de fer » et dans le même temps la chute de la dictature militaire en Argentine. |
L'ONU doit trancher : Depuis le retour de la démocratie argentine, les relations entre les deux pays ont toujours suivi l’evolution et surtout la situation économique de l’Argentine. Pendant les années glorieuses de Menem au temps du « Miracle économique argentin » du milieu des années 90, un réchauffement des relations a pu permettre aux familles des victimes argentines de se rendre sur les iles pour se recueillir. Depuis le mandat de Nestor Kirchner et surtout de Cristina Kirchner, la débacle économique pousse le gouvernement à vouloir chercher un nouveau cheval de bataille pour rassembler les esprits et le dossier des Iles malouines revient sur la table. L’Argentine ne reconnait toujours pas les « Falklands » et considère que l’archipel est occupé par une force militaire étrangère. La souveraineté est « officiellement » argentine (pour eux), et la « récupération » n’est qu’un principe à faire voter par l’ONU. Dans la constitution argentine modifiée en 1994, apparaissent les « dispositions transitoires » concernant les Malouines : « Première disposition 1) La nation argentine ratifie sa souveraineté légitime et imprescriptible sur les îles Malouines, les îles Géorgie du Sud et Sandwich du Sud ainsi que les espaces maritimes et insulaires correspondants comme faisant partie intégrante du territoire national. 2) La récupération de ces territoires et l'exercice entier de la souveraineté, respectant le mode de vie de ses habitants, et conformément aux principes du droit international, constituent un objectif permanent et irrévocable du peuple argentin. » |
Un vol spécial : Récupérer la souveraineté des Malouines, un objectif à (très) long terme du gouvernement argentin ? On peut l’imaginer. Mais on en est encore très loin, à l’image de l’échange stérile qui s’est tenu entre Mme Kirchner, qui a déclaré que « D’ici un siècle, un président argentin viendrait un jour rendre hommage à ses morts », et le vice-gouverneur britannique, Paul Martinez, qui lui a ironiquement répondu « [qu’il] ne serait peut-être plus vivant » pour le voir. Ce dernier a en outre affirmé que les habitants des Malouines voyaient d’un mauvais œil le politique de Kirchner et qu’ils regrettaient celle dite « de séduction »employée en son temps par Carlos Menem. La présence de la présidente au départ et à l’arrivée des familles parties se recueillir depuis Rio Gallegos a en effet été perçue par les habitants comme une véritable volonté du gouvernement argentin de montrer qu’il est toujours bel et bien là pour récupérer ce qui selon lui lui revient de droit. Ce 3 octobre, c’est bien malgré tout grâce à un convoi très exceptionnel que 170 argentins ont pu aller se recueillir au cimetière Charles Darwin, situé sur l’île Falkland orientale, ou île Soledad, au sud-ouest de la capitale Port Stanley. Mais c’est à la mémoire des morts et non directement à leur dépouille que ces familles ont pu rendre hommage, car le cimetière de Darwin n’abrite en fait aucune tombe personnelle, sinon un mémorial attendu depuis 5 ans composé d’un parterre de nombreuses croix blanches et de 24 grandes stèles où sont gravés en espagnol les noms des 649 soldats argentins tombés pour leur patrie, et parmi lesquels 230 d’entre eux sont effectivement enterrés à Darwin. Un monument aux morts tout juste inauguré à l’occasion de ce premier voyage, en attendant le second vendredi 16 octobre, qui verra 205 personnes se rendre à leur tour à Darwin. Ce cortège sera cette fois-ci accompagné d’une image de la Vierge de Luján, la sainte-patronne du pays, tout un symbole pour l’Eglise argentine qui sera représentée par monseigneur Juan Carlos Romanín, évêque de Rio Gallegos. Les soldats dont seul le nom se trouve à Darwin sont enterrés à Cow Park et Fish Creek, « pour qu’on ne soit pas toujours à se rappeler de la guerre » à Darwin, selon les propres mots de Eric Goss, dernier homme vivant chargé à l’époque de ces enterrements. |
Situation gelée : La situation aujourd'hui est toujours aussi complexe et le niveau de relations entre les deux pays est au plus bas. Mais du côté argentin, les grandes déclarations qu’ont pu se faire les porte-paroles des deux nations lors de cet hommage ne trouvent pas leur public dans un contexte de crise. Certains argentins (extrèmement minoritaires) considèrent la défaite comme une raison suffisante pour abandonner définitivement l’archipel tandis que d’autres pensent que son appartenance géologique à la Patagonie suffit à en faire un territoire national à reconquérir. Mais en attendant même qu’un officiel argentin puisse mettre les pieds aux Malouines pour en discuter, les Kelpers (nom donné aux habitants) préfèrent accueillir les touristes venus redynamiser leur économie; et cela semble leur convenir, car paradoxalement ceux-ci redoutent une détente des relations entre l’Argentine et le Royaume-Uni : c’est à leurs yeux un premier pas vers un abandon du soutien inconditionnel de la Couronne envers leurs îles. |
Published by Le Petit Hergé
-
dans
6A - Histoire & Politique