Mise à jour : 29 septembre 2011. Article écrit par Leo Sounigo.

Les bureaux sexuels :  

 

Voilà un nouveau type de prostitution à Buenos Aires qui se développe, ou plutôt une pratique courante se développant non plus en pleine rue ou en hôtel spécialisé mais uniquement en appartement. Une sorte de « oficinas de amor » ou de sociétés de services d’amour bien implantées dans les édifices de bureaux de la capitale. Les prostituées sont devenues des employées venant les jours de semaines travailler au « bureau » comme d’autres employées des autres étages du même immeubles viennent travailler dans un cabinet comptable ou une société d’assurance ! Une banalisation de ces sociétés bien particulières qui ont presque pignon sur rue, illégales, mais dans les tours de bureaux tout le monde sait ou elles sont !

 

Photo : Petite annonce pour service d'un appartement privé.

 Los departamentos privados :

 

« La femme est obligée de choisir entre acheter un homme, ce qui s’appelle le mariage, ou se vendre aux hommes, ce qui s’appelle de la prostitution » écrit Victor Hugo dans Océan Prose en 1854. Prés d’un siècle plus tard, on pourrait penser que les écrits, d’Hugo, concernant la prostitution, raisonnent encore comme une évidence au sein de certains appartements situés dans les rues du quartier Microcentro, ou sur l’avenue Santa Fe à Buenos Aires.  Auparavant phénomène de rues, les appartements Portenos deviennent à présent la plaque tournante des rapports sexuelles entre hommes d’affaires et prostituées. Ces appartements, « privados », comme on les appelle ici, alertent et interpellent, intriguent et fascinent, mêlant en fait un jeu de pouvoir, d’argent, de sexe et de corruption. Alors, qu’en est-il exactement du phénomène de « los departamentos privados » ? Phénomène à priori illégal, est-il pour autant toléré par les autorités publiques ?

Photo : un appartement privé fonctionne Calle Paraguay au numero 877.

 

Uniquement dans les beaux quartiers :

 

Ce sont dans ces 613 appartements, situés entre Belgrano, Recoleta, et Barrio Norte, que des femmes, ou encore des hommes travestis exercent des activités illégales, a affirmé récemment (en décembre 2009), l’ONG  Almadea, voulant combattre contre le phénomène de la prostitution à Buenos Aires. La Almadea, dénombre également jusqu'à 70 appartements privés qui ont été mis en place au cours de ces dernières années. Statistiques alarmantes, les faits sont pourtant réels. En 2011, on arriverait a un chiffre de 2.000 appartements privés sur Buenos Aires ! On peut prendre l’exemple de Catalina, 32 ans, qui vient chaque jour, dans un appartement de la calle 25 de Mayo, pour vendre son corps, contre de l’argent. Celle-ci gagne environ 350 pesos en une heure (60 euros). L’appartement dans lequel, elle travaille, à l’air d’un bureau à priori, normal. Tellement normal, que les activités illicites de prostitution seront camouflées sur la porte par un nom d’entreprise qui exercerait une activité soi-disant légale. Et, force est de constater qu’internet permet d’amplifier le phénomène, de par la diffusion instantanée et très rapide de l’information : « Venez profiter de nombreuses prostitués dans les appartements de l’avenue Santa Fe ».

 

Photo : En plein Recoleta sur l'avenida Santa Fe, dans le seul immeuble du 1126, fonctionnent 31 appartements privés. 

L’affaire du Juge Eugenio Raul Zaffaroni :  

 

Mais, ce qu’il y a de très paradoxale, dans les affaires des appartements privés, c’est la position de la classe politique en place : Alors que l’article 15 de la loi 12331 de la réglementation sur la ville de Buenos Aires stipule, « l’interdiction formelle d’établissement ou de locaux dans lesquels s’exercerait toute forme de prostitution », on constate cependant quelques dérives récentes, comme celle qui a fait la une de la presse Portenas : en effet, le juge Eugenio Raul Zaffaroni, semble posséder au moins 15 appartements dans lesquels des femmes vendent leur corps contre de l’argent. En réponse à ces attaques, le juge rejette toute forme d’accusation, en affirmant qu’il n’entretient aucune relation personnelle avec les personnes habitant dans ses appartements. « Je ne connais aucun de habitants des maisons de mes quinze propriété, et j’ai la conscience tranquille ». Que ces appartements se trouvent au 1240 de l’Avenue Santa Fe, ou au 877 de Paraguay, on peut penser que la polémique est loin d’être terminée.

Vidéo : Reportage du canal C5N sur les departamentos privados de Buenos Aires.

Illégalité et tolérance :

 

Par ailleurs, la notion de d’illégalité, en matière de prostitution au sein de ces appartements semble assez clair, même s’il en a pas toujours été le cas : Dans La prostitucion legal en Buenos Aires 1875-1935, Donna Guy, nous montre à quel point les réglementations, les chroniques de voyageurs, les actes parlementaire, ou encore les paroles fictives de chansons de tango, relataient les différents aspects de la vie des bordels de l’époque, où la prostitution était légalisée en Argentine. Et pourtant, aujourd’hui et dans le contexte actuel, les choses semblent bien différentes : d’une part l’article 15 de la loi 12331 interdit de pratiquer toute forme de prostitution dans des appartements, mais d’autre part, on pourra également mentionner la Ley Palacio n°9143 (mise en place par le député socialiste Alfredo Palacios) qui interdit rigoureusement toute forme de prostitution. Alors, pourquoi, aujourd’hui la prostitution bien que répudiée, et prohibée est-elle tolérée en pratique dans les appartements de la rue Paraguay ou de l’avenue Santa Fe ?

D’une manière ou d’une autre, ces appartements peuvent être perçus comme un élément de réponse, à une forme de prostitution que les autorités publiques ont cherché à rendre invisible. Par exemple, le débat concernant le Codigo de Convivencia, mettait en avant le fait que des habitants de la classe moyenne et supérieure exigeait des autorités qu’elles instaurent des quartiers réservés où l’offre de sexe, ne serait pas public. Los « privados », sont donc une façon de rendre la prostitution invisible, et de la placer en marge de l’espace public.

Photo : Contrôle ou fermeture des wiskerias de Buenos Aires (pourtant illégales), ici celle du Morena's de Flores.

Dérive vers l’esclavagisme des femmes :

 

Depuis les années 90, et dans le contexte  de la mondialisation, Buenos Aires est apparu comme une plaque tournante du tourisme sexuel : l’ouverture des frontières a en effet intensifier le marché du sexe, et le nombre de clients pratiquant le tourisme sexuel a augmenté de lors de ces dernières années : wiskerias et appartements privés ne sont donc devenus que de simple lieux communs. Mais qui sont alors ces femmes qui se prostituent ?

 

Le leitmotiv qui pousse ces femmes à se prostituer est d’abord et avant tout l’extrême pauvreté, dans laquelle celles-ci sont amenées à vivre : historiquement déjà, les prostituées européennes de Buenos Aires, ont d’abord été expulsé d’Europe et marginalisé par l’avancée du capitalisme et de la révolution industrielle, et ont par conséquent été expulsée de leur terre d’origine. L’immigration vers d’autres continents ou d’autres territoires était alors considérée comme la seul clé possible de survie. « La prostitution constituait une réponse consciente à la pauvreté plutôt que le résultat d’un piège de quelques proxénètes pervers », écrit Albert Londres dans son ouvrage, Le chemin de Buenos Aires.

 

Et pourtant, force est de constater, que la vie quotidienne de ces prostituées n’a rien d’évident : le 14 novembre 2010, le journal Clarin révélait en effet, la mise en liberté de six prostitués, âgées de 18 à 22 ans et  enfermées dans un appartement. Celles-ci avaient été contraintes à se prostituer, au sein de cet appartement. Tout se passe en fait comme si Buenos Aires, l’enfant terrible de l’Amérique Latine, était marqué de plein fouet par ces femmes, qui vivant dans une pauvreté extrême n’avait pas d’autre moyen que de vendre leur âme au diable, afin de pouvoir survivre, dans l’océan instable et précaire de la vie porteña.

Photo : Cabine telephonique recouverte de "volantes" de services particuliers. En face du Teatro Colon.

L’avis du Petit Hergé :

 

Il suffit de se promener dans le centre, pour voir apparaitre coller aux arrêts de bus, aux cabines téléphonique mais aussi directement sur les murs des milliers de petits papiers ventant les mérites (physiques) de prénoms féminins, avec un simple numéro de téléphone, ou même avec une adresse. Facile de deviner qu’il ne s’agit pas de publicités de magasins de photocopies ou de vente de repas à emporter ! Au fil des années, les avenidas Corrientes, Callao, ou Santa Fe se sont faites envahir de ces « volantes » pas plus grand qu’une carte de crédit. Difficile de les ignorer, et pourtant la police n’a pas l’air de s’en soucier, il faut dire que tout commissariat a aussi peut être tout à gagner à voir s’implanter sur son territoire ce genre de « departamentos privados ». Argentine, pays de l’équilibre obtenu à coups de coïma (terme rioplatense équivalent du nom persan de bakchich) bien placée. La police sait, les concierges de ces immeubles savent aussi, les syndics de ces immeubles savent encore plus, quant aux propriétaires des mêmes immeubles ou appartements, ils en savent encore plus ! Tout le monde sait, et tout le monde y gagne quelque chose ! Buenos Aires, ville magique !

Lire aussi dans le Petit Hergé :

Pôle pour l'industrie audiovisuelle à Buenos Aires- Pôle de l'industrie audiovisuelle à Buenos Aires.(Septembre 2011).

La création d’un tissus audiovisuel révèle en réalité, le fort potentiel du pays, dans se secteur : en effet, Buenos Aires apparaît aujourd’hui comme une destination phare pour les tournages, puisque la ville accueille chaque année 700 tournages en moyenne (film, publicités). De plus, 60% des tournages qui ont lieu en Argentine se font à Buenos Aires..(Lire la suite).

  

Museo Nacional de Bellas Artes de Neuquen (MNBA Neuquén)- Musée National des Beaux Arts de Neuquen.(Mars 2008).

Installé sur l’ancien site de la Terminale de bus, le bâtiment abritant le musée a été inauguré en septembre 2004 lors des fêtes du centenaire de la ville de Neuquen. Le projet est signé de l’architecte Mario Roberto Álvarez. La composition est simple, un énorme cube de 2.000 m2 ouvert sur un patio intérieur, autour duquel, les visiteurs tournent pour admirer les œuvres dans des espaces totalement dégagés...(Lire la suite).

Marché aux puces (Colegiales - Buenos Aires)- Marché aux puces de Colegiales.(Septembre 2011).

« Mercado de Las Pulgas ». Le bâtiment qui occupe la totalité du bloc entre les rues Dorrego, Alvarez Thomas, Conception Arenal et General Enrique Martinez. Il a une superficie de près d’un hectare et demi (13.400 m2 pour être exact).C’est une sorte de hangar dans lequel ont été aménagé 167 boxes plus ou moins grands. Chaque box est occupé par un artisan, un vendeur, et même quelques artistes...(Lire la suite).

La Feria de Belgrano (Belgrano - Buenos Aires)

- La Feria de Belgrano.(Septembre 2011).

La Feria se situe dans le cœur même de l’ancien Belgrano, du temps ou le quartier n’était qu’un village. Sur la place principale juste en face de son église. D’ailleurs pour vous rendre à cette feria, il suffit de suivre le dôme de l’Église de l’Immaculée Conception qui surplombe le quartier... (Lire la suite)

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